Tu es l’autre n’est pas un sentiment joyeux
– lumineux – agréable – simple - son effet est sans récompense.
« tu es l’autre qui est en soi » est la souffrance la moins humainement transmissible.
Mes pensées n’engagent que vous.
Qu’est-ce donc que cet autre – mâle ou femelle – qui se trouve – là - devant moi ? Devant nous ?
Sa physionomie me semble familière, connue. Certes entends-je sa singularité, mais sa différence est sœur. Sa distinction est l’incarnation d’une pensée voisine, cousine, résolument claire.
Nous le comprenons.
Son regard semble clair.
Son attitude limpide.
Telle une mère déchiffrant l’éventail des cris de son nourrisson, nous lisons les pensées d’autrui, interprétons leurs émotions, déchiffrons leurs attitudes – sans difficultés… Parlerions-nous le soi-autre ? Serions-nous des polyglottes des pensées ?
Notre intuition nous pousse à aller au devant des sentiments d’autrui.
Nous tous ?… Vous ?
Qui sait ?
Aussi, le plein jour d’une froide matinée d’octobre, au détour d’un platane, vous paraît-il évident que cet homme voûté à la tête vagabonde, doté d’un pas hésitant, réclame votre aide.
Ni une, ni deux, vous vous appropriez sa détresse, aussi, rapidement, enfourchez-vous son bras et, aussi sec, passez -vous sans encombre la passerelle de lignes zébrées.
Heureux !
Ou presque…
Car, à peine atteint l’autre rive, l’aveugle vous insulte copieusement.
Vous vous confondez en excuses. L’autre – crispé, froissé, contracté – se ferme à toute tentative de rapprochement. Et, comme si vous aviez commis la pire atrocité, poursuit ses diatribes avec une verve redoublée, la canne vénéneuse élevée dans votre direction.
Alors, ses pensées claires et distinctes deviennent un abîme d’incompréhension - son âme accessible vous échappe.
Bouleversé, vous reculez, hébété. Confus, vous vous retrouvez face au monde. La foule autour de vous, vous scrute de ses yeux noirs. Des hochements de tête négatifs par là, des envolées réprobatrices par ci – il y a là un beau réglage d’afflux de sang - une belle composition d’antipathies communes.
Vos pas raisonnent sur l’asphalte insensible.
Qu’importe, vous dites-vous – naturellement – vous incorporez les leçons de cette mésaventure. Le sens de la chose est claire : cet homme est une victime, un blessé, son désir d’autonomie explique ce mécontentement alerte. Encore, ajoutez-vous, des aides à répétitions auront-elles produit l’effet du bien-portant penché sur le malade – autrement dit, en toute bonne foi, comment cet homme aurait-il pu prendre autrement qu’avec horreur cet exécrable sentiment d’être vu comme un mourrant ? Auriez-vous vous-même enduré pareille torture sans en avoir ressenti brûlure aussi profonde ?
Bien sûr, ajoutez-vous, encore étourdi de la mésaventure … L’intensité de ses répliques tiennent à distance l’homme de charité – reflet d’une humanité de la pire espèce… etc. etc.
– vous voici en pleine réflexion.
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Géraldine – le cauchemar des mâles femmées.
Qui n’a jamais rêvé transformer telle la grenouille en prince charmant, le roi en sujet, le chef d’entreprise en ouvrier, le milliardaire vaniteux en smicard ou…. le misogyne en femme ?
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Céline EXCOFFON
Peintre et conférencière en histoire de l'art, amoureuse du beau et curieuse de la création sous toutes ses formes. Je partage ici des images, des œuvres d'art collectées et réunies par thème, parce que la diversité du regard est inépuisable, et que le talent est si enrichissant...
"Miroir, mon beau miroir."
L'arbre.