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19 juillet 2012 4 19 /07 /juillet /2012 09:55

Selon Platon, 

« Connaître, c'est voir. 

ANDROMEDE-L-ESCLAVE--DE-T.-DE-LEMPICKA.jpgPenser, c'est regarder.

 Réfléchir, c'est discerner. »

Roger-Pol Droit.

 

Penser en tant qu’activité mentale est une évidence.

Mais apprendre, réfléchir, se réduiraient-il à l’usage de la raison ? 

Faut-il se libérer du corps pour accéder au réel ? 

Quelle est la place du sensible – des sens - dans ce monde de l’intelligible ?

 

En gros, la sensation, le sensible, ont-ils une place dans l’apprentissage ?

Pas sûr…

Révisons dans un premier temps ce que les penseurs de la philosophie ou chercheurs ont à nous dire… 

 

I Le corps comme moyen et fin d’accéder au réel.

 

« Penser, comme vous voyez, c’est toujours sentir et ce n’est rien que sentir. 

Maintenant, me demanderez-vous qu’est-ce que c’est que sentir ? 

Sentir est un phénomène de  notre existence. C’est notre existence elle-même. Car un être qui ne sent rien  peut bien exister pour les autres êtres s’ils le sentent mais il n’existe pas pour lui-même puisqu’il ne s’en aperçoit pas.

Vous pourriez avec plus de raison me demander pourquoi penser étant la même chose que sentir, on a fait deux mots au lieu d’un. Je vous dirai que c’est parce que l’on a plus spécialement destiné le mot sentir à exprimer l’action de sentir les premières impressions qui nous frappent celles que l’on nomme « sensation ». Et le mot « penser » à exprimer l’action de sentir les impressions secondaires que celles-là occasionnent : les souvenirs, les rapports, les désirs dont elles sont l’origine. Ce partage entre ces deux mots est mal vu sans doute, il n’est fondé que sur les idées fausses qu’on s’était faites de la faculté de penser avant de l’avoir bien observée.  Et il a ensuite causé d’autres erreurs. Mais malgré l’obscurité que ce mauvais emploi des mots répand sur notre sujet. Il est clair, quand on y réfléchit, que penser c’est avoir des perceptions ou des idées. Et que nos perceptions ou nos idées, je ferai toujours ces deux mots absolument synonymes. Sont des choses que nous sentons et que par conséquent : penser, c’est sentir. »  Destutt de Tracy dans son ouvrage sur l’idéologie.

 

Destutt de Tracy est un philosophe confidentiel, tombé dans l’oubli. Adèle Van Reth dans son émission des « Nouveaux chemins de la connaissance » nous dévoile avec Claude Jolly, les bases de cette pensée ‘Idéologique’.

 

Une philosophie appartenant au courant dit des « sensualistes » – ou « sensationnistes », clairement basée sur les affects. Evidemment, ce socle du « tout vient des sens » est loin de provoquer l’enthousiasme des pairs, plus d’un rectifie cette infâme philosophie d’un trait de plume - si l’on peut dire - bien « senti ». 

Claude Jolly se fait l’écho des corrections adverses :

Les spiritualistes les attaquent rudement.

Les romantiques les considèrent avec mépris et les conspuent en tant que rationalistes. 

Les traditionalistes combattent eux aussi ces traîtres vendus à la révolution. 

 

De fil en balayette, d’époussetage en coups de canifs, de déformation en caricature, cette pensée et son auteur Destutt de Tracy vont être conduits à l’écart, pour – vaporisation expresse – être mené prestement en direction des oubliettes de l’histoire. 

La-Verite-sortant-du-puits--1898--Edouard-Debat-Ponsan--1.jpg

Si la pensée de Destutt de Tracy a été payée d’injures, il ne faut y voir aucun hasard, bien sûr. Naturellement ce sont des raisons profondes – des thèses diamétralement opposées, contradictoires, incompatibles avec les philosophies « dominantes » qui l’ont poussée dans la pelle à ordures.  

