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25 septembre 2011 7 25 /09 /septembre /2011 09:34

 

 

Stanislas Dehaene est neuroscientifique et psychologue cognitif, ce dernier enseigne également au collège de france . Cette vidée explicite son travail en laboratoire :

 

 

 


Stanislas Dehaene

 

 

 

Stanislas Dehaene part du constat suivant : l’écrit n’ayant pas toujours existé – du reste à l’échelle du temps, l’écriture représente une invention extrêmement récente – notre génome n’a pas eu le temps d’évoluer de manière à développer des circuits cérébraux propres à la lecture.

En conséquence, notre cerveau n’est pas fait pour la lecture… Et pourtant nous lisons plutôt bien. 

 

Comment cela est-il possible ?

 

La thèse de Stanislas Dehaene est celle du « recyclage neuronal ». C’est-à-dire que des neurones non attribués à la lecture vont se (re)convertir à cette fin.
Ceci suppose – explicite-t-il « un changement de fonction à l’échelle de quelques mois… Le recyclage neuronal est une reconversion : il transforme une fonction qui, autrefois, avait son utilité dans notre passé évolutif, en une fonction nouvelle plus utile dans le contexte culturel présent. » (1)

 

 

Cette vidéo est issue de l'inserm. Stanislas Dehaene et Franck Ramus (chargé de recherche au CNRS) y expliquent comment les circuits neuronaux désorganisés perturbent l'apprentissage de la lecture :

 


La thèse de Stanislas Dehaene prend appui sur des découvertes récentes, mises en lumière par une technique nouvelle, celle de l’IRM (Imagerie par Résonance Magnétique).
 
 
Que nous apprend cette technique d’investigation non intrusive et surtout permettant d’observer le fonctionnement du cerveau « en direct » ?
 
D’abord, que la « plasticité cérébrale » est supérieure à ce que les chercheurs pensaient.
Catherine Vidal, neurobiologiste, directrice de recherche à l'institut Pasteur, nous explique comment évolue notre cerveau depuis la naissance :  « Quand le bébé humain voit le jour, il possède cent milliards de neurones qui cessent alors de se multiplier. Mais son cerveau est loin d'être terminé, car les connexions entre les neurones, ou synapses, commencent à peine à se former : seulement 10% d'entre elles sont présentes à la naissance. Les 90% restantes vont se construire progressivement jusqu'à l'âge de quinze - vingt ans. Dans un cerveau humain adulte, on estime à un million de milliards le nombre de synapses qui relient nos cent milliards de neurones ! En moyenne, chaque neurone est en communication avec dix mille autres. »(2) Elle ajoute, combien, à partir de la naissance « Le développement du cerveau se poursuit désormais en relation étroite avec l'environnement physique et affectif du bébé. Les réseaux de neurones commencent à fonctionner sous l'influence de facteurs extérieurs. Ce fonctionnement entraîne une nouvelle phase de modelage des connexions. » (3) La neurobiologiste insiste sur « l'importance des interactions avec le monde extérieur dans la construction du cerveau. Ils montrent que le cerveau n'est pas d'emblée câblé comme un  ordinateur et que rien n'est irrémédiablement figé. On parle de « plasticité » pour qualifier cette propriété du cerveau à se modeler en fonction de l'expérience vécue. » (4)
 
Ce qui est extraordinaire – insiste-t-elle – c’est de constater à quel point cette plasticité est en œuvre chez tous les individus, et ce – quel que soit leur âge (Bien qu’il soit moindre, à l’évidence, à 70 ans qu’à 10). « Ainsi, l'apprentissage du braille chez les enfants malvoyants entraîne des modifications dans la structure de leur cerveau où les zones spécialisées dans le toucher envahissent les régions normalement impliquées dans la vision.
Cette plasticité est à l'œuvre de la même façon pour le développement des aptitudes intellectuelles. » (5)
 
Dans une vidéo absolument passionnante, Catherine Vidal expose de manière didactique comment la pédagogie, l'estime de soi,  l'éducation, en gros la culture et la manière dont nous nous percevons, influencent le fonctionnement du cerveau.  Elle y démonte également bon nombre d'idées reçues relatives aux femmes et à la taille de leur cerveau. Enfin, elle y définit précisément ce qu'est la plasticité cérébrale.  
 
 
Cette capacité du cerveau est d’ailleurs vérifiable, puisque nous sommes en mesure d’apprendre des choses nouvelles tout au long de notre vie. Ainsi, sans ce recyclage, nous nous montrerions incapables d’apprendre une langue étrangère à 60 ans (La chose restant possible, même si elle s’avère plus difficile qu’à 20 ans.).
En outre, elle nous informe également – pour partie - des raisons pour lesquelles nous oublions. Nous perdons effectivement nos connaissances en raison de ce recyclage. Le cerveau fait « le ménage », élimine les savoirs non utilisés. En effet, pour lui, ces derniers s’apparentent à un encombrement inutile. Raison pourquoi, il va réemployer ce réseau à d’autres fins. 

Pour en revenir à l’IRM…
Cette technologie nous montre également combien ce phénomène de plasticité est particulièrement remarquable au niveau de l’enfance. C’est sans doute la raison pour laquelle l’apprentissage de la lecture se déroule vers 6 – 7 ans. Ce qui fait dire à Stanislas Dehaene  qu’ « Il n’est certainement pas fortuit d’enseigner la lecture à cet âge si précoce où la plasticité atteint son pic. En immergeant les enfants dans un environnement artificiel fait des lettres et des mots, nous réorientons sans doute bon nombre de leurs neurones du cortex temporal inférieur afin qu’ils codent de façon optimale l’écriture. » (6)
 
Dès lors comment se déroule – et fonctionne – l’apprentissage de la lecture ?
 
Là encore, Stanislas Dehaene nous donne des clés.
 
Pour lui, au regard de ses recherches, il ne fait pas de doute que nous ne lisons pas globalement. Ce qui a conduit – naguère - les chercheurs à le penser est la rapidité avec laquelle notre cerveau reconnaît les signes auxquels il est exposé, les « décrypte », les analyse et  enfin, en propose une interprétation.
Le phénomène (qui fonctionne en réseaux parallèles) est si rapide qu’il peut laisser accroire à un observateur extérieur en une lecture globale.
 
Alors, comment lisons-nous ?
« … l’apprentissage de la lecture reconvertit des réseaux de neurones – explicite-t-il – initialement dédiés à la reconnaissance visuelle des objets (et non pas la reconnaissance des visages, la nuance n’en est pas une),  […] pour reconnaître, en quelques millisecondes, un mot écrit. » (7) Reprenant les travaux de Jonathan Grainger et Carol Whitney, il décrit le phénomène du décodage comme celui d’une reconnaissance fonctionnant par bigrammes.  « le système visuel des lecteurs code la position relative des lettres, et qu’il le fait en repérant les bigrammes. » (8) 
Deux précisions s’imposent :
Primo : Un bigramme est constitué – comme son nom l’indique - de deux lettres. (En, on, le, te, etc. sont des bigrammes).
Secundo : il s’agit de reconnaissance visuelle des objets (et non pas la reconnaissance des visages). Les deux ne se recoupent pas, ne font pas appel aux mêmes aires cérébrales. Ainsi la reconnaissance des visages fait-elle appel à des aires cérébrales enregistrant les choses de manière « globales », tandis que la reconnaissance visuelle des objets est relative à la topologie dans l’espace.

Stanislas Dehaene en déduit que :
 
« […]  la lecture progresse du plus simple au plus complexe. Au sein de la voie graphème phonème, les premières connexions à se mettre en place concernent la lettres isolées dont la prononciation est régulière. Progressivement, l’enfant apprend à prononcer les graphèmes plus rares et plus complexes. Il repère les groupes de consonnes et apprend comment les combiner pour former une chaîne comme « bl » ou « str ». Il mémorise, enfin, des terminaisons ou des morphèmes particuliers dont la prononciation fait exception : la conjugaison « ent » qui termine les verbes et ne doit pas se prononcer an…  » (9)
Conclusion : « Si nous revenons à la lecture, il ne fait guère de doute que les heures passées à reconnaître d’infimes différences entre caractères accroissent les compétences analytiques de notre système visuel. La comparaison avec les illettrés révèle, effectivement, que la perception de formes géométriques s’améliore avec l’apprentissage de la lecture. » (10) La plasticité cérébrale – précise-t-il – chez l’homme comme chez l’animal est maximisée par la répétition intense d’une même tâche, entrecoupée d’une période de sommeil.
Autre conclusion de taille ! La méthode globale est inefficace.

