« On n’ « est » pas intelligent, on le devient - nous rappelle Albert Jacquard -
Il est très facile de ne pas devenir intelligent, la recette est simple : s’assoupir dans la passivité des réponses
apprises, renoncer à l’effort de formuler ses propres questions . » Albert Jacquard, moi et les autres (1)
p 123.
« La meilleure façon de réaliser ses rêves
est de se réveiller. »
Paul Valéry.
Qu’est-ce que « Le Quotient Intellectuel » ?
Explications :
Le QI s’appelle « en anglais l’« intelligence quotient » ou IQ - explicite, Albert Jacquard -
Il n’y aurait rien à en dire, si ce nombre n’avait été utilisé dans des conditions aberrantes.
Le fait qu’il soit un nombre et soit même présenté comme un quotient (ce qu’il n’est le plus souvent pas) lui
donne une façade de scientificité : on ne se permet pas de discuter un nombre, surtout lorsqu’il résulte de longs calculs auxquels il est difficile d’avoir accès.
En réalité, ce qui importe n’est pas le nombre lui-même, mais ce qu’il représente. Pour rester très « mesuré »,
j’admettrai qu’il mesure peut-être quelque chose ; mais force est de constater que personne ne peut dire quoi ? je ne pense pas qu’un seul psychologue oserait affirmer que « le QI mesure
l’intelligence ». Ce serait évidemment absurde : comment un nombre unique parviendrait-il à mesurer un objet aux multiples caractéristiques ?
Malheureusement cette idée est très répandue dans le public par certains auteurs ayant un large accès à des journaux à
grand tirage, et a été étrangement acceptée. » (1) p 104-105.
« Le véritable enjeu est plus grave encore, c’est le regard même que nous portons sur l’homme qui est en cause. En effet, le QI étant un nombre obtenu à la suite d’observations réalisées avec objectivité, et de calculs rigoureux, on admet facilement qu’il correspond à une caractéristique de la personne mesurée. » (1) p 107 :
Le problème est bien là.
A la fois dans cette fonction fixée par la science, donc scientifique ! Dans la pseudo-objectivité, de la « mesure
».
Mais le pire reste à venir, puisque par un glissement sémantique bien senti, ce quotient se fait valeur… Et pas n’importe
laquelle, puisqu’il s’agit de la mesure de l’intelligence de la personne.
Puis d’évaluative, elle se fait prédictive. La "mesure du QI" vous poursuivra toute votre vie (Vous êtes intelligent…
ou pas.)
« Certes, un QI de 90 permet de prévoir un manque de réussite – reconnaît Albert Jacquard -. si les conditions restent ce qu’elles sont. Mais pourquoi le resteraient-elles ? Il n’y a là aucune fatalité. Tout au contraire, l’objectif de la mesure du QI doit être non le plaisir de prévoir l’échec, mais la possibilité de prendre les mesures qui permettrons de l’éviter. » (1) p106- 107.
Seulement voilà, une fois le code barre placé – bien haut sur le front - difficile de s’en extirper.
En science cognitive « l’effet Pygmalion », "Je pense donc tu es", est
bien connu (cf IUFM de la Réunion) et a été démontré par de nombreuses études (psychologie sociale). (Vous croyez aux qualités intellectuelles,
manuelles de quelqu’un et cette personne en surinvestissant effectivement le domaine valorisé, va développer une compétence réelle en la matière.)
Inversement, la dépréciation va générer une non-mobilisation des compétences. Les capacités potentielles n’adviendront donc
pas.
On parle alors de prophétie auto-réalisatrice ou en climatologie de boucle de rétroaction.
Le ressort psychologique est simple à comprendre.
(Je produis ce que l’on me dit que je suis, en conséquence de quoi, je deviens ce que l’on m’a dit que je serais : la
boucle est bouclée CQFD.)
A partir de là, pourquoi travailler ?
Vision du monde scindée en deux catégories :
Les Minus et les Cortex.
Sylviane Giampino et Catherine Vidal, « Nos enfants sous haute surveillance, Albin Michel, 2009, dénoncent cette vision simpliste et régressive des choses : « Chez
l’enfant – rappellent-elles avec force - c’est l’interaction avec l’environnement familial, social, culturel qui va orienter le développement de certaines aptitudes et contribuer à
forger les traits de la personnalité. »P 193. « Plus tard, la plasticité cérébrale va nous permettre d’acquérir de nouveaux talents, de changer d’habitudes, de choisir différents itinéraires de
vie. Muni de son gros cerveau, l’être humain a pu échapper aux lois dictées par les gènes et acquérir une liberté de penser de se projeter dans l’avenir, d’imaginer et de rêver. » pp
193-194.