Claude Jolly explique les bases de la pensée Idéologique…[Rose Goetz apporte une précision importante  : Tracy crée en 1796 ce néologisme d’Idéologie dans un mémoire sur la « faculté de penser ». Idéologie vue comme ensemble d’idées fausses est venue plus tard. ] qui assimile penser et sentir. « Destutt de Tracy s’inscrit dans une tradition philosophique anglaise initiée par Bacon et par Locke et dans la tradition des Lumières illustrée par Condillac. Les idéologues poussent à l’extrême cette affirmation que toutes nos connaissances et tout notre être sont fondés sur nos sensations. Ca fera de l’Idéologie une science non pas des causes (qui sont inconnues) mais des effets. Ca fera de l’Idéologie un système qui est totalement étranger à des concepts comme l’idée innée ou l’ a priori. » 

 

En quoi cette mise à l’écart philosophique est-elle éclairante ? 

 

Que ce soit en philosophie ou dans d’autres matières, telles les mathématiques ou la lecture, ce combat de « la sensation », des sens, du sentir est toujours présent à l’école. Et notamment en France.

 

II. Se libérer du corps pour accéder au réel.

 

Des raisons historiques expliquent ce dualisme séparant corps et pensée. «… humer, flairer, tendre les naseaux, ce n'est presque jamais affaire de philosophes. » écrit Roger Pol Droit dans son article du Monde des livres consacré à L'ODORAT DE CONDILLAC. (1)

Le philosophe écrit à propos de Platon : « Ce qui se met en place avec Platon aura dans toute l'histoire de la pensée européenne une postérité immense. Connaître, c'est voir. Penser, c'est regarder. Réfléchir, c'est discerner. Bien plus que des images ou des métaphores, ces formules ne cesseront de dire que la philosophie est une ophtalmologie - un savoir de l'œil, une histoire de vision, de direction du regard, d'accommodation. Et de passages de l'ombre à la lumière ou, inversement, de la lumière à l'ombre. » in LA VUE DE PLATON.

Le philosophe cherche la vérité...

 

Platon est un homme connaissant, un homme à la recherche de la réalité véritable, de la Vérité, en tant que connaissance. Il se méfie des sens et des sensations, lesquels nous illusionnent, nous trompent et nous égarent.  

« La vérité est ce qui éclaire la réalité. » Jean-Marie Frey.

 

       Mais c’est surtout au XVIIème siècle – écrit Jacques Darriulat – que la « La vérité du monde divorce d’avec son évidence. Pour connaître la loi, il ne faut plus décrire les phénomènes, il faut au contraire déjouer les apparences. La vérité de la nature n’est pas visible ni même sensible, elle est invisible et mathématique. » (2)

                Descartes à son tour, contemple le monde, l’analyse, se pénètre de ses fictions et les dénonce. Ainsi la tour carrée (reprenant Lucrèce)  paraît-elle ronde de loin. Ainsi une statue monumentale paraît-elle petite sous un certain angle (7).

 

 

Pour des questions d’objectivité, nous devons nous méfier du monde sensible. Nous nous forgeons une idée de la science telle qu’une vérité issue de la raison. Les principes perceptifs n’y ont pas place. « Ces principes, explicite Edgar Morin, ont été, en quelque sorte, formulés par Descartes : c'est la dissociation entre le sujet (ego cogitans), renvoyé à la métaphysique, et l'objet (res extensa), relevant de la science...  les théories scientifiques ne sont pas le pur et simple reflet des réalités objectives, mais sont les coproduits des structures de l'esprit humain et des conditions socioculturelles de la connaissance » (3) p 126. 

 

      Elodie Cassan – Raphaël Enthoven – 

Descartes : homme, femme, c’est un corps et un esprit.

L’âme et le corps sont différents en nature…

«Ceci est un bâton pas brisé…  Magie, je le trempe... Et hop !… L'angle varie.

Et comme dit Descartes : Ma raison le redresse aussitôt.

Ce qui m'a toujours laissé perplexe. 

Ma raison ne redresse rien du tout. » Raphaël Enthoven.

 

Illustration du dualisme par René Descartes. Les entrées sensorielles sont transmises par les organes sensoriels à la glande pinéale dans le cerveau, puis à l’esprit immatériel.

C’est l’esprit – donc - qui dirige le corps.

En gros, être philosophe, c'est se méfier de ses sens et « avoir de la cire dans les oreilles ».

      « La science nouvelle est critique, et non plus phénoménologique. » écrit le philosophe Jacques Darriulat.

« Kant, Critique de la raison pure, esthétique transcendantale, remarque générale III : opposition de l’apparence (“Schein”) et du phénomène (“Erscheinung”) : l’apparence est subjective ; elle n’est que la matière de la sensation non encore ordonnée par la forme de la catégorie, le divers des phénomènes non encore subsumé par la synthèse catégoriale ; le phénomène est objectif : il démontre la validité d’une théorie élaborée par l’entendement. Seul l’entendement a pouvoir de poser l’objet en tant qu’objet, de poser donc le monde comme un non-moi, et par conséquent le moi comme un non-monde. Le savant se désintéresse de l’apparence immédiate et ne s’intéresse qu’au phénomène mis en évidence par le dispositif expérimental. A la nature, il substitue le laboratoire. » (2)

 

Il existe – et particulièrement en France – une séparation nette entre tout ce qui est de l’ordre du ressenti, des affects et ce qui appartient au monde des connaissances à acquérir. Cette méfiance extrême s’imprègne jusque dans la matières scolaires où le règne du français ne saurait pactiser avec celui des mathématiques. Dans cette sourde bataille, choisis ton camp. 

 

En quoi cette vision du monde – ce paradigme – est-il néfaste ? 

 

Nous le verrons dans un second temps.

 

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Les nouveaux chemins de la connaissance, Quatre penseurs oubliés du XIXème siècle 2/4 : Destutt de Tracy, l'idéologue 

Adele-Van-Reeth-et-Raphael-Enthoven.JPG

Adèle Van Reeth reçoit Rose Goetz et Claude Jolly à propos de Destutt de Tracy.

Les penseurs oubliés du XIXème siècle.  Antoine Destutt de Tracy. (La dernière des idéologies classiques ?)

 

Condillac (sensations externes dans le « traité des sensations »)  alors que … (sensations internes : kinesthésie, cinesthésie, etc).

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(1) Les cinq sens de la philosophie - Roger-Pol Droit - Le Monde des livres. 

(2) Jacques Darriulat : La Révolution copernicienne.

(3) Édgar Morin, science avec conscience, éd du Seuil, point, 1990, ISBN : 2-02-012088-7,

(4) Épilepsie chez l'enfant : La recherche et la prise en charge médico-sociale. responsable de l'unité neuro-pédiatrique à l'hopital Necker-Enfants malades, professeur à l'université Paris-Descartes. Émission « Avec ou sans rendez-vous » par Olivier Lyon-Caen du 14 juillet 2009. 

(5) Les neurones de la lecture, op cit p 389

(6) Suzanne Borel Maisonny, langage oral et écrit, Delachaux et Niestlé, 1985.

 (7) «C’est ainsi que, selon l’exemple présenté dans Méditation Sixième, exemple par ailleurs emprunté à Lucrèce, une tour carré semble ronde dans le lointain, ou bien encore les statues colossales au sommet des architectures, celles de Palladio par exemple, semblent petites vues d’en-bas. » 

La critique de la certitude sensible est le premier argument du doute méthodique. »

Néanmoins, nuance Jacques Darriulat in ‘Descartes et la réhabilitation du sensible’ : « Cependant, la réhabilitation des sens dans la Méditation sixième est physiologique plutôt qu’esthétique, et porte davantage sur la mécanique du réflexe que sur le jugement de goût. On a parfois prétendu qu’il n’existe pas d’esthétique cartésienne, et que Descartes est indifférent au Beau. »

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SITES 

Contrepoints - L’économie selon Destutt de Tracy.

Jacques Darriulat - INTRODUCTION A LA PHILOSOPHIE ESTHETIQUE.

Les cinq sens de la philosophie - Le Monde des livres -  Roger-Pol Droit. 

In Libro Veritas - Platon, Le paradoxe du simulacre - Par Julie Martineau.

L'inspiration de la poésie et de la philosophie chez Platon - PDF.

Jean-François Mattéi.

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Esprit es-tu là ?

 

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16 juillet 2012 1 16 /07 /juillet /2012 17:13

 « Cela ressemble bien aux Américains d’imaginer un big bang à l’origine de nos univers. »

Julien Green (1) p 49.

 

Joseph-Whright-of-Derby---Experience-sur-un-pigeon.jpg« Au fond de la matière pousse une végétation obscure. 

Dans la nuit de la matière fleurissent des fleurs noires.

Elles ont déjà leurs velours et la formule de leur parfum. » 

Gaston Bachelard. p 111.

" Rentre dans ce néant dont je t’ai fait sortir."  

Racine. p 90 . 

 

L’ironie de l’histoire – écrit Etienne Klein dans le ‘Discours sur l’origine de l’univers’ - c’est que les modèles de big bang, que les spécialistes avaient d’abord appelés modèles « d’évolution dynamique », ont été les victimes épistémologiques de leurs premiers détracteurs. En effet, cette expression de « big bang » fut inventée en 1949, lors d ‘une émission de radio sur la BBC, par l’astrophysicien Fred Hoyle, promoteur d’un univers statique, qui voulait ainsi donner à ses auditeurs une image parlante de ce modèle concurrent du sien… ! Cette onomatopée tapageuse a fait mouche, de sorte que les scientifiques l’ont reprise à leur compte et sont ainsi tombés à pieds joints dans une sorte de piège sémantique.

Cette expression est en effet des plus trompeuses, puisqu’elle suggère, de façon quasi autoritaire, que l’univers aurait résulté d’une explosion cataclysmique qui se serait produite en un lieu précis et correspondrait à l’origine de tout ce qui est. 

 

Le vocabulaire employé par certains astrophysiciens – lorsque ces derniers parlent par exemple de « fraction de seconde après  le big bang » - laissent accroire que l’univers aurait une origine à un instant T, à un endroit précis de l’univers.  

Ces images erronées sont très difficiles à corriger.

 

"Les physiciens ont fini par comprendre que le big bang  ne correspond nullement à la création proprement dite de l’univers, mais simplement à un épisode particulier qu’il a traversé." (1) p 53. 

 

A supposer que les chercheurs puissent "franchir " le « mur de Planck ».

 ["Le mur de Planck est ce qui nous barre l’accès à la connaissance de l’origine de l’univers, si origine il y a eu. Il incarne en effet la limite de validité ou d’opérativité des concepts de la physique que nous utilisons" ; p 54-55 ]

 

Si donc, il parvenaient à traverser ce mur et surtout à « élaborer ce qu’on appelle une « théorie quantique de la gravitation », c’est-à-dire des équations qui unifieraient en un seul et même cadre théorique la physique quantique et la gravitation ».

La question du comment s’est produite l’origine de l’origine resterait entière. « Lorsqu’il pose la question de l’origine de l’univers, de l’origine de toutes les origines, notre langage se réfracte lui-même, pour s’abîmer dans ce qui n’est que son ombre. Un ombre définitivement envoûtante. » p 161.

 

Si notre univers n’est qu’une singularité, une brane ou tout autre objet flottant – rebondissant – la question des causes premières - de son émergence -  reste entière.  

 

 

"On définit souvent le vide comme étant ce qui reste dans un volume après qu’on en a extrait tout ce qui est possible : le volume demeure, il n’y a plus rien à l’intérieur ; l’espace a en quelque sorte été lavé de toute matière, du moindre atome. Forts de cette définition, imaginons que nous puissions enlever de l’intérieur d’une enceinte toutes les particules de Joseph-Wright-of-Derby.-An-Experiment-on-a-Bird-in-copie-1.jpgmatière et de lumière qu’elle contient, sans la moindre exception, et atteindre ainsi le vide parfait. Se réduirait-elle à de l’espace pur ? A cette question, la physique quantique répond par la négative : le vide n’est pas vide. Il contient de l’énergie, il est même gorgé de ce qu’on pourrait appeler de la matière « en état de veilleuse ». Demeurerait en effet, au sein de cette enceinte où nous aurions fait le vide avec la meilleure des pompes à vide imaginable, des particules dites « virtuelles », c’est-à-dire des particules bel et bien présentes mais qui n’existent pas réellement : elles ne possèdent pas assez d’énergie pour pouvoir vraiment se matérialiser et, de ce fait, ne sont pas directement observables. Elles se trouvent, si l’on peut dire, en situation d’hibernation ontologique." 

Pour exister, réellement exister, elles ne réclament qu’une chose : l’énergie qui manque à leur existence pleine et entière. 

Note Bas de Page : Cette énergie du vide constitue elle aussi un hiatus important entre la physique quantique et la relativité générale." p 90-91. 

