« l’âme et la science, tout ensemble. » Hercule Salvinien Cyrano de Bergerac - photographer : Maleonn MA.
Photo : Maleonn Ma
Savinien Cyrano de Bergerac est une sonnerie de téléphone portable sortie du néant.
Secoué vivement de votre conférence ennuyeuse, votre doigt bondit à la recherche de l’icône tactile. Impossible de décrocher – écran verrouillé – vous déboulez alors vers la sortie « Rob zombie : Foxy foxy. » tonitruant en main.
La force du métal ajouté aux riffs tapageurs offrent un contraste saisissant au ton lénifiant, cotonneux du conférencier - Hégélien de surcroît. Imaginez les déplaisirs que ça cause.
Les auditeurs endormis - les somnolents convaincus à peine une seconde en arrière de finir leur nuit sereinement - sursautent. Une telle activité au milieu de la soufflerie ronronnante, un tel remue méninge au centre des écoutes flottantes nimbées de pensées de basse intensités, égales, ce n’est point une tentative d’assassinat, diantre, non, c’est un crime !
Des auditeurs ronchonnent, maugréent, montrent les gencives.
Dans ces conditions, votre accélération motrice est de mise. Votre discrétion impossible.
Votre pied bute contre une chaise.
Vous avez beau bondir, charger, foncer, la sortie semble s’éloigner à mesure des mètres parcourus. La chose n’est pas impossible. Zénon d’Elée avait narré ce paradoxe. Achille, sûr de sa victoire, accorda à une tortue 100 longueurs de bonus. Or, tandis que ce dernier s’élançait, plein d’énergie vers cette dernière, la bestiole reptilienne, de même, progressait à menus pas. Aussi, en vertu de la « théorie de la rugosité » développée par Mandelbrot, propriété hologigogne de la géométrie fractale, Achille ne parviendra jamais à rejoindre cette satanée nature récursive.
La distance, donc, séparant un coureur de la porte se peut donc agrandir au carré de la conscience développée par cet individu de la mesure qu’il lui reste à parcourir.
En gros, pour faire simple, apprenez ce théorème par cœur :
La lucidité accroît les distances séparant tout individu du réel au cube des avancées de sa conscience.
La salle devant cette femme du XXIème siècle ne sachant point se servir d’un portable est médusée ! Une folle autant dire, qui avait l’air bien, adepte de l’acier symphonique pourtant, déboulant dans cette belle ordonnance, courant, fanfare métallique en main.
Dans quel monde vit-on ?
Enfin, votre main se pose sur le battant. Arrivée – essoufflée, visage rougi à la sortie.
L’appel se coupe.
Une main compatissante se pose sur votre épaule :
- Ça va ? Pas trop grave...
Vous regardez le portable à nouveau sans prononcer un mot.
Dans la salle : 300 paires d’yeux sont tournées vers vous.
Vous l’aurez compris, Hercule Savinien est un mousquetaire Scotch-Brite : il astique les surfaces et récure en même temps.
Côté rêche, poil à gratter, il s’attaque aux résidus, pourfend les infirmes du savoir, prend en embuscade les poltrons, les serviteurs à la paillasse, montre les dents, combat les marionnettes incarnées, pousse à l’égout les jaseurs et frétilleurs, les adorateurs de la bêtise et autres trompeurs aux pensées convenues, du côté lisse, il balaye les croyances paralytiques, les idées reçues, les pseudo-sciences et moult avocats de l’ignorance.
Ca donne côté rosse :
« Messire Jean,
Je m’étonne fort que sur la chaire de vérité vous dressiez un Théâtre de Charlatan… » p 148
« Monsieur, … j’ai presque été forcé de vous écrire avec mon épée, tant il est glorieux d’écrire mal parmi des personnes dont les plumes ne se taillent point. » p 164
Côté essuie tout, la première lame soulève les opinions toutes faites, la seconde fauche le ridicule avant qu’il ne retombe.
Les tournures sont réjouissantes, jubilatoires.
Les figures de style pleuvent. Le voyage atmosphérique commence.
La lumière crue dégringole et renverse tout droit les lieux communs, foudroie les usages nuisibles, le dépotoir . Éclaboussure allongeant chaque corps d’une longue flaque de clarté.
Science et beau langage font force et rage de penser.
Jugez plutôt :
Cyrano s’élève vers la lune à l’aide de « fusées, qu'on avait disposées six à six », des fioles de rosée, de chariots de fer portés par un aimant, de vols d’oiseaux.
