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17 mars 2012 6 17 /03 /mars /2012 15:00

« Dieux, souverains des âmes, Ombres silencieuses,

Dante-et-Virgile-au-Enfers--Dante-and-Virgil-in-Hell--By-Bo.jpgChaos et Phlégéthon, lieux muets étendus dans la nuit,

 permettez-moi de dire ce que j'ai entendu, accordez-moi de révéler

les secrets enfouis dans les profondeurs obscures de la terre. »

Virgile.

ÉNÉIDE, LIVRE VI

LA DESCENTE AUX ENFERS

Arrivée dans le monde souterrain (6, 264-425)

Invocation - Vestibule lugubre (6, 264-294)

 

Dante et Virgile par William-Adolphe Bouguereau (1850).

 

 

« Ils ont voulu abolir toute supériorité au-dessus d’eux

et ils retrouvent la majorité, 

la masse et le poids de leurs semblables. »

Alexis de Tocqueville

(Lucien Jaume, de mémoire). 

 

Pourquoi se dresser, se relever lorsqu’on  travaille tranquillement ses abdominaux, un dimanche de janvier ?

 

Eh bien… lorsqu’on entend Michel Serre parler de pédagogie en ces termes : 

       «Il faut changer la pédagogie et les institutions… affirme le membre de l’Académie Française, dans ‘Les Retours du dimanche’. Il ajoute : Si la société du savoir existe…  Si chacun – en effet - est porteur de certains types de savoirs de jugement, etc.

 Il faut renverser  tout simplement le vecteur enseignant – enseigné. 

Avant : il y avait du savoir qu’on enseignait à quelqu’un qui est ignorant

Aujourd’hui mes étudiants ne sont pas ignorants. Il suffit qu’ils aient regardé sur Internet ou sur Wikipédia le sujet que je vais expliquer pour qu’ils soient à égalité avec moi. Par conséquent, la pédagogie est en train de se renverser. Et c’est vrai que beaucoup de mouvements sont en train de se créer pour ça… Et ça crée un nouveau monde… »

 

Bon ; ni concentrée, ni motivée sur mes exercices, je me relève... Voilà ce qui arrive lorsqu’on a eu la flemme d'aller à la salle de gym.

 

Je reprends :

Ce discours d’apparence banale, sans danger, l’est-il vraiment ? 

Outre un postulat de base évidemment faux  - hier comme aujourd’hui - les élèves n’ayant jamais été ‘ignorants’ (Ces derniers – de tout temps – ayant été traversés de leurs expériences, de leurs explorations personnelles, de leurs lectures passées, de leurs pensées.), parler d’un renversement d’un rapport enseignant – enseigné, pire en appeler à ce qu’il se produise, n’est pas sans conséquences. 

En vrac : des élèves percevant de moins en moins les enjeux de l’école. 

Des parents renversant et intervertissant les rôles des acteurs éducatifs. 

Une société  de plus en plus négligente, en position de défiance voire de mépris vis-à-vis de ses institutions. 

 

Exagération ? 

      Petite vidéo dont j’apprécie l’humour – en toile de fond – la conclusion reprend la même thèse d’élèves en position d’égalité avec les savoirs du maître. Savourez plutôt :

 

Le monde change, paraît-il - Clip 1 - "Nouvelles Pédagogies - Nouvelles Technologies"

 

 

Creusons le propos.

Suffirait-il de « chercher » des informations sur Internet pour « savoir » ? Croire que tout se vaut, serait-il un signe des temps ?

 

Qu’est-ce qu’enseigner ? … 

                           Question épineuse.  

      Bien sûr, la dimension de la transmission des savoirs - incontestablement - est prépondérante.

 

Mais il existe plusieurs écueils au sein desquels il s’agit de ne pas tomber. Je me fais l’écho ici de trois d’entre eux (Il en existe au moins un quatrième - celui de la construction « socio-cognitive ».) Bien évidemment cette typologie m’appartient et saura – je l’espère – faire l’objet de discussions constructives.

