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29 août 2012 3 29 /08 /août /2012 11:30

Hemiksen--vers-1500----vers-156.jpgVan Hemessen - Vanité  - vers 1535 -1540. Huile sur bois.

 

Certains ont besoin de contempler le crépuscule, sentir l’inclinaison des rayons par degré, s’épouvanter des reflets ambrés, s’asperger de couleurs vitrifiées, mesurer minute après minute le sablier du temps, respirer l’âcre parfum d’une faneur*, géo-localiser l’entrée d’un tombeau, s’ombrer l’œil de la nuit ou - encore - parsemer leur existence d’acide. 

Oui, certains ont besoin de sentir ces cauchemars dans leur chair, de toucher – sans doute -  leur déclin du doigt, se meurtrir de leur absolue finitude, conserver les lambeaux poussiéreux de leur vie à fin* de ressentir la pleine puissance de leurs organes.

 

« Je veux vivre, sentir des sensations fortes, actives. » me dit un jour un moniteur à l'enthousiasme sympathique non sans avoir préalablement indiqué au groupe de gogos présents – dont je faisais partie - quel était « Le mode d’emploi de la plage. » 

« Je vais nager avec les grands requins blancs… Oui, ça… ajouta-t-il  l’œil mouillé de bonheur et le torse gonflé d’énergie…  Ca... ça , un jour je vais le faire.** »

 

D’autres n’ont pas besoin de ces piqûres pour se perfuser un succédané de vie en intraveineuse.

 Francine-Van-Hove---tache-de-vin.jpg

Ceux-là ne remuent rien, ne creusent pas plus, n’espèrent pas davantage mais laissent glisser sur leur rétine la gouttelette tremblotante du vin projeté sur une nappe, les fragments musicaux d'une poétique distillée dans un livre, l’esthétique d’une vanité aux ailes ouvertes.

 

Ceux-là ont le néant réfracté d’un soleil éteint depuis leur naissance.

 

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      * Librement détourné, et avec délectation qui plus est.

      ** Ce qui ne saurait constituer le meilleur moyen de rester en vie.    

 

 

"Ce tableau refaçonne la perception que nous avons des vanités.

L’identité de cet ange qui ne nous est pas donné – a une expression énigmatique – décryptable. Ses yeux nous regardent de ses ailes colorées, nous percevons les chatoiements lumineux du vivant.

      Van Hemessen a imposé parmi les romanistes une interprétation très personnelle des italiens du début du XVIe siècle dont cet ange à la stature puissante est caractéristique. 

L’iconographie est ici insolite : alors que le crâne et les inscriptions évoquent la vanité des plaisirs terrestres, les ailes de papillon faisant allusion à l’immortalité de l’âme tempèrent le pessimisme habituel du genre. Le crâne dans le miroir est sans doute le reflet d’un personnage qui occupait un volet droit disparu que l’ange vient avertir de l’aboutissement inéluctable de toute destinée humaine. Les quelques mots autour du miroir « Ecce rapinam rerum omnium » désignent la mort comme le pillage de toutes choses."

Palais des Beaux-Arts de Lille.

 

Alexis Donetzkoff, Conservateur du patrimoine au Palais des Beaux-Arts de Lille : 