Il imagine les baladeurs :
« Lorsque j'ai depuis réfléchi sur cette miraculeuse invention de faire des livres, je ne m'étonne plus de voir que les jeunes hommes de ce pays-là possédaient plus de connaissance, à seize et dix-huit ans, que les barbes grises du nôtre; car, sachant lire aussitôt que parler, ils ne sont jamais sans lecture; à la chambre, à la promenade, en ville, en voyage, ils peuvent avoir dans la poche, ou pendus à la ceinture, une trentaine de ces livres dont ils n'ont qu'à bander un ressort pour en ouïr un chapitre seulement, ou bien plusieurs, s'ils sont en humeur d'écouter tout un livre: ainsi vous avez éternellement autour de vous tous les grands hommes, et morts et vivants, qui vous entretiennent de vive voix. Ce présent m'occupe plus d'une heure; enfin, me les étant attachés en forme de pendants d'oreilles, je sortis pour me promener …. » 1* p 105.
Il déclare l’unité de la matière, composée d’atomes ayant la même origine et de vide.
Inverse les genres : les hommes marchant à 4 pieds marquant l’évolution * 1.
Hercule Savinien Cyrano de Bergerac donc, est un personnage haut en valeurs.
Lequel inspira la pièce éponyme d'Edmond Rostand.
Il mourra la pointe lumineuse à la main le crâne défoncé d’une poutre cadeau de ses ennemis offerte du haut d’un échafaudage.
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Les Machines de Savinien :
L’excellent site consacré à Savinien Cyrano de Bergerac
fait état des empires scientifiques du poètes :
Cette boîte était trouée par en bas ; et par-dessus la voûte qui l'était aussi, je posai un vaisseau de cristal troué de même, fait en globe mais fort ample, dont le goulot aboutissait justement, en s'enchâssait dans le pertuis que j'avais pratiqué au chapiteau.
Le vase était construit exprès à plusieurs angles, et en forme d'icosaèdre, afin que chaque facette étant convexe et concave, ma boule produisit l'effet d'un miroir ardent.

Machine volante - première variante - © Carelman - Galerie du Dragon - 1965
"Le vase était construit exprès à plusieurs angles, et en forme d'icosaèdre,
afin que chaque facette étant convexe et concave, ma boule produisit l'effet d'un miroir ardent."
Machine volante (deuxième version)
"... j'avais disposé autour de ma boîte une petite voile facile à contourner, avec une ficelle dont je tenais le bout, qui passait par le bocal du vase... "
Machine volante (troisième variante)
... le soleil qui battait vigoureusement sur mes miroirs concaves, unissant les rais dans le milieu du vase, chassait avec son ardeur par le tuyau d'en haut l'air dont il était plein...
Maison mobile
L'architecte construisit chaque palais, ainsi que vous voyez, d'un bois fort léger, y pratique dessous quatre roues ; dans l'épaisseur de l'un des murs, il place dix gros soufflets dont les tuyaux passent d'une ligne horizontale à travers le dernier étage de l'un à l'autre pignon, en sorte que quand on, veut traîner les villes autre part, car on les change d'air à toutes les saisons, chacun déplie sur l'un des côtés de son logis quantité de larges voiles au-devant des soufflets ; puis ayant bandé un ressort pour les faire jouer, leurs maisons en moins de huit jours, avec les bouffées continuelles que vomissent ces monstres, sont emportées si on veut à plus de cent lieues.
Maison sédentaire
Quand à celles que nous appelons sédentaires, les logis en sont presque semblables à vos tours, hormis qu'ils sont de bois, et qu'ils sont percés au centre d'une grosse et forte vis, qui règne de la cave jusqu'au toit, pour les pouvoirs hausser et baisser à discrétion. Or, la terre est creusée aussi profond que l'édifice est élevé, et le tout est construit de cette sorte, afin qu'aussitôt que les gelées commencent à morfondre le ciel, ils puissent descendre leurs maisons en terre, où ils se tiennent à l'abri des intempéries de l'air. Mais sitôt que les douces haleines du printemps viennent à le radoucir, ils remontent au jour de leur grosse vis dont j'ai parlé.
Horloge à vent
Robert Parkeharrison - Breathing machine 1
Le geôlier, ni ses guichetiers, ne montaient jamais à ma chambre, qu'ils ne me rencontrassent occupé à ce travail ; mais ils ne s'en étonnaient point, à cause de toutes ces gentillesses de mécanique qu'ils voyaient dans ma chambre, dont je me disais l'inventeur.
Il y avait entre autres une horloge à vent...
Maquette du Britisch Museum.
La machine ci-contre fut construite par Su-song en 1092 - ENS Lyon
Oeil artificiel
... un oeil artificiel avec lequel on voit la nuit...
Dragon de feu (première variante)
Robert and Shana ParkeHarrisson
... quelques-uns dirent qu'il fallait attacher quantité de fusées volantes, pour ce que, leur rapidité les ayant enlevées bien haut, et le ressort agitant ses grandes ailes, il n'y aurait personne qui ne prît cette machine pour dragon de feu... car dès que la flamme eut dévoré un rang de fusées, qu'on avait disposées six par six, par le moyen d'une amorce qui bordait chaque demi-douzaine, un autre étage s'embrasait, puis un autre en sorte que le salpêtre prenant feu, éloignait le péril en le croissant.