Stanislas Dehaene n’hésite pas à affirmer combien « l’inefficacité de la méthode globale d’enseignement est confirmée par l’expérimentation directe. Il ajoute : c’est l’imagerie  cérébrale qui mit en évidence l’effet le plus spectaculaire : l’hémisphère droit s’activait pour la lecture globale, alors que l’attention portée aux lettres activait bien  la région classique de la lecture, l’aire occipito-temporale ventrale gauche. Autrement dit, l’apprentissage par la méthode globale mobilisait un circuit inapproprié, diamétralement opposé à celui de la lecture experte. » (11)
 
A la lecture de cet article, on pourrait en déduire – à tord – qu’il suffit de répéter (ânonner des syllabes) en un réflexe Pavlovien pour décoder et apprendre à lire. Cette lecture serait fautive. Le but - ici affiché - est de souligner l’importance du décodage dans l’apprentissage de la lecture. D’en rétablir un usage décomplexé. C’est ce qui fait dire à Franck Ramus que plus un élève est en difficulté de lecture (technique) plus il est nécessaire d’insister sur le travail « syllabique ».
 
Le décodage est une activité technique et relativement répétitive, qui appelle à établir des moments d’apprentissages systématiques.  (Tel le calcul mental, réclame donc des moments de lecture dédiés, pourquoi ne les appellerions-nous pas « lecture mentale » ? ). Mais ces moments sont circonscrits dans le temps (en début de séance, par exemple). Et les exercices peuvent / doivent varier.
A côté de cela, naturellement, le sens se doit d’être travaillé, par exemple, sous forme d’albums.
En outre, si la répétition est nécessaire, il est également très important de ne pas négliger la dimension de plaisir dans l’apprentissage.
« […] maximiser l’attention et les émotions positives peut amplifier l’apprentissage. » (12)
 
___________________________________________________________________________________________
(1) Les neurones de la lecture, Stanislas Dehaene, Odile Jacob, Villeneuve d’Ascq 2007, P 200.
(2) Sylviane Giampino et Catherine Vidal, « Nos enfants sous haute surveillance, Albin Michel, 2009 PP 66, 67.
(3) Ibidem.
(4) Ibidem, p 68.
(5) Ibidem P 75.
(6) Stanislas Dehaene, Les neurones de la lecture, op. cit. P 193.
(7) Ibidem, P 203.
(8) Ibidem, P 210.
(9) Ibidem, P 271.
(10) p 281.
(11) P 298.
(12) P 337 – 338.
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23 septembre 2011 5 23 /09 /septembre /2011 03:06

Il est coutume de reprendre des élèves lorsqu’ils disent « des énormités » ou sont dans l’erreur. Mais sommes-nous si sûrs de détenir « La Vérité » ? N’induisons-nous pas nous-mêmes certains comportements ? N’énonçons-nous pas de la même façon – bien que de manière plus larvée - pareilles énormités, et ce en toute bonne fois, sans en avoir l’air ? 

 

Ainsi, pour prendre l'exemple de la préhistoire, si nous nous penchons sur cette image assez récente  (On en trouve dans toutes les publications. Mon but est de mettre en évidence les idées reçues qu’elle véhicule – et de manière plus générale - de souligner les clichés dont nous sommes tous victimes à notre insu.) nous pouvons dores et déjà souligner plusieurs incohérences, voire absurdités.

 

Cette illustration représente une scène de chasse de l’homme de Neandertal au paléolithique moyen, nous dit-on.

 

L’homme de Neandertal, qui était-il ?