 

Ainsi notre monde est-il "un océan rempli de particules virtuelles capables, dans certaines circonstances, d’accéder à l’existence." p 93. 

Joseph-Wright-of-Derby.-An-Experiment-on-a-Bird-in-the-Air-.jpg

                                            La vie n’est-elle pas un infime élément d’énergie perdu

                                                              dans un magma bâti de milliards de milliards de vide ?

 

 

 

 

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Etienne Klein, Discours sur l’origine de l’univers, Flammarion – ISBN : 978-2-0812-2879-5

 

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13 juillet 2012 5 13 /07 /juillet /2012 10:10

 

 

«  [La science] porte en elle un univers de théories,

d'idées, de paradigmes,

Cedric-Villani-Medaille-Fiels-Maths-Cedric-Villani.jpgce qui nous renvoie d'une part

aux conditions bio-anthropologiques de la connaissance

(car il n'y a pas d'esprit sans cerveau),

d'autre part à l'enracinement culturel, social, historique, des théories.

Les théories scientifiques surgissent des esprits humains au sein d'une culture hic et nunc.

La connaissance scientifique ne saurait s'isoler de ses conditions d'élaboration.

Mais elle ne saurait être réduite à ces conditions. » 

Edgar Morin,

(1) p 24-25

 

Il est de rigueur – lorsqu’on se veut scientifique, objectif, rigoureux – de ne pas faire appel à l’humour. Cette simple mention voue aux gémonies. Un blogue de chercheur en éducation se veut simple, net, dénué d’images – ou presque – subsistant quelques rares référents culturels, guère attrayants, il faut bien le reconnaître. 

 

Edgar Morin se fait l’écho des « principes occultes de la réduction/disjonction qui ont éclairé la recherche dans la science classique sont ceux-là mêmes qui nous rendent aveugles sur la nature technique, sociale et politique de la science, sur la nature à la fois physique, biologique, culturelle, sociale, historique de tout ce qui est humain. Ce sont eux qui ont établi et maintiennent la grande disjonction nature/culture, objet/sujet. Ce sont eux qui partout ne voient qu’apparences naïves dans la réalité complexe de nos êtres, de nos vies, de nos univers. » (1) p 30.

 

Ce dernier fait l’éloge de la « déviance », celle qui lie des concepts contradictoires en apparence, celle qui invente en faisant feu de tout bois, celle qui ne s’enferme pas dans sa propre matière mais « s’inspire » des arts (2), tel Cédric Villani et les arts plastiques ou s’empare du quotidien, tel Roland Bathes et ses « Mythologies » ou aujourd’hui, Raphaël Enthoven et ses « chant(s) des signes ». 

 

La mythologie, l’imaginaire pour solidifier le réel.

 

Penser autrement, ajoute-t-il, suppose de ne plus fonctionner selon le paradigme dominant. Lequel est assez basique : Etre sérieux, c’est comprendre ce qui est difficile, or analyser la difficulté ne saurait faire l’impasse d’un vocable complexe. C’est l’obsession de la complexité complexe laquelle s’oppose à la pseudo-science simpliste.

 

Exit donc, la philosophie simple et compréhensible.

Exit les expressions ordinaires. 

Exit le mélange des matières.

Exit l’intrusion du quotidien.

 Exit l’humour.

Faire fi de ces postulats – c’est être dans le décalage, le dérangeant -, c’est s’exposer à bien des ennuis. Cela a un coût lorsqu’on dispose d’une visibilité médiatique : celui de passer pour un déviant, un rigolo, un non sérieux.

 

«  Je connais beaucoup d'esprits originaux – écrit le sociologue - qui ont été virés. Je connais le docteur Gabel, n'est-ce-pas, qui est inclassable, qui a été viré, je connais Lapassade (qui est un peu fou mais, enfin, qui est un esprit très stimulant et intéressant) qui a été viré, Roland Barthes a été viré de la commission de linguistique parce qu'il faisait de la sémiologie. L'institution élimine normalement le déviant, c'est dommage. Moi, j'ai la chance d'être toléré. » (1) p 84.

C’est surtout ne pas répondre aux attentes universitaires, ne pas tendre la patte blanche du sérieux. 

                        Bref, c’est s’annihiler soi-même. 