 

1) La figure de Charon, le passeur d’âmes. Passer des savoirs sans autre forme de procès.

      Comparer l’enseignement au franchissement du fleuve marécageux de l’ignorance qu’il se nomme Styx, Achéron ou Cocyte est réducteur bien sûr. 

      « Que veulent ces âmes ?

Pour quelle raison celles-ci quittent-elles la rive ?

tandis que celles-là balaient de leurs rames les eaux livides ? »

 

Les âmes (celles des élèves, bien sûr) veulent passer – atteindre l’autre rive - et payent leur obole d’une pièce placée sous la langue.

Le Nocher des enfers, Charon – homme fier, sombre, lugubre - les aide à traverser le monde souterrain. Avec, lui, aucune surprise. On parvient toujours à destination, « sain et sauf », ou presque. Au silence sec du passeur, s’ajoute la frayeur du « passé » plus mort que vif.

 Joachim-Patinir--1524--Madrid--Prado--Charon-traversant-le-.jpg

      La traversée est sans saisissement – dénuée de fulgurances.

« ceux que transporte la rivière sont les inhumés. ». 

« Ici, c'est le royaume des ombres, du sommeil et de la nuit qui endort :

transporter dans la barque stygienne des corps en vie est interdit. »

 

Montaigne, quant à lui, préfère à l’idée l’endormissement, celle d’étouffement. 

Dans un chapitre lié au pédantisme – ce dernier montre combien les connaissances accumulées ne sauraient constituer des « savoirs », de la pensée. Un danger se profile, celui de l’acquisition de connaissances accolées les unes aux autres, accumulées, lesquelles peuvent bien « meubler la teste de science ». Rien à voir, donc, avec un questionnement constructif.

Un trop plein d’huile – suggère Montaigne  - pouvant « étouffer » la flamme et d’éteindre la lampe.

      Bref, il ne suffit pas de lire, de nous « imprégner » des idées des autres, encore faut-il les faire nôtre. Comme Montaigne nous le conseille, il nous faut acquérir des connaissances mais encore s’agit-il de « gouster les choses, [de] les choisir et discerner ».

 

      2) La figure du « Karaté Kid » ou l’apprentissage par l’action.

 

Les exercices peuvent faire des miracles – bien sûr. L’exercice est nécessaire, voire primordial. 

la-philosophie-du-karate.jpg

      Mais là encore – faire des exercices – s’exercer ne suffit pas.

Bernard Stiegler explique combien : « L'esprit de la grande majorité des hommes se développe de façon nécessaire et au contact de ses activités quotidiennes. Un homme qui dépense toute sa vie à exécuter un petit nombre d'opérations simples n'a pas l'occasion d'exercer sa raison […] En général, il devient aussi stupide et ignorant qu'il est possible de l'être pour une créature humaine […]. (1) » (2) 

 

D’abord parce que nous avons du mal à « voir » ce qui se trouve sous nos yeux. 

Les idées les plus simples nous échappent. On peut étudier de près l’anatomie des batraciens et pourtant penser que le crapaud et la grenouille appartiennent à une même espèce, l’un étant mâle, l’autre femelle.  

« Comme il m'est difficile de voir ce que j'ai sous les yeux » reconnaît avec justesse Wittgenstein dans ses remarques mêlées, éditées en 1940 : 

« Les aspects des choses qui sont les plus importants pour nous sont cachés à cause de leur simplicité et de leur familiarité » (Recherches philosophiques, I). »(3) 

      Nous ne « conscientisons » pas, nous ne réalisons pas nos erreurs

Les élèves, combien de fois s’exercent-il à différencier « et » de « est » ? Combien d’années durant ? Et pourtant, la plupart du temps, dès qu’il s’agit d’écrire… L’envie de raconter une histoire prend le dessus et les erreurs basiques (accords du nom en genre, accords du verbe)  foisonnent.

 

Ce phénomène trouve son explication en 2 causes évidentes :

1) L’élève met toute sa concentration dans l’écriture, laissant de côté le reste.

2) L’exercice systématique (qui a son utilité) est un type de travail dont la logique « réflexe » n’est pas du même ordre – voire est complètement contradictoire – avec l’exercice d’écriture.

 

La plupart du temps nous croyons voir – ou savoir – des choses, alors que l’essentiel nous échappe. Ce n’est souvent que par l’intermédiaire d’un tiers, de l’autre, d’autrui, que nous sommes en mesure de « Réaliser »…  François Jullien, par l’emploi de ce verbe, apporte un nouvel éclairage, une précision, une remarque qui nous fait avancer, cheminer, méditer, sur la question. Réaliser, développe-t-il,  « est plus précis que le simple « prendre conscience » (qui vaut aussi pour la connaissance) : réaliser , c'est prendre conscience, non pas de ce qu'on ne voit pas, ou de ce qu'on ne sait pas, mais au contraire, de ce qu'on voit, de ce qu'on sait, voire de ce qu'on ne sait que trop – de ce qu'on a sous les yeux; réaliser, autrement dit, c'est prendre conscience de l'évidence »(4). 

 

En gros, pour générer du savoir, encore faut-il être en mesure d’objecter, d’acquiescer, de rebondir, d’approfondir, de rechercher, de laisser, de choisir. 

 

Entrer dans le monde du dragon… 

 

Cédric Villani explique comment il s’y prend pour sortir du « cadre ordinaire » des mathématiques.  inattendues : «  Moi, je suis plutôt au milieu, au cœur de la fourmilière avec des extensions efficaces. Je trouve des connexions entre les questions qui ne semblent pas en avoir. J’ai pris plusieurs embranchements inattendus, au gré des rencontres avec des matheux travaillant dans d’autres domaines. Il faut être curieux, tenace et imaginatif. »

Pour Dewey, « apprendre veut dire apprendre à penser », la compréhension et le raisonnement expliquent l'apprentissage. En d'autres termes, « l'éducation intellectuelle consiste à former une pensée réfléchie. » Britt-Mari Barth, p 33.

 

Or, de toute évidence, « Fortifier son jugement » s’apprend. 

La notion d’appropriation (oikeiôsis en grec, conciliatio en latin) permet de comprendre le paradoxe d’un jugement qui se développe lui-même à partir des pensées d’autrui.

 

Mais si penser, c’est faire des choix, remettre en cause, Sur quels savoirs peut-on s’appuyer ? Que peut-on croire ? 

Faut-il douter de tout ?

 

3) La figure de l'« inception » le « pyrrhonisme » - soit l’esprit critique poussé jusqu’au doute généralisé.

 

Tout remettre en doute - ne plus croire en rien ?

      Nous avons besoin – pour pouvoir penser – de nous appuyer sur des « propositions pivots » dans le sens de Wittgenstein. 

« Une « proposition pivot » nous explique la sublime Adèle Van-Reeth, c’est-à-dire des choses auxquelles on a besoin de croire pour pouvoir avancer dans la connaissance et dans la certitude. Il y a des choses que l’on doit tenir pour acquises sinon on ne peut rien savoir, on ne peut rien dire. »  Nous avons besoin de nous appuyer dessus – ajoute Jocelyn Benoist - pour avancer.

Pour faire simple, ce sont des critères solides à partir desquels on va pouvoir avancer.

Etienne Klein (cf article consacré au discours scientifique) dénonce l’idée d’une science associée au doute (toujours remise en cause donc  relative et contestable...). La science n’est pas le doute - précise-t-il non sans agacement - la recherche, c’est le doute. 

Il est absolument indispensable de bien distinguer ‘La science’ de ‘La Recherche’. 

Le savoir scientifique ayant été fondé par le temps, vérifié, validé par un groupement d’experts est extrêmement stable, vérifiable et toujours en prise sur les choses dans le contexte dans lequel il est utilisé. Pensons à la théorie de la relativité d’Einstein. 

 

Pour autant, cette dernière n’est plus transposable dans le monde de l’infiniment petit. Lequel microcosme met en avant des principes propres à la Physique Quantique.  

Faut-il pour autant invalider la découverte d’Einstein ?  

Bien sûr que non. 

C’est là que la recherche entre en jeu. La recherche, c’est la dimension qui nous manque. C’est le jeu qui permet d’ouvrir l’espace, de pousser plus loin les savoirs, d’atteindre une « hauteur de vue ». Elle produit du nouveau à partir de l’ancien. Elle se vit comme un enrichissement, une amélioration, une ouverture, et non tel un enfermement ou la négation de tout. 

Au lieu d’être dans une limite – dans le blocage de ce qui est systématiquement remis en question – ‘La Recherche’ renvoie à la vérification, au dépassement, à l’exercice d’une pensée critique, cette dernière transcende les paradoxes. 

Le but est d’être attentif, d’essayer de s’arracher aux pensées usuelles communes mais non pour les nier – les biffer – mais pour en trouver les erreurs, en déterminer les limites. 

 

C’est la figure de ‘l’Inception’, celle où le rêve est réalité où la réalité devient rêve. Un monde où l’on ne peut croire en rien, où l’on se perd. 

 

      « Toute vie humaine périrait forcément si ces principes [doute généralisé – scepticisme extrême] devaient universellement et fermement prévaloir. Tout raisonnement – toute action – cesseraient aussitôt. Et les hommes resteraient dans une totale léthargie jusqu’à ce que les nécessités de la nature n’étant pas satisfaites mettent fin à leur misérable existence. » Enquête sur l’entendement humain – David Hume. 

 

Le doute absolu est l’envers de la certitude absolue – au fond appartiennent au même état d’esprit, lequel est un rapport d’une pauvreté effroyable au monde.

 

Conclusion : 

      Le regard du maître diffère de celui de l’élève ou de l’étudiant.

      Il dispose d’un solide socle de connaissances et ne se laisse pas imposer n’importe quoi. Sa pensée s’inscrit dans ses lectures, son expérience, ses analyses – son esprit critique. Pour Jean-Pierre Astolfi (spécialiste des sciences), une grande part de l’apprentissage passe par cette prise en compte de nos erreurs. L’enseignant a repéré l’essentiel des écueils dans lesquels l’élève ne doit pas tomber – quand bien même certains  peuvent lui échapper. 

 

Tout le savoir qu’il a accumulé, il va s’en servir afin de « guider » l’élève. Il interagit en permanence avec ce dernier. Il s’agit pour le professionnel de reconstituer le chemin de la personne qui erre – de chercher les erreurs qu’il a commises ou qu’il peut commettre – de lui « enseigner » non pas seulement des savoirs mais le sens des savoirs. Et pour ce faire, l’enseignant sait non seulement où il va mais où il veut en venir. 

 

Si l’enseignant entretient avec son élève une relation de « proportion » (150) . C’est à dire qu’il sache se mettre à la portée de son élève (condition pour que la confrontation des jugements soit profitable, et pour qu'un dialogue soit possible.) Le principe de l'enseignement n’est pas renversé  pour autant : les savoirs de l’élève ne « valent » pas ceux du maître. Le professeur a fait preuve de compétence  pédagogique c’est-à-dire à fait montre d’une aptitude professionnelle à se « ravaler pour s’accomoder à sa force » de son élève. Ce qui est – au reste – le minimum de psychologie nécessaire à l’exercice de l’enseignement. 

 

Comprendre, c’est négocier le sens. 

C’est la raison pour laquelle l’instruction a  toujours été très importante. 

Dans cette vidéo, on voit Michel Serres expliquer ses thèses, s'appuyer sur ses savoirs …

Il montre combien le langage, les cultures, les mœurs ont changé. 

 

 

L'un de ses étudiants en serait-il capable ?

 

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(1) Montaigne in (SKOLE - Montaigne, la charge du gouverneur).

« un conducteur qui eust plustost la teste bien faicte que bien pleine, et qu'on y requit tous les deux, mais plus les meurs et l'entendement que la science; et qu'il se conduisist en sa charge d'une nouvelle maniere. On ne cesse de criailler à nos oreilles, comme qui verseroit dans un antonnoir, et nostre charge ce n'est que redire ce qu'on nous a dict. Je voudrois qu'il corrigeast cette partie, et que, de belle arrivée, selon la portée de l'ame qu'il a en main, il commençast à la mettre sur la montre, luy faisant gouster les choses, les choisir et discerner d'elle mesme : quelquefois luy ouvrant chemin, quelquefois le luy laissant ouvrir. Je ne veux pas qu'il invente et parle seul, je veux qu'il escoute son disciple parler à son tour. »

Michel de Montaigne, Essais, I, 26, 150 A

Marc Foglia explicite ce qu’il faut entendre par « science » chez Montaigne : ce sont des savoirs déjà constitués, institutionnalisés, transmis par les maîtres et mémorisés par les élèves.

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(1) Bernard Stiegler, La télécratie contre la démocratie, champ essais, 2006 et 2008, isbn 978-2-0812-1782-9. A propos d’Adam Smith, Wealth of Nation, I , chap. 1, art. 2.

(2) Bernard Stiegler, La télécratie contre la démocratie, champ essais, 2006 et 2008, P 227.

(3) François Jullien, La Philosophie inquiétée  par la pensée chinoise, opus seuil, Paris 2009, ISBN : 978-2-02-096742-6 ,  P 119.

(4) François Jullien,  Op. Cit, P 128-129.

 Les nouveaux chemins de la connaissance : Wittgenstein, le devoir de génie

Les retours du dimanche, une émission d’Agnès Chauveau, Nicolas Truong, diffusée sur France Culture Année indignée, 2012 année de tous les dangers. 01.01.2012 - 17:00…

 

 

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Virgile, Enéide, VI, 295 – 304


Hinc via Tartarei qua fert Acherontis ad undas.

Turbidus hic caeno vastaque voragine gurges

aestuat atque omnem Cocyto eructat harenam.

Portitor has horrendus aquas et flumina servat

terribili squalore Charon cui plurima mento

canities inculta iacet, stant lumina flamma,

sordidus ex umeris nodo dependet amictus.

Ipse ratem conto subigit velisque ministrat

et ferruginea subvectat corpora cumba

iam senior, sed cruda deo viridisque senectus.

 

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Ici un gouffre aux eaux fangeuses, agité de vastes remous

bouillonne et crache tout son sable dans le Cocyte.

Un portier effrayant surveille ces eaux et ces fleuves,

Charon, d'une saleté repoussante, au menton tout couvert

de poils blancs et hirsutes, aux yeux fixes et ardents ;

un manteau sordide, retenu par un noeud, pend de ses épaules.

 

À l'aide d'une perche, il pousse son radeau, manoeuvre les voiles,

et transporte les corps dans sa barque couleur de rouille ;

assez vieux déjà, mais de la vieillesse vive et verte d'un dieu.

 

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Inception :

 

 

« Les rêves semblent vrais tant qu’on est dedans, ce n’est qu’au réveil qu’on réalise ce qu’il y avait dedans. »

« Le rêve est en train de s’écrouler. » 

Méfiez-vous des stages à pourvoir…

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HUMOUR :

 

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29 janvier 2012 7 29 /01 /janvier /2012 07:43

                                                                               « Qu'y a-t-il pour toi de plus humain ?
- Epargner la honte à quelqu’un. »
Nietzsche, aphorisme 274 du Gai savoir.

 

 « Les courageux ne sont pas, en ce sens, « conformes ».
 Ils ne se conforment pas à l’idée que l’on se fait d’eux. » P 104
Le courage est sans victoire
Cynthia Fleury.


Le bonheur est une construction fragile, laquelle n’est pas à l’abri des glissements de terrain. L’édifice familial présente des fragilités, en effet. Elles se nomment « normalité », « différence », « atypisme ». L’angoisse engendrée par tout ce qui n'entre pas « dans la moyenne » d'une « classe d’âge » - bref, le « hors norme » - ébranle bien des fortifications.

 

Daniel Tammet, le bonheur, il ne le connaît pas « naturellement ». Ses fragments de vie sont des tessons éparpillés au sol. Sa liberté, il a dû la gagner, explique-t-il non sans fierté. « Je gagne mon pouvoir d’être comme tout le monde. »
 

 

 

"Je gagne ma liberté. Je gagne le pouvoir d'être moi-même."


Le syndrome dit « Asperger » dont souffre Daniel Tammet, est associé généralement au terme de « savant » ou encore de « haut niveau ». Utiliser ce type de vocable est clivant - voire détestable – ça va sans dire. Qui dit de haut niveau – suppose en contrepartie – l’existence de bas niveau, de rebus, de « non savants ».

Si l’expérience de Daniel Tammet est intéressante, c’est pour des raisons strictement inverses de celles recherchées par les vendeurs de lessives,  les gueux du savoir qui se jouent de la différence, l’instrumentalisent, afin d’en faire un objet « hautement lucratif ».
Ceux-là même qualifiant les autres asperger de médiocres, collent à Daniel Tammet (et seulement lui puisque - disent-ils - il ferait partie des 100 plus grands esprits du siècle !) l’étiquette de « génie », de "brillant", affirment qu'il a un "don", le transforment donc en bête de foire.

« Un phénomène » un personnage atypique – non conforme – hors norme, tout de même capable - excusez du peu - de réciter 22 500 décimales de pi.
 

 

Daniel Tammet confirme combien le particularisme – quel qu’il soit – ne relève pas tant d’une question de nature que de degré. Il précise :« les pensées d’un autiste ne sont pas différentes de celles d’un individu normal. Elles sont seulement une forme extrême de celles-ci. En inhibant temporairement certaines activités cérébrales – la capacité de penser contextuellement, ou conceptuellement, par exemple. » (1) P 59. 

 

Petit, Daniel Tammet a d’abord vécu le rejet des autres, les moqueries. Il a senti sa différence. « Certains enfants de la cour de récréation venaient me trouver pour me taquiner en imitant ma main qui battait et en se moquant de moi. ». (1) p 105.

 

Heureusement, ses parents l’ont vaillamment soutenu.

 

Daniel Tammet était un enfant – difficile – dormant peu - pleurant beaucoup. Pourtant, lors de crises, ses parents le mettaient dans une couverture et le berçaient des heures durant.

 

 

 

« Mes parents n’aimaient pas que je sorte seul. Aussi, je collectais les marrons avec mon frère Lee. Je n’avais rien contre,  c’était une paire de mains supplémentaire. Je prenais chaque marron entre mes doigts et je pressais sa forme lisse et ronde contre le fond de ma paume ( une habitude que j’aie gardée aujourd’hui – le toucher agit comme un calmant, même si aujourd’hui j’utilise plutôt la monnaie ou des billes). Je remplissais mes poches de marrons, un par un, jusqu’à ce qu’elles soient pleines et gonflées. C’était comme une compulsion, je devais collecter tous les marrons que je pouvais trouver et les rassembler tous ensemble à un endroit. » p 82  (arbre-monde)

« Une fois dans ma chambre, je répandais tous les marrons sur le sol de ma chambre, les comptais et les recomptais. Mon père arrivait avec un sac poubelle et m’aidait à les compter. » P 83 :

 

Les parents du petit Tammet ne se sont pas contentés de l’observer, ou de compatir, non ils ont agi avec force et courage. Car il est bien là le courage : c’est la capacité de pouvoir affronter au quotidien des difficultés incommensurables. Le courage explique Cinthia Fleury « comme la justice est un acte sans capitalisation possible… l’ennemi du courage est le découragement… Le courage est sans victoire. » p 34

 

 

 

"Grandir, ça n'est pas du court terme."

"Je vois une foule innombrable d'hommes semblables et égaux qui tournent sans repos sur eux-mêmes." Tocqueville.

Se préparer à l’âge adulte, à la pleine possession de ses moyens…

Ma partie, c'est les pratiques...

 

 

« