Il y a tout un monde dans une salle de conférence.
Dès l’ouverture des portes, les spectateurs envahissent la salle. Un chapelet d’auditeurs se détache et fonce droit devant. Volontaires, les consciences glissent, se répandent le long des chaises. Il faut voir ces vagabonds du savoir se frayer un chemin, se propulser dans le passage à l’affût de places disponibles, pour saisir - ou à tout le moins tenter de saisir - la structure du kosmos.
De fait, depuis l’antiquité, le bruyant tourbillon des vivants est assimilé à des « atomes ».
La foule - dont nous sommes – serait un nuage composé de milliards de corpuscules. Brouillard de cendres aux suies tombant vers le sol 1*, entités passives, « Grains de poussière de la poussière. » 2* précipités au hasard frivole de la liquide viscosité du monde.
« La matière, chez Lucrèce – explique le philosophe Raphaël Enthoven - , naît du carambolage des particules qui, tombant dans le vide sous l’effet de leurs poids, s’entrechoquent ou se séparent après avoir subi une infime déviation dans leur chute, un « écart dans leur course » appelé clinamen, en un lieu et un moment indéterminés. » 3*
Chez Proust – de même - nombre de personnages se croisent, se côtoient, se frôlent sans se voir.
« Ainsi de l’amitié – évoque Raphaël Enthoven - entre Bloch et le narrateur, détruite le jour où, parce qu’il craint de laisser Albertine en tête à tête avec Saint-Loup dans un wagon presque désert, le Narrateur refusa bêtement de descendre du train pour présenter ses respects au père de son camarade. Ainsi de l’histoire d’amour mort-née Marcel et Alix de Stermaria qui annula négligemment, à la dernière minute, le dîner à Rivebelle qu’elle lui avait accordé quatre jour plus tôt, alors que, tout en cravate et brossé jusqu’aux ongles, il s’apprêtait à la rejoindre : « Je ne la revis pas. Ce ne fut pas elle que j’aimai, mais ç’aurait pu être elle. Et une des choses qui me rendirent peut-être le plus cruel le grand amour que j’allais bientôt avoir, ce fut, en me rappelant cette soirée, de me dire qu’il aurait pu, si de très simples circonstances avaient été modifiées, se porter ailleurs… » » 4*
Dans ce billard-ball universe 6*, on peut repérer des sphères tournoyer sur elles-mêmes. Swann traverse le roman en long, en travers - autrement dit bien maladroitement, tel un corps 5* projeté au hasard du tir d’un sniper pervers. Le projectile sera dévié au choc d’un mur de jeunes femmes dressé sur son passage.
Sur le tapis, d’autres bulles roulent en observant un effet rétrograde. Ce sont des intelligences mondaines - c’est-à-dire des vernis épate- bourgeois plus vendus au snobisme que vifs – moitié creux, moitié huppé. Ces boules de billard forment une Société triangulaire d’où surgit de magnifiques spécimens. Madame Verdurin est l’une de ces pièces maîtresses.
Ah, Madame Verdurin… Si nous ne la connaissions pas, Proust ne l’eut pas inventée.
La balle d’ivoire – brillante - est polie dans la défense d’un pachyderme descendu – pour la beauté du jeu, bien sûr - d’une balle entre les deux yeux.
Rien que pour le spectacle, il n’est pas inutile de reproduire – ici - ce délice d’écriture chapardé au Dictionnaire amoureux. Savourez ce passage où l’espèce classée au sommet de l’échelle ultra-mondaine affronte avec courage la dureté des info-déjeuner :
‘Ce jour là, dans le temps retrouvé, le journal lui apprend le naufrage du Lusitania, avec ses douze cents morts. Et tout en « donnant des pichenettes à son journal pour qu’il pût se tenir grand ouvert sans qu’elle eût besoin de détourner son autre main des trempettes », elle dit : « Quelle horreur ! Cela dépasse en horreur les plus affreuses tragédies. » 7*
On peut repérer – aussi - d’autres sphères, pleines de courses perdues, de légers coulés, plus subtiles dans leurs déplacements.
Ainsi en est-il des galets aériens observant des glissements latéraux, insaisissables.. Albertine, « La déesse à plusieurs tête » en fait partie : toujours différente au narrateur, souligne Pierre Macherey, toujours invraisemblablement surprenante. Figure renversante, arrêtée, redirigée aux mouvements syncopés des rencontres. 8*
Michelle Monique - site.