"Peinture inédite jusqu’à son passage en vente publique, la Vanitéde Jan van Hemessen est apparue dès ce moment comme une oeuvre incontestable et importante de ce peintre. Elle est à dater probablement vers 1535-1540. A ce tournant de sa carrière, l'artiste, qui a acquis une connaissance approfondie des peintres d'Italie du Nord, peut-être à l'occasion d'un voyage dans ce pays, achève d'élaborer une manière "romanisante" très personnelle dont cet ange à la stature puissante est un exemple caractéristique. Le triptyque du Jugement Dernier exécuté vers 1537 pour la famille Rockox (Anvers, église Saint-Jacques), avec lequel notre tableau présente plus d’un point commun, amène même à se demander si l’artiste n’a pas vu la fresque de Michel-Ange à la Sixtine en cours d’exécution. L'iconographie, qui est bien celle d'une Vanité, présente cependant des caractères insolites. Le crâne et les inscriptions correspondent bien à l'insistance traditionnelle sur la vanité des plaisirs de l'existence. Les ailes de papillon de l'ange, en revanche, sont sans doute là pour tempérer le pessimisme habituel du genre en rappelant la résurrection de la chair. Surtout, le crâne n'est très probablement que le reflet d'un personnage qui occupait un volet droit disparu, peut-être une figure allégorique des plaisirs de ce monde ou, plus vraisemblablement, le portrait d'un haut personnage qu'un messager céleste vient avertir de l'aboutissement inéluctable de toute destinée humaine. Une telle création, sans équivalent connu, contribue à confirmer la place éminente de Hemessen parmi les peintres flamands du 16e siècle." 

 

Lille, Palais des Beaux-Arts

Numéro d'inventaire : P 2009 

Date d'acquisition : Acquis en 1994 avec l'aide du F.R.A.M. et le mécénat de White Public Relation, Tokyo.

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24 août 2012 5 24 /08 /août /2012 12:12

On-the-Road-New-Mexico-Christmas-Day-2004-Painting---Chris-.jpg

(On the Road New Mexico Christmas Day 2004 Painting - Chris Easley)

 

 

« Un jour j’arracherai l’ancre qui tient mon navire loin des mers. »

Henri Michaux 1939.

 

 

Dean Moriarty est un explorateur enthousiaste, extraverti, amoureux de la vie, séducteur – magnétique - débordant de la saveur du chaos. 

 

L’espace de Dean, c’est le démon de la route – la vie dévorée au kilomètre – les pulsions puissantes, radicales, la blancheur craquante des substances illicites, l’excès, l’orgie, l’abandon des corps aux contemplations érotiques. 

 

Le mouvement est une poussée avide, étrangère au calme. Ça permet d’échapper à l’immobilité, au figé, à la pesanteur de la vie, aux responsabilités – à la tranquille lassitude – au ralentissement automnal – c’est un remède curant les démangeaisons, un cataplasme posé sur le vide urticant, camouflant la détresse.            

 

La marche n’est-elle pas une suite de chutes anticipées de justesse ?

 

Dean est un astre brûlant à haute énergie, suivant son propre mouvement, sa trajectoire est sans destination précise. Il expérimente, n’en fait qu’à sa tête, dans un désir sans remède, celui qui l’assure au monde, ne redresse rien et lui évite à peine de se disloquer. 

 

 « Qu’est-ce qui ne va pas chez moi ? » demande-t-il à Sal Paradise – alias Jack Kerouac – son ami. 

Que peut répondre Sal à ça ? 

Que peut-on répondre quand on est dans la recherche multiple d’un chemin, en quête de soi ? 

 

Au fond, rejoindre Mauriarty, épouser son orientation, c’est entrer dans un tournoiement, aller de l’avant. Eprouver le lever du soleil, sentir le tourbillon de l’univers où chaque départ brille d’un ‘Eternel retour’, celui de la flamme, du solaire, du démesuré. Du Sur-expressif. De la vie. En marche. Irrésistible emprunt d’émotions violentes. 

On-The-Road-Again---see-Pay-Pal-button-below.jpg

(New Work - On The Road Again.)

Oui, ne pas stagner à l’ombre mauvaise, c’est suivre la lumière, se laisser transporter vers l’horizon.

Suivre la route du vent, à l’évidence, suivre la route – gêné par personne -, voguer sans obstacles jusqu’aux confins des sensations.

                                            On-The-Road-Again---Abstract-Landscape-by-California-Artist.JPG

                                                                                                (On The Road Again -  Janet Bludau.)


 La route est un ruban d’éternité filant vers le ciel.

 

Dean – d’une certaine manière s’y accroche - aujourd’hui comme hier, s’exaspère d’attendre.