« Cette plasticité est à l'œuvre de la même façon pour le développement des aptitudes intellectuelles. De nombreuses études ont montré que des enfants adoptés à la naissance et élevés dans un milieu favorisé ont un QI supérieur à celui d'enfants élevés dans un milieu défavorisé (3). Mais rien n'est inéluctable. Si l'adoption concerne des enfants de quatre à six ans issus des milieux défavorisés avec au départ un faible QI, ces enfants peuvent aussi rattraper leur retard, et ce d'autant plus que le milieu socio-économique des familles d'adoption est élevé. » (2) p 75.
« Tous les tests réalisés face à un examinateur qui déclenche un chronomètre sont avant tout des tests de rapidité :
cette qualité est importante certes, mais pourquoi en faire une qualité première ?" (1) p 119.
[Quoi de plus bloquant - tétanisant - stressant - qu'une évaluation chronométrée ? ]
« On sait également qu'un environnement affectif et social défavorable peut induire chez l'enfant un retard de
développement mental. Ce fut le cas des enfants issus des orphelinats roumains dans les années 1980 et qui présentaient des altérations du fonctionnement cérébral. Cependant, une fois placés dans des familles d'adoption, la plupart ont progressivement rattrapé leur retard et ont pu suivre une scolarité comme les autres
enfants. » (2) P 68.
Oui – martelons-le, énonçons-le, rappelons-le, crions-le - la réflexion, comme Albert Jacquard l’a signifié, c’est aller lentement.
L’intelligence est une construction.
C’est un processus, un déploiement, «Etre intelligent » revient – a-t-on dit - à se poser sans cesse des questions, sans n’être jamais satisfait des réponses.
Philippe Ravoux dans son livre intitulé « l'unité des sciences », explique page 102, combien « les travaux de Piaget ont mis en évidence que les tests d'intelligence n'ont jamais mesuré l'intelligence, mais des savoirs et des savoir-faire qui ne sauraient à eux seuls définir l'intelligence. De plus, les items de ces tests étant culturels, ils sont par conséquent sans valeur universelle. »
Albert jacquard conclut :
« Ce qui est dramatique avec le QI aujourd'hui, c'est qu'il est utilisé comme n'importe quelle mesure, aussi simplement
qu'on pourrait mesurer votre taille; or, votre taille existe avant d'être mesurée. Au contraire, le QI n'a d'existence
que par la mesure. Il est aberrant de faire croire qu'une telle mesure correspond à une vérité objective, et que les mots : « Il a un QI de... » équivalent à : « Il a un poids de x Kg ».
L'intelligence dont il est question, lorsque nous parlons de QI, se limite à celle que mesurent les tests ! Ces tests pourraient être différents; autrement dit, le QI n'est pas quelque chose qui
serait en nous. Si, à l'âge de cinq ans, vous obtenez 95 points de QI, votre entourage pensera que vous êtes quelqu'un d'inférieur par nature ! Or, ce n'est pas du tout ce que disait Binet. Il
attirait l'attention des éducateurs en disant : « Il y a un problème, il faut donc y veiller. » (5)
En d'autres termes – comme le souligne Nicolas Gauvritt "il ne faudrait pas confondre l’intelligence au sens commun et l’intelligence au sens du QI" .
J'ajoute : ces tests font appel à l'intelligence mais ne mesurent en aucun cas l'intelligence.
----------------------------
(1) Albert Jacquard, moi et les autres, initiation à la génétique, Point, Seuil, 1983
(2) Sylviane Giampino et Catherine Vidal, « Nos enfants sous haute surveillance, Albin Michel, 2009,
(3) M. Duyme et al. , « How can we boost Iqs of dull chidren ? A late adoption study », PNAS, Vol.96, 8790-8794, 1999.
(4) Philippe Ravoux dans son livre intitulé « l'unité des sciences »,
(5) Albert jacquard, Axel Kahn, L'avenir n'est pas écrit, p 95.
Nicolas Gauvrit est maître de conférence en mathématiques à l’Université d’Artois, docteur en sciences cognitives, et membre du comité de rédaction de Science et pseudo-sciences.
A lire sur la toile : J.J. Rousseau, aux sources de l'effet Pygmalion".
---------------------------------------------
Comment "contrer le système" ?
En vous entraînant...
Dans notre effort de compréhension du monde qui nous entoure, les progrès les plus décisifs ne sont pas contrairement à
ce que l’on croit trop facilement, les réponses trouvées à nos questions, mais la formulation de questions plus pertinentes et mieux posées. » (1) p 119.
Le QI, Un " moyen " efficace d’éliminer les plus fragiles ? Une technique de sélection ?