Embastillées dans leur paquet, les vies proustiennes se superposent, s’entassent, se côtoient, suivent une trajectoire personnelle – égoïste - sans prendre la mesure de l’autre, sans en saisir l’entièreté de l’âme.
Entre les murs cartonnés, le nectar est tout proche du fiel, c’est plein de « délicatesses féroces » 9* dans les écorces.
Dans la seconde vidéo, l’ anecdote – ô combien savoureuse - de la Princesse de Parme dont les « yeux implorent un supplément d’explication. » est frappante, la voici :
Le narrateur enfilant des bottes de neige, la Princesse – au vu de la dangerosité du verglas - lui fait la réflexion de l’intelligence de cette pratique. La suivante, aussi stupide que sa Maîtresse, ajoute d’une voix spirituelle :
‘Que votre altesse royale se rassure, il ne neigera plus cet hiver.
- Mais qu’en savez-vous ? Interroge la Princesse de Parme, intriguée.
- C’est absolument impossible… parce que … on a mis du sel sur les routes. » 9*
Si nous n’étions pas des dégustateurs de madeleine – la biscotte étant un talisman Wagnérien dont l’histoire irrésistible est reproduite ici – rapido - promis :
Dans « une lettre de Wagner à Mathilde Wesendonck du 9 mai 1859 : Wagner s’échine alors, en vain, sur la première scène du troisième de Tristan et Isolde (à laquelle Proust fait de fréquentes allusions) ; Mathilde lui a affectueusement envoyé quelques biscottes (Zwieback) qui, écrit Wagner, vont aider le Maître à franchir la « mauvaise passe (où il) est empêtré depuis huit jours ».
Miracle !
« Les zwieback, trempées dans du lait, (m’ont) remis sur la bonne voie… »
Et Wagner de s’écrier, avec un humour peu fréquent chez lui : « Zwieback, zwieback, vous êtes le remède qu’il faut aux compositeurs en détresse ! »
Proust avait-il lu cette lettre, dont la traduction française date de 1905 ? Il sera plaisant, et raisonnable, de le supposer, d’autant que les madeleines sont des… biscottes dans certains Carnets. » 10*
Si nous n’étions pas des dégustateurs de madeleine – donc – nous souscririons sans restriction à cette image de protagonistes comparables à des céréales entassées pêle-mêle dans un bol de Muesli. Et ce, sans goût dire.
Après tout , soumis à la brutale question de la course à la meilleure place, les héros de roman ne sont-ils pas des flocons frémissant, se bousculant, avançant, perçant, s’extirpant peu à peu du nombre ? Dans leur vie de papier, les acteurs romanesques ne prennent-ils pas des distances avec la masse ? Ne claironnent-ils pas – heureux – de leur remontée vers le ciel ? Enfin, réjouis de leur ascension , gonflés de fatuité, ne se dressent-ils sur la pointe des pieds, fiers d’avoir atteint le haut du sachet ?
Pierre Beteille - Photographies
L'effet est attesté dans nos paquets. La physique ne manque pas d'humour.
En matière de littérature, les grains des jeunes filles en fleurs, raisins secs des docteurs Percepied et Cottard, flocons d’orges, copeaux de coco et autres blés soufflés sont secoués, trimbalés, agis par les cahots de la route empruntée par l’écrivain. C’est-à-dire propulsés par le « Proust Nut Effect » 11*, étrange phénomène constaté dans les 14 volumes d’épreuves 12* où les noix de cajou déplacées d’un point A à un point B, se trouvent invariablement triées en fin de parcours : les plus épaisses surgissant en surface, les miettes restant clouées dans les entrailles.
Des vibrations de l’auteur, naît l’orientation du texte. Dans la construction littéraire proustienne, les corpuscules sont propulsés - tantôt du côté de chez Swann, tantôt du côté de Guermantes, à droite ou à gauche, en haut ou en bas - inversant les genres 13*.
L’effet de transport ou de ségrégation granulaire - pour les intimes de la science – structure le matériau romanesque : plus l’auteur travaille le texte, plus grande est l’influence diffuse du milieu.
Cela va au-delà du choc de deux atomes projetés au hasard des inclinations l’un vers l’autre, évoque Pierre Macherey.
Le monde de Proust.
Qu’est-ce à dire ?
Prenons l’exemple de Swann.
Swann désirait approcher les jeunes filles appréciées – peut-être se sentir exister à leur contact -, passer un moment d’exception avec cette part d’irréel.
Au départ, certes, heureux, ce dernier s’est-il laissé grisé, emporté par la certitude d’être présenté par Elstir - ce dieu du hasard, ce malin génie - aux jeunes femmes.
Mais le rêve s’est fracturé et la « rencontre » n’a pas eu lieu.
On peut émettre à ce sujet deux hypothèses. Le monde - c'est connu - étant pétri de deux sortes de penseurs : ceux qui séparent le monde en deux catégories et les autres.
Première hypothèse, Swann ne tire aucune leçon des faits et, pantin du hasard et des évènements, en reste là. Ne serait-ce pas alors réduire sa personne à un objet, en l'occurence un bilboquet ? Une balle de billard inerte, désengagée de toute pensée ?
En ce cas l’intrusion percutante du réel dans le roman n’apprendrait rien à quiconque. La dimension sensible du texte - tantôt miel, tantôt scorpion – n’opèrerait aucune réaction. Ceci, bien sûr, est contraire aux observations. En effet, on mesure non seulement une fissure de la pensée chez le personnage du roman piqué d’espoirs possiblement perdus - quoique rien ne soit moins sûr - bref, une intelligence des sentiments, mais également – et ceci est d’autant plus mesurable – un effet chez le lecteur, tant celui-ci se trouve engagé, à vif, dans le texte.
Deuxième hypothèse, Swann est touché à la racine du cœur. Sa conscience sera dorénavant liée ad vitam aeternam à cette fragilité là. La réalité implacable – vivante - cet acte manqué a modifié sa vision des choses.
En d'autres termes, Swann s’est recomposé à l’ombre de cette fêlure.
« Apprendre, c’est modifier ou préciser les connaissances que l’on a déjà, la structure cognitive, et la théorie du monde que l’on a dans la tête. » 14* affirme Franck Smith. De fait, rien n'est sans doute plus fort que ce choc provoqué par l'irruption du réel entre les lignes.
Et si cette incursion, ce choc de réalité, cette fissure du destin était la condition du l'émergence de l’invraisemblable ?
L’atome solide - insécable – n’est-il pas révélé par ses fêlures ?
Cette fragilité là ?
Ce potentiel de désespoir ?
Ce prénom prononcé dans un soupir ?
Cette mèche de sentiments si proche ?
Ainsi la vision atomistique – inerte - l'intelligence enfermée dans camisole de la conscience, se fissure. Le monde du héros de roman imprègne celui du lecteur. Sentiments et raison s’infiltrent, se fondent en une même vibrante texture.
Le personnage accompagne le bibliophage, leurs figures se touchent. De la fibre de leurs aventures naît une respiration ; de la cellulose germe un souffle invisible - troublant - poussant vers les récits comme les larmes s’écrasent sur les brisants. Un air qui transporte vers d’autres lieux, d’autres temps, d’autres horizons.
Et dans cette mer de subjectivités instables et plurielles 15*, ce courant précipitant les éléments, ce composé de gouttes sulfureuses où pétillent des milliers d’espoirs, des poches de rêves opèrent une transformation silencieuse :
Le monde se colore à la lumière tourbillonnante du champagne,
un univers de bulles baignées dans un substrat doré d’acide.
Flottement imperceptible - capté au son des flûtes.
Proust est un collecteur d'âmes touchées par la vie.
* Lille, le 14 juin 2014, “Terezin ou la musique contre la barbarie”. Salle Québec du Nouveau Siècle 30.
1* « On pense souvent que la déclinaison a été inventée par Lucrèce (qui emploie clinamen), car elle n’apparaît pas dans les textes conservés d’Epicure. En réalité, tous les auteurs ultérieurs l’attribuent à celui-ci.
Chez Démocrite, les atomes étaient animés d’un mouvement tourbillonnaire et s’aggloméraient pour former des agrégats. Mais selon Lucrèce, si les atomes ne déviaient jamais, ils ne pourraient pas se rencontrer et tomberaient à l’infini vers le bas, « comme des gouttes de pluie » : leur mouvement serait uniforme et ils ne formeraient jamais aucun agrégat. « Ainsi, la nature n’aurait jamais rien créé. » En outre, sans cette déclinaison qui rompt le pacte du destin », il n’y aurait pas de « libre volonté ».
Carnéade, puis Cicéron critiquèrent la déclinaison comme superflue, et guère compatible avec la thèse d’un « mouvement volontaire de l’âme » : cette déclinaison « sans cause » relevait de l’indéterminisme plus que d’un libre arbitre. » Jean-Batiste Gourinat in Dictionnaire des concepts philosophiques – Larousse – in extenso, CNRS Editions, p 185.