 Sur cette représentation, pas de doute : 

 

Outre sa physiologie robuste qui n'apparaît absolument pas (puisqu'il est plutôt longiligne), il est représenté ici comme un homme "brut" .

C'est-à-dire :

Nu, dénué de vêtements.  

A l’allure sauvage, au visage simiesque, aux cheveux hirsutes, plutôt fruste.

Cet homme était-il « intelligent » ? 

Rien ne le démontre sur ce « cliché ».

Il n’avait pas idée ne serait-ce que de prendre la peau de l’animal qu’il venait de vaincre, de la découper, de la gratter, d'en découper le milieu afin d’y passer la tête, puis de s’en vêtir à la manière d’un poncho ? 

 

 

 

Dés lors comment aurait-il pu résister au froid ? Survivre dans ces conditions, au regard de sa pilosité et de l’épaisseur de sa peau paraît difficile, voire improbable - quand bien même se fût-il assis autour du feu.

Pour mémoire : il vivait en Europe centrale. Certes les températures ont varié, mais entre les périodes glaciaires, les climats tempérés s’apparentaient à peu près au nôtre.

Aurait-il pu résister à notre hiver ?

Ça semble impossible.    

Les photos prises au musée des Eyzies… montrent une toute autre image de l'homme de Neandertal. 

Neandertal---Eyzies.jpg 

 

Un hominidé évolué, habillé, clair de peau, bref qui nous semble très proche.

 

Conclusion, l’homme de Neandertal n’était pas la brute épaisse, qu’on imagine trop souvent.

Le film Ao s'est appuyé sur les dernières découvertes péléontologiques afin de nous conter une histoire plus conforme à la "réalité" historique.

 

 

Au reste, suivant les dernières découvertes génétiques… Les occidentaux auraient tous quelque chose de Neandertal. Nous partagerions même avec lui environ 4% de notre patrimoine génétique comme le confirme Fernando Ramirez Rozzi, directeur de recherche au CNRS, docteur en paléontologie humaine.

 

 

 En matière de science, rien n’est jamais complètement acquis. Les recherches, les nouvelles techniques d’études - comme l’ADN - peuvent renverser les certitudes. Les vérités d’hier pouvant devenir les erreurs de demain

 

Qu’en est-il de la chasse ? 

 

 

Là encore, les incohérences sont visibles.

Comment, en effet, parvenir à tuer un mammouth de plusieurs tonnes, armé d'un simple pieu ?

Pourquoi tuer un mammouth – dangereux – terrible, alors que les rennes – et autres herbivores bien plus faciles à chasser - vivent en abondance dans ces contrés ? 

Le Pôle International de la Préhistoire (Le PIP) répond à ces questions de manière très pédagogique. 

 Le mammouth était peu chassé, nous indiquent-ils. En revanche, l’homme de Neandertal n’hésitait pas à récupérer les carcasses d’animaux morts. La chose était assez aisée puisqu'il suffisait de lever les yeux afin de connaître l'endroit où une bête de grande taille venait de succomber. La ronde incessante des oiseaux charognards indiquant la localisation de ce type de trésor sans erreur possible.  Au reste, le film Ao montre très bien comment ce type d'évènement avait pu se dérouler.

 

En outre, si les pièges à fosse avaient été utilisés, cela n’aurait pu se faire qu’en été, lorsque le sol était dégelé. En effet, on image mal l’homme de la préhistoire – quel qu’il soit – creuser le sol gelé avec les moyen de l’époque. Reste également le problème du passage. En effet, comment faire tomber « un » animal - et un seul - juste au bon endroit ? Cela relève de la gageure.

Pour le PIP, là encore – précisent-ils – il faut abandonner cette idée. 

Le mammouth ne tombe pas dans une fosse alors que le sol est gelé. 

Le plus souvent, l’homme préhistorique utilisait des milieux naturels propices comme les marécages, les fonds de vallée, afin de piéger les animaux.

 

Voici une vidéo présentant la vie des hommes de la préhistoire, il y a 100 000 ans. Cela devait se passer ainsi ou à peu près … 

 

 

 

 

 

Dernière idée reçue : le mammouth n’était pas plus grand qu’un éléphant d’Afrique

 

Le petit mammouth retrouvé congelé en Sibérie a d’ailleurs bien la taille d’un éléphanteau. Il en est si  proche que l’on pourrait confondre les deux espèces. 

 

Autre site intéressant : 

Le site internet du Muséum national d’histoire naturelle vaut le détour. Il reprend les grandes lignes de son exposition intitulée : au temps des mammouths

 

Pour vous faire une idée plus précise, une vidéo est également disponible. Vidéo de l’exposition :

 

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21 septembre 2011 3 21 /09 /septembre /2011 16:49

Lorsqu’on débute dans l’enseignement, la première affectation rime rarement avec calme, écoute, bref, la classe est peu souvent « modèle ». Confronté aux violences présentes dans la cour, aux bagarres qui se poursuivent parfois en classe, on pare au plus pressé. Le résultat s’apparente à une inflation de discussions. Usant de mots afin de contrer les maux.
On cherche alors des solutions – pour s’en sortir. Et asseoir son autorité.

 

 

On évoque alors le « conseil d’élèves ». Certes, cette solution n’est pas dénuée d’intérêt. Mais le souci du dispositif est son installation (Assez lourde, puisqu’elle nécessite de préciser le rôle de chacun, d’identifier sa nature, son objectif, d’instaurer un tour de parole réglé – pas toujours facile en classe difficile d’organiser le changement des rôles -  « tour de rôle », etc.) Bref, cette pratique appelle des règlements, une gestion de la classe assez lourde et dévoreuse de temps.
Une autre solution souvent évoquée est celle de :

 

La boîte à « bagarre »

 

La boîte à « bagarre » est une idée de Philippe Meirieu (En est-il l’inventeur ?), préconisée lors d’une émission radiophonique diffusée sur Europe 1 en 2000. Ce dernier lutte contre la violence par divers moyens.

 

 


De quoi s’agit-il ?

Il s’agit d’une boîte à chaussure, toute simple. L’élève y glissera un courrier au sein duquel il aura pris soin de noter ce qui s’est passé dans la cour, en classe. Le courrier sera, ensuite, lu et commenté par les élèves.

 

Quels sont les avantages de cette boîte (non pas - à mon sens - à bagarre) mais à réconciliation ?  

 

La boîte à réconciliation :

 

P1000528.jpg 

Premièrement, la mise en place est pratique, rapide et ultra simple.

Deuxièmement, ce dispositif engendre une mise à distance du conflit.

Une mise à distance de l’élève au regard de l’événement vécu :  puisque ce dernier se doit de le rapporter par écrit.

 

Or s’éloigner de l’événement, le superviser, l’étudier est primordial. En effet, aborder l’événement frontalement, c’est souvent tomber dans des discutions sans fin. Parler, répondre, encore parler… à brûle pourpoint, sans réflexion, et ceci - bien souvent – non seulement ne permet pas de désamorcer les conflits mais ajoute de l’énervement au stress.

Élisabeth Bautier et Patrick Rayou, dans un livre consacré aux inégalités d'apprentissage, explicitent fort bien ce mécanisme. Si, insistent-ils, « Le minimum de « surplomb » pour comprendre les enjeux d'apprentissage ne sont pas assurés. (Alors)  L'enjeu cognitif disparaît au profit d'une inscription dans le seul « ici et maintenant » de ce qu'ils sont en train de faire. » (1)  Or, nous, enseignants, savons combien il est difficile de lutter contre le « Tout, tout de suite. », le « je veux, maintenant », bref le sentiment de toute puissance régulièrement rencontré chez les élèves les plus difficiles.  Les chercheurs ajoutent, se plaçant toujours du côté des apprentissages : « Cette manière d'être au travail scolaire est au demeurant potentiellement efficace dans l'instant et cette efficacité relative maintient l'opacité pour l'élève comme pour l'enseignant observant l'élève, quant à la nature réflexive et cognitive du travail attendu. » (1 bis)  

 

En réalité, à agir ainsi, on tombe souvent dans des discussions sans fin. On en reste au domaine de l’émotion. On s’en tient à un dispositif de comportement reflex (parole – réponse), peu constructif. C’est le  « genre conversationnel »(2). C’est-à-dire un dialogue où « les énoncés s'enchaînent les uns aux autres sans maintien d'un objet stable »(3), un imbroglio.
 « Dans le discours oral, l’énonciateur, confirme Michel Brossard, est pris dans le flux de l’énonciation ; il n’existe qu’une distance minimale entre l’énonciateur et son énoncé. »(4) En outre, l’échange verbal a aussi pour fonction d’assurer l’appartenance à un groupe. Le langage (5) est vecteur de communication, de socialisation. Il peut donc être valorisant de participer, de dire quelque chose, de s’exprimer afin de renforcer les liens communautaires, de se rattacher au groupe classe, quand bien même la remarque se trouve en décalage avec la situation, ne correspondent en rien aux attentes du maître ou aux objectifs de la séance.

Le but est donc de favoriser la prise de conscience des relations qui lient les choses entres-elles, de générer une position de surplomb, facilitant la compréhension et le raisonnement. De favoriser l’instant de répit, - l’entre-deux – l’interstice – le décalage d’où va surgir la pensée.

Le but est de créer le recul nécessaire à l’émergence de la réflexion. Puisque « Les élèves qui réussissent à l'école savent mettre en œuvre cette capacité à construire des liens ». (6) martèlent  Elisabeth Bautier et Patrick Rayou non sans fermeté.

Le courrier n’étant pas lu le jour même, dans le « feu de l’action », mais sa lecture étant différée dans le temps, cette mise en retrait est imposée de fait. Cela suscite l’étude de l’événement de plus loin, de plus haut. La lettre saisie, transformée, interprétée va favoriser l’élaboration de processus intellectuels complexes.
On peut enfin « se saisir du monde ».

 

Enfin, la boîte instaure un cadre nécessaire (Je reviendrai sur cette nécessité de cadre.).
La lecture du courrier étant ajustée - par l’enseignant - en fonction du nombre de conflits et du nombre de pages. L’enseignant peut s’organiser et régler cette pratique en fonction des besoins et des disponibilités des élèves (en concertation avec eux ou non). Ce dispositif peut être une aide à la construction d’une relation de confiance réciproque entre l’enseignant et l’élève

 

 

____________________________________________________________________________________________

 

1 Élisabeth Bautier Patrick Rayou, les inégalités d'apprentissage, PUF, France, 2009, p 117.
1 bis Ibid , p 117.
2 Élisabeth Bautier Patrick Rayou, les inégalités d'apprentissage, P 113
3  Ibid.
4  Michel Brossard, Op. Cit. P 80.
5  Roman Jakobson a mis en lumière la fonction phatique du langage.
6 Élisabeth Bautier Patrick Rayou, les inégalités d'apprentissage, P 111.

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18 septembre 2011 7 18 /09 /septembre /2011 09:37

« Chacun de nous est unique, exceptionnel. Il ne reproduit aucun de ses parents ou de ses ancêtres. Il est le résultat d’une création et non d’une reproduction. »
Albert Jacquard Moi et les autres, initiation à la génétique, (Point, Seuil, P 26). 

 

Contrairement à certaines idées reçues, les gènes et le milieu dans lequel nous baignons, affirme Albert Jacquard, additionnent leurs effets.

C’est la raison pour laquelle, nous sommes tous si différents. Raison - entre autre - pourquoi nous n’entendons pas toujours les mêmes choses - quand bien même parlons-nous la même langue et utilisons-nous les mêmes mots.

 Afin d’éclaircir notre lanterne, prenons un exemple concret, par exemple pensons au substantif « Cheval ».

Pour certains, le nom cheval peut exprimer l’idée de liberté, de fougue, de photo vue dans un livre, bref fait référence à quelque chose d’abstrait mais néanmoins positif.

 

 

Pour d’autres, encore, le nom cheval pourra évoquer l’idée de chute, d’accident, le fait de se cabrer, bref engendrera une idée concrète et/ ou négative.

 

Un mot se charge au cours du temps de connotations, c’est-à-dire qu’il contient des significations affectives, des références personnelles, en gros il est plein de références diffuses. Pour les uns, le cheval, c’est de la bidoche. Pour le parieur, ce sera un gain possible ou une perte. Chacun sait des choses différentes... Le boucher en connaît plus sur son anatomie  qu’un citadin qui ne s’intéresse pas aux chevaux.
Cette différence d’attributs positifs, négatifs ou neutres – cette variabilité de savoir(s) - affiliés au terme « cheval » peuvent paraître anodins, secondaires, peu importants. Et pourtant, l’idée de chute est une gifle, une blessure, engendre une peur irrépressible... Un risque dont on veut se protéger. On se ferme. On évitera alors toute confrontation à ce phénomène qui inquiète, effraye.

 

A l’inverse, le fervent cavalier recherchera tous les documents, toutes les informations, ayant trait à sa passion.

Dans ces conditions apprenons-nous les mêmes choses ? Partons-nous avec les mêmes sensations, les mêmes expériences et les mêmes savoirs ?

Non.

 

Tintin au poteau

Les attributs et analogies « attachés » aux mots sont variables en fonction des expériences des individus, de ses actions, de son milieu.
Cette idée est centrale puisqu’elle indique que chacun « entend » des choses différentes (donne un sens propre) aux mots, aux paroles, quand bien même ces dernières nous semblent simples, objectives, non ambiguës. C’est ce qui est à l’origine de bien des incompréhensions, voire de  jeux de mots savoureux.  

 Ducharme.jpg 

Claude Ponti joue beaucoup sur ces ambiguïtés propres à la langue.

 

Raymond Devos… était un maître en la matière.
 


Je pense ce que je suis.
(Au regard de ce que j’ai vécu, appris, retenu, etc.)

Einstein disait : 
« lorsqu'on a la tête sous forme de marteau on voit tous les problèmes sous forme de clous »
 a repris Paul Ariès dans l’un de ses articles.

Evidemment, heureusement, comme nous allons tous à l’école, qu’il existe des programmes (non pas TV mais scolaires), que nous baignons tous dans une « culture » véhiculée par les mêmes chaînes de télévision  (utilisant des «  techniques » et accroches du téléspectateur similaires), un certain nombre de nos idées, pensées et idées reçues nous sont communes. C’est la raison pour laquelle les lieux communs ne se voient pas, puisqu’ils nous semblent évidents à tous.
François Jullien parle « d’impensés ». Ce dernier travaille à partir de la pensée chinoise – différente de la nôtre en bien des points – afin de déceler les lieux communs qui nous submergent à force d’en être baigné, les structures qui nous constituent. Montaigne avait conscience d’être catholique comme on est périgourdin. Bref, d’être forgé par sa culture, son « milieu ».
C’est la raison également pour laquelle, nous pouvons nous « entendre ».  

 


Nous sommes donc « modelés » par notre expérience. Ce que nous « comprenons » du monde qui nous entoure n’est identique de l’un à l’autre mais constitue une interprétation.
Nous interprétons le monde qui nous entoure en fonction de nos expériences, de nos recherches, de notre curiosité, de notre confrontation aux savoirs.

D’une manière plus générale, « … aucune connaissance n’est imposée au sujet par la réalité matérielle elle-même ; toute connaissance dépend du point de vue à partir duquel on aborde l’objet à connaître, lequel point de vue est déterminé lui-même par les pratiques dans lesquelles est impliqué le sujet connaissant. » nous révèle le chercheur au CNRS (UMR Lire) Yves Citton (1)

Tout au long de notre vie, la définition des mots, se modifie, se renforce, se « bricole » en fonction de nos rapports au(x) savoir(s) et à la culture. Raison pourquoi, un savoir non renforcé, non travaillé, non rappelé, non interrogé, s’oublie ! (2)

C’est ce qui fait dire à Albert Jacquard :

 « On n’ « est » pas intelligent, on le devient ;
… il est très facile de ne pas devenir intelligent, la recette est simple : s’assoupir dans la passivité des réponses apprises, renoncer à l’effort de formuler ses propres question ;
… devenir intelligent… c’est se créer soi-même. » ( Opus cité P 123).

 

Comment effacer quelque peu, gommer cette ligne de partage qui sépare - au fil des années – le savoir, les acquisitions des élèves en fonction de leurs expériences, de leurs lectures, de leur milieu ? 
Réponse : Différencier.

 

Il existe certainement une foultitude d’arguments favorables à la différenciation, en voici quelques-uns :

 

Différencier, c’est « essayer », tenter par tous les moyens de « raccrocher » les élèves qui n’ont pas le même vécu, pas la même approche du savoir - les décrocheurs - au train du savoir. C’est partir d’un même album – exigeant, adapté à l’âge -  mais en différencier les exercices afin de tenter de s’adapter au mieux aux acquis de chacun (sans baisser les exigences).
Différencier, c’est aussi faciliter le travail de l’enseignant – qui ne peut se partager à l’infini. Puisque s’occuper d’un groupe, c’est forcément laisser les autres en « autonomie » - au risque de voir ceux qui en manquent justement sans accompagnement… Chose, qui, au fil de temps ne manquera pas d’accroître encore  les écarts entre les élèves.
Partir d’un même point de départ permet également de conserver cette structure de « groupe » si importante à la cohésion de classe, à la cohérence des apprentissages.

 


 


1 Yves Cittons, L’avenir des humanités, la découverte, Paris, 2010, p 29.
2 J’en expliciterai plus tard les mécanismes dans un article consacré aux travaux de Stanislas Dehaene (psychologue cognitif et neuroscientifique).

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17 septembre 2011 6 17 /09 /septembre /2011 13:22

akli.jpg

 


 

Akli cp 01

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Présentation

  • : Le chêne parlant
  • : L'éclectisme au service de la pédagogie & L'art de suivre les chemins buissonniers. Blogue de Virginie Chrétien chrétien. Maître formatrice en lien avec l'ESPE de Lille. Rédactrice chez Slow Classes. Partenariat : philosophie Magazine. Écrivaine : La 6ème extinction - Virginie Oak.
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Introduction.

L’éducation, dans son étymologie même, c’est : «Educere, ex-ducere, c’est conduire « hors de » rappelle le philosophe Henri Pena-Ruiz dans Le Philosophoire. Charles Coutel parle quant à lui d'[Educarea] ēdŭcāre ‘prendre soin de l’ignorance de l’élève’. "Le rôle de l’éducation - dit-il - c’est de me disposer à mon humanité en moi grâce à mon instruction." Ecoutons George Sand… « Mes pensées avaient pris ce cours, et je ne m'apercevais pas que cette confiance dans l'éducabilité de l'homme était fortifiée en moi par des influences extérieures. » George Sand, La mare au diable, Folio Classique, 892, P 37. Ce blogue se propose de partager des outils pédagogiques, des moments d'expériences, des savoirs, des lectures, de transmettre des informations relatives à la pédagogie ordinaire et spécialisée, des idées d’activités dans les classes allant du CP au CM2 en passant par la CLIS. Enfin, on y trouvera aussi quelques pensées plus personnelles. « Notre savoir est toujours provisoire, il n'a pas de fin. Ce n'est pas l'âge qui est le facteur déterminant de nos conceptions ; le nombre de « rencontres » que nous avons eues avec tel ou tel savoir l'est davantage, ainsi que la qualité de l'aide que nous avons eues pour les interpréter... » Britt-Mari Barth, le savoir en construction. ________________________________________________________________________________________________ 1 Le Philosophoire, L’éducation, n° 33, P16 2 P 52, Britt-Mari Barth – Le savoir en construction – Retz – Paris – 2004 – Isbn : 978725622347

Contributions et Partenariats.

Contributions gracieuses : Magazine Slow-classes. Numéro 1 Faire Mouche en géométrie et 2. Le moulinet à vent : mettre des mathématiques dans les voiles. ....... SLOW CLASSES : Slow Classes __________________________________________ Partenariat gracieux Philosophie Magazine. Philomag ________________________________________

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