Chariot de fer
... je pris de l'aimant... et le réduisis à la grosseur d'environ une balle médiocre... je fis construire un chariot de fer fort léger... j'entrais dans mon industrieuse charrette... et lorsque je fus bien ferme et bien appuyé sur le siège, je ruais fort haut en l'air cette boule d'aimant. Or la machine de fer que j'avais forgée tout exprès plus massive au milieu qu'aux extrémités, fut enlevée aussitôt, et dans un parfait équilibre, à cause qu'elle se poussait toujours plus vite par cet endroit. Ainsi donc à mesure que j'arrivais où l'aimant m'avait attiré, je rejetais ma boule en l'air au-dessus de moi.
Livre parlant
A l'ouverture de la boîte, je trouvais dedans un je ne sais quoi de métal presque semblable à nos horloges, plein de je ne sais quels petits ressorts et de machines imperceptibles. C'est un livre à la vérité, mais un livre miraculeux qui n'a ni feuillet ni caractères ; enfin c'est un livre où, pour apprendre, les yeux sont inutiles ; on n'a besoin que des oreilles. Quand quelqu'un donc souhaite lire, il bande, avec grande quantités de toutes sortes de petits nerfs, cette machine, puis il tourne l'aiguille sur le chapitre qu'il désire écouter, et en même temps il en sort comme de la bouche d'un homme, ou d'un instrument de musique, tous les sons distincts et différents qui servent, entre les grands lunaires, à l'expression du langage.
Savinien de Cyrano de Bergerac, Etats et empires du Soleil et de la Lune.
Encore et toujours notre conférie poétique en tête !
Les nouveaux chemins de la connaissance.
Par Raphaël ENTHOVEN, avec Jean-Charles DARMON - La Lune 4/5: dans Cyrano de Bergerac.
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L'Autre Monde ou Les États et Empires de la Lune –
Hercule Savinien Cyrano de Bergerac - GF Flammarion.
1* « Quand ce peuple me vit passer, me voyant si petit (car la plupart d'entre eux ont douze coudées de longueur), et mon corps soutenu sur deux pieds seulement, ils ne purent croire que je fusse un homme, car ils tenaient, eux autres, que, la nature ayant donné aux hommes comme aux bêtes deux jambes et deux bras, ils s'en devaient servir comme eux. Et en effet, rêvant depuis sur ce sujet, j'ai songé que celle situation de corps n'était point trop extravagante, quand je ne suis souvenu que nos enfants, lorsqu'ils ne sont encore instruits que de nature, marchent à quatre pieds, et ne s'élèvent sur deux que par le soin de leurs nourrices qui les dressent dans de petits chariots, et leur attachent des lanières pour les empêcher de tomber sur les quatre, comme la seule assiette ou la figure de notre masse incline de se reposer. » p 54 - 55.
Hercule Savinien Cyrano de Bergerac : La machine philososcience. Les nouveaux chemins de la connaissance de Raphaël Enthoven avec Jean-Charles Darmon. La Lune 4/5: dans Cyrano de Bergerac. Montage vidéo : Le chêne parlant.
Rob Zombie - Foxy, Foxy
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La moraline et les moralistes - Jean-Charles Darmon
Une conférence du cycle : "Quels humanismes pour quelle humanité aujourd'hui ?"La moraline et les moralistes par Jean-Charles DarmonLa tentation a souvent été grande de légitimer l'enseignemen...
Directeur-adjoint de l’École normale supérieure de la rue d’Ulm. Auteur de nombreuses études consacrées aux relations entre littérature, philosophie et morale à l’Age classique. Philosophie épicurienne et littérature au XVIIIe siècle en France (PUF); - Philosophie de la fable : La Fontaine et la crise du lyrisme (PUF); - Le Songe libertin. Cyrano de Bergerac d’un monde à l’autre (Klincksieck); - L’Athée, la politique et la mort (Encre Marine). Il a publié également une dizaine d’ouvrages collectifs, dirigé, avec Michel Delon, Les classicismes ( Histoire de la France littéraire, t. II, PUF) et édité les Fables de La Fontaine (Livre de Poche) ainsi que les Lettres satiriques et amoureuses de Cyrano de Bergerac (Desjonquères). Dernier livre paru, dans le cadre des activités du Centre de Recherches sur les Relations entre Littérature, Philosophie et Morale qu’il dirige à l’ENS : Le moraliste, la politique et l’histoire. De La Rochefoucauld à Derrida (Desjonquères).
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Vers le Soleil ou vers la Lune, Savinien décrit ses extraordinaires vaisseaux et ses inventions géniales et prémonitoires ; sous la main du sculpteur Carelman, voici ces extraordinaires machines...
http://www.cyranodebergerac.fr/cyrano_savinien_contenu.php?contenu_id=5