Sous la direction de Michel Blay
http://www.franceculture.fr/personne-jean-baptiste-gourinat.html
ISBN : 978-2-03-585007-2
2* « Grains de poussière dans la poussière. » Nietzsche, Le Gai savoir.
3* « Clinamen
La matière, chez Lucrèce, naît du carambolage des particules qui, tombant dans le vide sous l’effet de leurs poids, s’entrechoquent ou se séparent après avoir subi une infime déviation dans leur chute, un « écart dans leur course » appelé clinamen, en un lieu et un moment indéterminés. Or, les individus, dans la Recherche (c’est-à-dire dans la vie), se rencontrent au hasard d’un pas de côté, se brouillent à l’occasion d’un malentendu et se rapprochent parfois avant qu’un contretemps ne les oriente soudain dans des directions définitivement opposées : « Il suffit, de la sorte, qu’accidentellement, absurdement, un incident (…) s’interpose entre deux destinées dont les lignes convergeaient l’une vers l’autre pour qu’elles soient déviées, s’écartent de plus en plus et ne se rapprochent jamais. P. 132- 133.
Proust – Jean-Paul et Raphaël Enthoven – Dictionnaire amoureux de Marcel Proust – Plon Grasset.
4 * Ainsi de l’amitié entre Bloch et le narrateur, détruite le jour où, parce qu’il craint de laisser Albertine en tête à tête avec Saint-Loup dans un wagon presque désert, le Narrateur refusa bêtement de descendre du train pour présenter ses respects au père de son camarade. Ainsi de l’histoire d’amour mort-née Marcel et Alix de Stermaria qui annula négligemment, à la dernière minute, le dîner à Rivebelle qu’elle lui avait accordé quatre jour plus tôt, alors que, tout en cravate et brossé jusqu’aux ongles, il s’apprêtait à la rejoindre : « Je ne la revis pas. Ce ne fut pas elle que j’aimai, mais ç’aurait pu être elle. Et une des choses qui me rendirent peut-être le plus cruel le grand amour que j’allais bientôt avoir, ce fut, en me rappelant cette soirée, de me dire qu’il aurait pu, si de très simples circonstances avaient été modifiées, se porter ailleurs… » » P. 132- 133.
Proust – Jean-Paul et Raphaël Enthoven – Dictionnaire amoureux de Marcel Proust – Plon Grasset.
5 * En effet, la « monade » - c’est-à-dire l’élément immatériel et simple qui se trouve au principe de toute matière composée – n’ayant « point de fenêtre par lesquelles quelque chose y puisse entrer ou sortir » , aucune monade ne saurait avoir une influence physique sur l’intérieur de l’autre, sinon par l’entremise de Dieu dont l’intelligence combine harmonieusement des mouvements autonomes, comme un chef d’orchestre accorde des instruments qui, pourtant, se contentent de jouer leur partie. Dans la Monadologie – cet ultime chef-d’œuvre qui concentre en dix pages et quatre-vingt-dix propositions la totalité d’un système -, chaque individu est à son insu, dans une parfaite indépendance à l’endroit de toutes les autres créatures, mais l’indépendance réciproque des monades est garantie par leur dépendance vis-à-vis de Dieu. p 297.
Proust – Jean-Paul et Raphaël Enthoven – Dictionnaire amoureux de Marcel Proust – Plon Grasset.
6 * Le ‘billiard-ball universe’ d’Epicure de P. Conway « Epicurus’ theory of freedom of action », Prudentia, XIII , 1981, 81,82 - cité par Jean Salem in « Lucrèce et l’éthique – La mort n’est rien pour nous – éd. Vrin p. 78.
7* Proust – Jean-Paul et Raphaël Enthoven – Dictionnaire amoureux de Marcel Proust – Plon Grasset. P 154. Croissants.
8* Pierre Macherey, Proust. Entre littérature et philosophie, éditions Amasterdam Paris- 2013 ISBN : 978-2-35480-127-4
9* Vidéo numéro 2 , Rencontre avec Raphaël Enthoven, le 21 février 2014 au Furet du Nord.
10* Proust – Jean-Paul et Raphaël Enthoven – Dictionnaire amoureux de Marcel Proust – Plon Grasset. P 229.