 

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Édgar Morin, science avec conscience, éd du Seuil, point, 1990, ISBN : 2-02-012088-7,

 

(2) « Vous voyez du reste, dès qu'on pense à la recherche, avec ses activités de l'esprit, avec le rôle de l'imagination, le rôle de l'invention, on se rend compte que les notions d'art et de science, qui s'opposent dans l'idéologie dominante, ont quelque chose de commun. » Science avec conscience, p 48.

 

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Fabrice Luchini : "Ma rencontre avec Roland Barthes." 

"Ça fait sens."

 

 

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13 juillet 2012 5 13 /07 /juillet /2012 08:23

                      Derrière chaque trait d’esprit bien trouvé, se cache une vérité partielle.

 

L’humour peut-il être un matériau intéressant à étudier et à utiliser ?

 

Dans cette vidéo la représentation des différences entre filières S. ou L. est bien de notre temps, et de notre culture (française).

 

L’image d’une filière L. essentiellement occupée par un public féminin.

Celle d’une filière S. masculine et peu « sensuelle ». 

 

 Ceci peut-il être éclairant ? Nous le verrons ...

 

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10 juillet 2012 2 10 /07 /juillet /2012 14:23

« Je peux m’imaginer être tout, parce que je ne suis rien.

Si j’étais quoi que ce soit, je ne pourrais plus rien imaginer.

L’aide-comptable peut bien se rêver empereur romain ;

le roi d’Angleterre ne le peut pas, parce que le roi d’Angleterre se voit privé,

dans ses rêves, d’être un autre roi que celui qu’il est.

Sa propre réalité ne le laisse plus rien sentir. »

Fernando Pessoa* . 

 

 

Penser différemment – autrement – suppose de pouvoir se détacher des paradigmes dans lesquels nous baignons. 

 

« Le paradigme - explique Edgar Morin - c’est aussi quelque chose qui ne découle pas des observations. Le paradigme, en quelque sorte, c’est ce qui est au principe de la construction des théories, c’est le noyau obscur qui oriente les discours théoriques dans tel ou tel sens. Pour Kuhn, il y a des paradigmes qui dominent la connaissance scientifique à une époque, et les grands changements d’une révolution scientifique interviennent quand un paradigme cède la place à un nouveau paradigme, c’est-à-dire opère une rupture des visions du monde d’une théorie à l’autre. » (1) p 44 

Le concept de noyau dur de Lakatos est très proche de celui de paradigme : «  c’est-à-dire  que, au noyau de l’activité scientifique, il y a quelque chose qui n’est pas scientifique, mais dont, paradoxalement, le développement scientifique dépend. (1) p 45

 

Chaque révolution scientifique «  quand elle est exemplaire et fondamentale – [au sens de Kuhn] , entraîne un changement de paradigme (c'est à dire des principes d'association/ exclusion fondamentaux qui commandent toute pensée et toute théorie) et par là, un changement dans la vision même du monde. » (1) p : 26

 

 

Mais se débarrasser des ses vieilleries mentales est plus difficile qu’il n’y paraît.

 

En effet, contempler un panorama depuis le haut d’une montagne, découvrir, observer les vallées avec ravissement, en éprouver la profondeur vertigineuse, les déclivités, n’est guère suffisant. En matière de paradigme, c’est non seulement la montagne qu’il s’agit de déplacer mais c’est surtout la perspective qu’il nous faut renverser.

 

Vivre ces changements suppose un détachement, une imagination libre, nécessite de développer des sensations neuves

 

Est-ce à portée de nos  facultés comme on se l’imagine ?

Est-il aisé de voyager hors des dimensions qui nous sont coutumières ?

L’homme est-il autre chose que l’époque et le monde dans lesquels il vit ?

 

A la question simple du : 

                 « Qu’est-ce qui est difficilement accessible à la pensée pour un homme ? »

Un physicien des particules répondra sans hésitation :

« Les dimensions. Nous vivons dans un monde à 3 dimensions. Que nos calculs représentent un univers fait de 4, 5 voire 10 dimensions – même si nous les appréhendons sur le papier, même si nous disposons des équations, nous sommes incapable de nous le représenter. »

la-fille-dans-le-bocal-a-poisson-rouge.jpeg

Pourquoi ? 