Son tempérament lui dicte de s’arracher au poison du présent. Etre dans le précaire – dans une sobre trajectoire. Se brûler sur l’asphalte, s’absorber à - toujours - suivre la direction indiquée par le goudron. 

 

Se perdre dans l’amoncellement confus des distances.

Sans soucis. Sans s’en faire. Vraiment ?

A vouloir trop prendre et reprendre la route, la vaste agitation de la poussière laissée derrière soi finit par retomber.

La réalité physique de la droite - courbe dans l’espace  - conduit le voyageur à boucler son périple. L’égaré retourne alors immanquablement à son point de départ. 

 

Sal et Dean partent donc ailleurs, plus loin, vers le Mexique.  

 

Mais cette fois, le vertige – l’ivresse de l’intensité...  ont la saveur des terres déjà froissées aux pieds. 

 

L’euphorie s’élève – certes – mais avec un je ne sais quoi de morbide, d’inutile, d’insensé. Une sourde fatigue surgit de derrière la fièvre. La route, dont la perspective semble désigner une hauteur, s’affaisse. L’étendue se vrille, se tasse et s’écrase - sans dénivellation. La ligne continue se barde de pointillés effilochés, trompeurs.  

Sal Paradise sait lire ces feuilles de route. Sa conscience décèle la platitude de l’Electro-encéphalogramme, l’absurdité de la tentative, l’impasse. 

 

A toute force, il refuse d’y croire. Il dérivera encore avec Dean. Dans un ultime élan, il avancera une dernière fois - sans rien gravir.

Saturé de fièvre, las, atteint de dysenterie, prostré dans une chambre sordide, il attend la dislocation.

L’enthousiasme organique de Dean ne se transforme pas, ne change pas, ne cultive rien. Son éternité c’est sa conduite tourmentée, inquiète, explosive. Démuni face à l’inertie, Dean disparaîtra, laissant Sal à ses ruines somnambuliques, l’œil teinté de goudron noirâtre, la pupille brouillée d’abandon.

.

                                   L’amitié cloque et crève sous la canicule d'un zénith crépusculaire. 

 

 

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La Route.
Kerouac_Map.jpg

Carte des trajets de Kerouac dans Sur la route :

  •      1947
  •       1949
  •       1950

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Russel Banks et Jack Kerouac - une belle rencontre.

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29 juillet 2012 7 29 /07 /juillet /2012 10:16

Sous-le-Plafond-de-Montaigne-copie-1.jpg«Les pensées sont signes d’un jeu et d’un combat des affects (der Affekte) :

 elles restent toujours liées à leurs racines cachées.

Friedrich Nietzsche ; FP XII I 75,  

 

 « … ce besoin de consolation est impossible à rassasier,

 mais à asséner l’évidence tragique selon laquelle

 « plus on a de sagesse, plus on a de chagrin » 

et « qui augmente son savoir, ajoute à sa souffrance ». 

Quel professeur de philosophie oserait recommander à des esprits juvéniles 

qui se destinent à réussir la lecture de cette apologie de l’impasse ? »

Frédéric Schiffter (1) p 104.

 

Les vacances sont propices à la rumination, aux lectures, aux résolutions. 

 

Les résolutions bruissent de la rumeur des temps. Elles s’enroulent d’injonctions, celle de sortir de nos habitudes, celle de brûler d’un feu nouveau - flambant haut, jusqu’au zénith - celle du changement, du nouveau, du bonheur – surtout celle du bonheur. Cette tranquille assurance – l’espoir d’un changement de « peau », plus neuve, plus étincelante, plus jeune, plus heureuse.

 

Etre plus heureux ?

« Pourtant il n’est pas de force plus douteuse que l’espérance – écrit Clément Rosset. Ce n’est sans doute pas par hasard, ni par l’effet d’une erreur de copiste, que Hésiode assimile, toujours dans les travaux et les jours, l’espoir au pire des maux, au fléau qui est resté dans la boîte de Pandore, à la libre disposition des hommes qui s’y précipitent dans la pensée qu’ils y trouveront le salut et le contrepoison à tous les autres maux, alors qu’il s’agit d’un poison parmi les autres, sinon du poison par excellence. Tout ce qui ressemble à de l’espoir, à de l’attente, constitue en effet un vice, soit un défaut de force, une défaillance, une faiblesse… [...] la vie doit dorénavant s’appuyer sur une force substitutive : non plus sur le goût de vivre la vie que l’on vit, mais sur l’attrait d’une vie autre et améliorée que nul ne vivra jamais. L’homme de l'espoir est un homme à bout de ressources et d’arguments, un homme vidé, littéralement « épuisé »… A l’opposé, la joie constitue la force par excellence. » (2) p 28 :

 

A trop s’alimenter de vigoureux désir de changements, gare à ne pas se consumer. 

Gare à ne pas s’épuiser dans de stériles chimères. S’incendier de béates croyances. 

Se calciner telle la paille flambant haut mais ravagée l’instant d’une étincelle.

Ces idées désertiques, ces valeurs bradées sont des leurres économiques, des scintillements tremblotants. 

 

Reconnaître ce que l’on doit à autrui. Admettre les influences qui nous déterminent. 

Henry-Lamb-The-Artists-Wife-1933.jpg« Ces récits trouvaient en moi des résonances familières - écrit Hubert Reeves -

et j'y reconnaissais nombre de mes états d'âme. 

Il furent déterminants dans le choix professionnel qui fut le mien. » p 7. (3)

 

Rendre compte des actes d’autrui, de leur travail, de leur action sur les choses – sur nous – c’est reconnaître aussi notre dépendance à leur égard – notre dette. les lectures, les échanges, les rencontres, les influences extérieures, les communions de pensées qui nous abreuvent et nous forgent. 

 

Ainsi sont-elles non seulement importantes mais primordiales, elles nous constituent. 

 Camille-Corot-Liseuse-couronnee-de-fleurs-ou-la-m-copie-1.jpg

Lecture Bucolique - Enfin livre.

Il n’est pas aisé de trouver le bon terme, la phrase exacte - sincère - sans tomber dans l’éloge mièvre ni dans le portrait « catalogue » Redoute de qualités aussi fausses que fabriquées. 

A fin de ne pas tomber dans le partial et partiel, car on oublie toujours des atomes d’importance.

 

 

Merci donc à vos blanches contemplations, vos souffles abrupts, sensibles et puissants, vos écrits solidement naufragés … vos merveilles vaporeuses et profondes, vos vagues et vos ciels, vos conversations, votre présence, merci à tous.

 

Une contemplatrice sentimentale et mélancolique.

 

Effroyablement vôtre.

 

--------------------------.

 

 

(1) Frédéric SchiffterSur le blabla et le chichi des philosophes – PUF – France – Paris mars 2002 – ISBN : 978-2-13-059238-9

 

(2) Clément RossetLa force majeure – Les éditions de minuit – collection critique – isbn : 978-2-7073-0658-6

 

(3) Hubert Reeves, Je n'aurai pas le temps, Seuil - Trois philosophes à Vigur.

 

------------------

SITES 

Frédéric Schiffter contre la pensée Chichi, Blabla et Gnangnan. 

Assez parlé - "Les philosophes vous pompent l'air avec leurs grands mots ? Ruez-vous sur cet essai killer aujourd'hui réédité." Martin Duru, Philosophie Magazine.

Atelier Clément Rosset.



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27 juillet 2012 5 27 /07 /juillet /2012 08:12

Des comportements primitifs, des tics agaçants, des mimiques désolantes, nous en avons tous.

 

Certains, peut-être plus que d’autres…

Agissements pédagogiques en pagaille :

 

 

Sac n°1 :

max-mon-amour-singeriesLe repas pris entre amis où le professeur ne sait pas s’empêcher de parler de pédagogie. Singeries à dérouler yeux écarquillés et voix possédée par son sujet. 

 

Ressac n°2 :

doigt-devant-la-bouche.jpgMettre le doigt sur la bouche pour faire taire les malotrus qui ne savent pas se policer et prendre la parole.

 

Sac n°3 :

philippe-franceschetti-est-le-responsable-departemental-du-.jpgFaire des courriers bien argumentés et très salés dès qu’un détail déplait chez l’autre (tic partagé avec les parents).

 

Ressac n° 4 :

cercle-poetes.jpgDévelopper un profond sentiment de responsabilité, s’insurger contre le manque d’implication des acteurs sociaux en général.

 

Sac n° 5 :

Ecole---tout-se-degrade.JPGSe désoler de la baisse de niveau (Tic partagé régulièrement avec les médias : audience assurée surtout en période de vacances.)

 

L'éthique des vers de sable ?

 

      Nos écumes guerrières viennent s’écraser contre les roches saillantes. Nos vagues discours – sans consistance - se brisent sous l’effet de la houle.

Nos mots baveux – jeux de la déception et incarnation de l’ennui - s'échouent sur la vase. 

 

Notre liberté est de nous tortiller,

Dans cinq centimètres de bâche,

 

Noyés par deux millimètres d’émotions,

Tremblotants,

Informes,

 

Rêveurs – pourtant - de profondeur, 

de fureur,

 

Sentant l’océan,

là, vaporeux, profond,

bruissant,

loin et distant, 

                                                         Nos combats sont nos plus tranquilles naufrages.

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24 juillet 2012 2 24 /07 /juillet /2012 13:07

 

En quoi cette vision du monde

– ce paradigme – est-il néfaste ?

Nous étions-nous interrogés.

 

 

     La vraie pauvreté, c’est celle qui consiste à ne pas tout tenter, ne pas tout essayer à fin de pallier les difficultés. Au lieu de dire et redire ce que l’on vient de raconter, au lieu de répéter encore et toujours la pratique visuello-auditive de l’apprentissage, ne peut-on pas se tourner vers d’autres pratiques ? Innover, inventer, éviter de cloisonner et garder l’esprit ouvert ? 

 

Quand  « Le canal auditif, le canal visuel ne marchent pas - énonce Olivier Dulac, responsable de l'unité neuro-pédiatrique à l'hopital Necker-Enfants malades (4) - il  y en a un qui continue à fonctionner, c'est le canal tactile. Et les caresses continuent d'être là et d'être toujours efficaces...  Ce sont  des fonctions qui se sont développées plus tôt... que le canal visuel et auditif... Tout cela (les caresses) a des vertus thérapeutiques... » 

Le médecin ajoute : « Il va falloir essayer de compenser les difficultés par des rééducations appropriées. Essayer de contourner la difficulté en utilisant d'autres canaux... Kinésithérapie... posture... Psychomotricité... motricité fine c'est-à-dire l'utilisation des doigts, une certaine stabilité dans le comportement... ces enfants ont un trouble majeur de l'attention... sont hyperactifs...  (elle) contribue largement à stabiliser l'enfant et donc permettre les interactions avec le ré-éducateur... préalable... avant de pouvoir commencer une rééducation du langage c'est à dire de l'orthophonie.. On a... la séquence de la kinésithérapie, de la psychomotricité, de l'orthophonie  ces trois approches viennent l'une après l'autre, se renforcent mutuellement et s'aident... »

 

C’est ce que confirme la vidéo ci-dessous.

Elle tente d’éclaircir comment le cerveau fonctionne quand on apprend. Celle-ci (parmi une série de six autres) s’est attachée à analyser les parties des zones cérébrales activées par des individus non-voyants lors d’une phase de lecture en braille.

 

Qu’y constate-t-on ? 

Chose contraire au bon sens, la zone visuelle est activée par la lecture en braille. Cet éclairage est surprenant car enfin ne répète-t-on pas que des connexions non activées en bas âge deviendront définitivement inopérantes ? 

Or, l’apprentissage tactile va non seulement provoquer un « réveil de connections dormantes », mais va venir « réveiller » la zone de vision de la même manière qu’un lecteur « ordinaire ». 

 

 

 

 

Première observation : La zone de vision reste intacte chez l’aveugle. 

Deuxième observation : Le toucher active les zones de la vision.

 

Lire ne serait rien que sentir ? Réveiller la sensibilité dormante de la lecture ? Réveiller les connexions dormantes ?

 

 « Apprendre à lire, nous explique Stanislas Dehaene - ce n’est pas seulement associer des lettres à des sons ; c’est également organiser la perception des lettres  dans l’espace, dans le bon ordre et avec l’orientation adéquate. Le chercheur cite les travaux de Maria Montessori dont l’une des activités qui préparent l’enfant à la lecture consiste à tracer du doigt le contour de grandes lettres en papier de verre. Cette pratique assez ordinaire déroge pourtant à la domination du visuelo-auditif sur-pratiqué dans les classes. En imposant à la vision une exploration spatiale et motrice asymétrique, elle ne peut que faciliter la rupture de symétrie de la voie visuelle ventrale. » (5).

 

La méthode Borel Maisonny (6) fait surgir le canal tactile au milieu de ceux du visuel et de l’auditif. L’enfant prononce la lettre (éventuellement la lit), en écoute le son (phonème) tout en la symbolisant par un geste. Cette activité mimée permet de s'approprier les sons, la forme des lettres tout en constatant les effets produits sur le corps. Par exemple le son « R »  sera renforcé par la constatation physiologique de la sensation du roulement dans la gorge. Le Site « La Petite Souris » détaille tous les sons de cette méthode largement répandue chez les orthophonistes.

 

« La méthode, disait Descartes, est l’art de guider sa raison dans les sciences. Ajoutons : elle est l’art de guider sa science dans la raison. Une scienza nuova, qui n’est plus liée à un éthos de manipulation et d’arraisonnement, implique une méthode autre : de pilotage, d’articulation. » La façon de penser complexe se prolonge en façon d’agir complexe. » (3)  p 214.

Descartes lui-même a rétabli l’importance de la perspective du sensible [Quoique « La critique de la certitude sensible est le premier argument du doute méthodique. »(7) ]: prenant l’exemple du soleil lointain vu à la taille d’une orange, il écrit « En ce sens, la perspective sensible est justifiée, et non pas réfutée : que le soleil ne me semble pas plus gros qu’une orange n’est pas un effet de ma vanité, ainsi que le prétendent les partisans de la morale ascétique, mais au contraire de la perfection de ma nature sensible. Il est nécessaire en effet que les objets rapprochés me semblent agrandis, et diminués les objets éloignés, car ma sensibilité me témoigne par là qu’il faut porter plus d’attention à ce qui est prochain, parce que le danger est alors plus immédiat, qu’à ce qui est lointain, qui me menace de façon moins directe. » 

« Car l’homme n’est pas seulement chose pensante, comme il l’appréhende pourtant par la plus simple et la plus originelle des intuitions métaphysiques, il est aussi âme unie au corps, et doit prendre garde à la conservation de ce corps par l’entremise duquel il lui est donné de rencontrer le monde. »

 

Or jouer sur tous les tableaux afin d’aider l’élève en difficulté de lecture. Réveiller les connections dormantes grâce au canal tactile – ce n’est pas « trouver la recette miracle » - mais c’est au moins tout tenter, tout essayer, tout expérimenter, tout imaginer afin de tromper les chaînes des déterminismes.

 

 

                                                 Et les combattre avec rage.

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(1) Les cinq sens de la philosophie - Roger-Pol Droit.  

(2) Jacques Darriulat

(3) Édgar Morin, science avec conscience, éd du Seuil, point, 1990, ISBN : 2-02-012088-7,

(4) Olivier Dulac - Épilepsie chez l'enfant : La recherche et la prise en charge médico-sociale. responsable de l'unité neuro-pédiatrique à l'hopital Necker-Enfants malades, professeur à l'université Paris-Descartes. Émission « Avec ou sans rendez-vous » par Olivier Lyon-Caen du 14 juillet 2009. 

(5) Les neurones de la lecture, op cit p 389

(6) Suzanne Borel Maisonny, langage oral et écrit, Delachaux et Niestlé, 1985.

(7) «C’est ainsi que, selon l’exemple présenté dans Méditation Sixième, exemple par ailleurs emprunté à Lucrèce, une tour carré semble ronde dans le lointain, ou bien encore les statues colossales au sommet des architectures, celles de Palladio par exemple, semblent petites vues d’en-bas. » 

La critique de la certitude sensible est le premier argument du doute méthodique. »

Néanmoins, nuance Jacques Darriulat in ‘Descartes et la réhabilitation du sensible’ : « Cependant, la réhabilitation des sens dans la Méditation sixième est physiologique plutôt qu’esthétique, et porte davantage sur la mécanique du réflexe que sur le jugement de goût. On a parfois prétendu qu’il n’existe pas d’esthétique cartésienne, et que Descartes est indifférent au Beau. »

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Arthur Rimbaud - Sensation

 

Sensation 

Par les soirs bleus d'été, j'irai dans les sentiers,

Picoté par les blés, fouler l'herbe menue :

Rêveur, j'en sentirai la fraîcheur à mes pieds.

Je laisserai le vent baigner ma tête nue.

 

Je ne parlerai pas, je ne penserai rien,

Mais l'amour infini me montera dans l'âme ;

Et j'irai loin, bien loin, comme un bohémien,

Par la Nature, heureux - comme avec une femme.

 

Arthur RIMBAUD

 

 

 

 

 

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Présentation

  • : Le chêne parlant
  • : L'éclectisme au service de la pédagogie & L'art de suivre les chemins buissonniers. Blogue de Virginie Chrétien chrétien. Maître formatrice en lien avec l'ESPE de Lille. Rédactrice chez Slow Classes. Partenariat : philosophie Magazine. Écrivaine : La 6ème extinction - Virginie Oak.
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Introduction.

L’éducation, dans son étymologie même, c’est : «Educere, ex-ducere, c’est conduire « hors de » rappelle le philosophe Henri Pena-Ruiz dans Le Philosophoire. Charles Coutel parle quant à lui d'[Educarea] ēdŭcāre ‘prendre soin de l’ignorance de l’élève’. "Le rôle de l’éducation - dit-il - c’est de me disposer à mon humanité en moi grâce à mon instruction." Ecoutons George Sand… « Mes pensées avaient pris ce cours, et je ne m'apercevais pas que cette confiance dans l'éducabilité de l'homme était fortifiée en moi par des influences extérieures. » George Sand, La mare au diable, Folio Classique, 892, P 37. Ce blogue se propose de partager des outils pédagogiques, des moments d'expériences, des savoirs, des lectures, de transmettre des informations relatives à la pédagogie ordinaire et spécialisée, des idées d’activités dans les classes allant du CP au CM2 en passant par la CLIS. Enfin, on y trouvera aussi quelques pensées plus personnelles. « Notre savoir est toujours provisoire, il n'a pas de fin. Ce n'est pas l'âge qui est le facteur déterminant de nos conceptions ; le nombre de « rencontres » que nous avons eues avec tel ou tel savoir l'est davantage, ainsi que la qualité de l'aide que nous avons eues pour les interpréter... » Britt-Mari Barth, le savoir en construction. ________________________________________________________________________________________________ 1 Le Philosophoire, L’éducation, n° 33, P16 2 P 52, Britt-Mari Barth – Le savoir en construction – Retz – Paris – 2004 – Isbn : 978725622347

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