11* « Brasil Nut Effect » phénomène physique constaté dans les remorques des camions Brésiliens où les noix de cajou déplacées d’un point A à un point B, se trouvaient invariablement triées en fin de parcours : des plus épaisses surgissant en surface, aux miettes enfouies en profondeur. Egalement appelé l’ « Effet Muesli » cette action physique propulse les corpuscules à droite ou à gauche, en haut ou en bas, suivant les vibrations du transport. L’effet de ségrégation granulaire - pour les intimes de la science - influence le matériau romanesque. La physique ayant une de caractère instable se solidifiant ou se liquéfiant au grès des instants qu’est le personnage
12 * «C’est une des grandes leçons quasiment politique du roman proustien. La société fonctionne à coup d’agrégats, de distinctions et d’exclusions. » Michel Erman, philosophe et professeur de linguistique à l'Université de Bourgogne.
http://www.franceculture.fr/emission-les-nouveaux-chemins-de-la-connaissance-%E2%94%8209-10-proust-a-contretemps-25-maintenant-que-la-vi
13 * Vidéo du chêne parlant.
14 * - Devenir lecteur – Franck SMITH – Armand Colin – Paris, 1986 –p 99
ISBN : 2-200-10176-7
14 - B « La structure cognitive
[…]
On ne se souvient d’évènements précis que lorsqu’ils constituent des exceptions dans le résumé de l’expérience vécue, ou lorsqu’ils ont une forte charge affective ou dramatique. Et, même dans ce cas, ces souvenirs, au moment où on se les remémore, apparaissent comme très reliés à nos perspectives ou intentions du moment, concernant le monde extérieur (Bartlette, 1932). Des souvenirs précis, impossibles à intégrer au résumé de l’expérience ou aux connaissances structurées qu’on possède, n’offrent que peu d’intérêt ; c’est pourquoi on a si peu de souvenirs d’enfance précis. » p 56-57 : Franck SMITH – Devenir lecteur – Armand Colin – Paris, 1986 – ISBN : 2-200-10176-7
14 - C * P 57 : La théorie du monde qu’on a dans la tête
On a dans la tête une théorie du monde : elle est le fondement de toutes nos perceptions et de notre manière de comprendre le monde, la racine de tout apprentissage, la source de nos espoirs et de nos peurs, de nos motivations et de nos attentes, du raisonnement et de la créativité. Et cette théorie est la seule chose que nous possédions. Si nous pouvons comprendre le monde, c’est parce que nous savons interpréter les interactions que nous avons avec lui, à la lumière de notre théorie. Elle nous protège contre le désarroi.
[CHAISE THEORIE]
Lorsque j’observe le monde, je distingue une multiplicité d’objets chargés de sens ; ils ont toutes sortes de relations complexes entre eux et avec moi, mais ni ces objets, ni les relations qu’ils entretiennent entre eux ne sont évidents. Une chaise ne s’annonce pas à moi comme étant une chaise. Je dois la reconnaître comme telle : la chaise fait partie de ma théorie. Je la reconnais lorsque mon cerveau décide que ce que je regarde en est une. Une chaise ne me dit pas que je peux me servir d’elle, pour poser mon manteau, mes livres ou mes pieds, pour atteindre une étagère trop haute, ou pour empêcher une porte de s’ouvrir. Tout cela fait également partie de ma théorie. Je ne peux comprendre le monde qu’en fonction de ce que je sais déjà. L’ordre et la complexité que je perçois dans le monde qui m’entoure doivent se refléter dans mon esprit. Tout ce qui, dans mon esprit, est impossible à mettre en relation avec la théorie du monde est inintelligible et source de désarroi.
Le désarroi est un état inhabituel pour la plupart d’entre nous : cela montre très clairement que la théorie du monde que l’on a en soi est très efficiente. On n’est pas conscient de cette théorie, justement parce qu’elle fonctionne très bien.
Le tout jeune enfant possède aussi ses théories du monde. Elles ne sont peut-être pas aussi complexes que celle de l’adulte – il a eu moins de temps pour les affiner -, mais elles semblent très bien répondre à ses besoins.
Devenir lecteur – Franck SMITH – Armand Colin – Paris, 1986 – ISBN : 2-200-10176-7
15 * Une idée forte communique un peu de sa force au contradicteur. Participant à la valeur universelle des esprits, elle se greffe en l’esprit de celui qu’elle réfute, au milieu d’idées adjacentes, à l’aide desquelles, reprenant quelque avantage, il la complète, la rectifie, si bien que la sentence finale est en quelque sorte l’œuvre des deux personnes qui discutaient. C’est aux idées qui ne sont pas, ç proprement parler, des idées, aux idées qui, ne tenant à rien, ne trouvent aucun point d’appui, aucun rameau fraternel dans l’espoir de l’adversaire, que celui-ci, aux prises avec le pur vide, ne trouve rien à répondre. Marcher sur les crêtes de Proust. [ALRTP, tome I, p. 552.]. Pierre Macherey - P 97 :
16 * Mentir-vrai de Louis Aragon
« La nouvelle "Le mentir-vrai" qui donne son titre au volume entier est conçue comme une poétique du roman et de la nouvelle. Se servant d'un matériel autobiographique provenant de sa propre enfance, l'auteur, en racontant, illustre sa thèse selon laquelle la narration consiste dans la transformation de faits réels gardés dans la mémoire de l'auteur, dans une composition fictionnelle qui, bien que produit d'un mensonge et donc "menteuse", transporte une vérité qui s'approche plus de la réalité que la reproduction apparemment directe et immédiate de la réalité telle quelle. »
http://www.uni-muenster.de/LouisAragon/werk/spaet/mv_f.htm
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En cette période festive, j'ai choisi un sujet festif : le champagne ! Il faut dire que les bulles de cette boisson cachent plein de mystères physiques passionnants et pas totalement élucidés. ...
http://sciencetonnante.wordpress.com/2013/12/23/dou-viennent-les-bulles-du-champagne/
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Dossier - la physique des bulles de champagne
Le sujet nous avait été demandé via Twitter par Franck Pascaud le 31 décembre 2010, qui s'interrogeait, sans doute, le nez dans les bulles du liquide doré, d'où le phénomène pouvait bien ve...
http://www.podcastscience.fm/dossiers/2011/02/11/dossier-la-physique-des-bulles-de-champagne/
Le dur métier de scientifique.
Le monde du romancier imprègne celui du lecteur. Sentiments et raison s’infiltrent, se fondent en une même texture fragile. Ebranlant le coefficient élevé des certitudes. Laissant place aux doutes. Tous deux éprouvent la satisfaction éprouvée par l’esprit « à la recherche » de considérations subtiles, d’éléments explicateurs. Les personnages accompagnent votre présent, leurs figures vous touchent. De la fibre de cellulose de leurs aventures naît une respiration, un air qui transporte votre réalité vers d’autres lieux, d’autres temps, d’autres horizons. C’est le souffle des bulles de champagne, dit-on, ce flottement - invisible à la plupart - capté dans les lignes. L’auteur serait un collecteur de pièces touchées par la grâce.
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Ce qui fait mousser le champagne
Conférence expérimentale du 19 novembre 2012 par Michèle Adler - Université de Marne-la-Vallée et Jean-Pierre Foulon. Abondante au versement dans la flûte, la mousse de champagne s'effondre e...
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Jean Paul ENTHOVEN, Raphaël ENTHOVEN - Dictionnaire amoureux de Marcel Proust aux éditions PLON
Lire un extrait de : Jean Paul ENTHOVEN, Raphaël ENTHOVEN - Dictionnaire amoureux de Marcel Proust aux éditions PLON
Jean Paul ENTHOVEN, Raphaël ENTHOVEN - Dictionnaire amoureux de Marcel Proust aux éditions PLON - Extrait lisible en ligne
Pierre Macherey : "Littérature et/ou Philosophie".
26 mai 2011 Au fil d'un article sur Lautréamont, André Breton écrit : " Je crois que la littérature tend à devenir pour les modernes une machine puissante qui remplace avantageusement les anci...
Le site du groupe d'études animé par Pierre Macherey.
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S'il est devenu commun que des philosophes s'intéressent à littérature et à des œuvres littéraires, cet intérêt mérite qu'on l'interroge, ne serait-ce que pour en élucider les présuppos...
« À la recherche de la vérité, on y est en plein. Mais où conduit cette recherche ? Conduit-elle même quelque part ? Cela, on ne le sait pas ; et c’est de cette suspension du savoir et de ses factices certitudes que la texture narrative tire sa condition de possibilité, ce qui la condamne à ne manifester la vérité qu’à travers son absence, à l’opposé exact de la vocation que s’assigne la philosophie14. »
Le Mentir-vrai (1980) Le Mentir-vrai runit les contes, nouvelles et rcits (ainsi que quelques textes de critique littraire) crits par Aragon entre 1923 et 1972. On y trouve aussi les sept contes du