Pourquoi ne suffirait-il pas de suivre une voie  aride, difficile, pour sortir des représentations qui nous constituent ?

 

Parce que nous sommes victimes de deux phénomènes : 

 

Le premier est celui du poisson rouge d’Aristote, dont Bernard Stiegler se fait l’écho : 

 

« Sans doute est-il difficile quand on nage sans cesse dans la même eau, de comprendre ce que c'est que l'eau : telle est une remarque lumineuse d'Aristote dans soin traité sur le désir, De L'âme : l'eau, pour un poisson, c'est ce qu'il ne verra jamais : il ne voit qu'à travers elle. » (2) p 199.

Sortie-du-bocal-ou-suicide-du-poisson-rouge.jpg

Le second est celui d’être prisonnier des sens qui nous constituent. Ainsi, goûtant toute la saveur d’un nouveau paradigme, ne réalisons nous – en réalité – que le saut d’un bocal rustique, vieillot, désuet à un autre. Ce brusque surgissement du côté du spacieux - de l’original - de nature sans doute plus abstraite, moins monotone - qu’est-il ? 

 

dfae5886fa3d84274c8d790f7ad451387e6ac40d.jpg

Semblable toujours – différent pourtant.

 

Ce qui fait dire au poisson rouge : 

« La vérité ne s’identifie pas à ma modeste condition ni à la tienne, car elle n’est du côté de personne. » 

Et à Pessoa de répondre :

« le bonheur, en revanche est son conteste de son côté à lui. »

 

_____________________________

 

* Fernando Pessoa, Le livre de l’intranquillité, Christian Bourgois, éd., p 193. 

 

(1) Édgar Morin, science avec conscience, éd du Seuil, point, 1990, ISBN : 2-02-012088-7,,

 

(2) Bernard Stiegler, La télécratie contre la démocratie, champ essais, 2006 et 2008, isbn 978-2-0812-1782-9.

      _____________________________

 

Changer de paradigme – Une nouvelle manière de penser.


Michel Fromaget.

 

Un paradigme est composé de présupposés, ces derniers pourraient être autres.

_______________

Sites 

 

Principia

Histoire et philosophie des sciences

 

      Delphine MONTAZEAUD - KUHN Thomas Samuel

"La Structure des Révolutions Scientifiques"

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Présentation

  • : Le chêne parlant
  • : L'éclectisme au service de la pédagogie & L'art de suivre les chemins buissonniers. Blogue de Virginie Chrétien chrétien. Maître formatrice en lien avec l'ESPE de Lille. Rédactrice chez Slow Classes. Partenariat : philosophie Magazine. Écrivaine : La 6ème extinction - Virginie Oak.
  • Contact

Introduction.

L’éducation, dans son étymologie même, c’est : «Educere, ex-ducere, c’est conduire « hors de » rappelle le philosophe Henri Pena-Ruiz dans Le Philosophoire. Charles Coutel parle quant à lui d'[Educarea] ēdŭcāre ‘prendre soin de l’ignorance de l’élève’. "Le rôle de l’éducation - dit-il - c’est de me disposer à mon humanité en moi grâce à mon instruction." Ecoutons George Sand… « Mes pensées avaient pris ce cours, et je ne m'apercevais pas que cette confiance dans l'éducabilité de l'homme était fortifiée en moi par des influences extérieures. » George Sand, La mare au diable, Folio Classique, 892, P 37. Ce blogue se propose de partager des outils pédagogiques, des moments d'expériences, des savoirs, des lectures, de transmettre des informations relatives à la pédagogie ordinaire et spécialisée, des idées d’activités dans les classes allant du CP au CM2 en passant par la CLIS. Enfin, on y trouvera aussi quelques pensées plus personnelles. « Notre savoir est toujours provisoire, il n'a pas de fin. Ce n'est pas l'âge qui est le facteur déterminant de nos conceptions ; le nombre de « rencontres » que nous avons eues avec tel ou tel savoir l'est davantage, ainsi que la qualité de l'aide que nous avons eues pour les interpréter... » Britt-Mari Barth, le savoir en construction. ________________________________________________________________________________________________ 1 Le Philosophoire, L’éducation, n° 33, P16 2 P 52, Britt-Mari Barth – Le savoir en construction – Retz – Paris – 2004 – Isbn : 978725622347

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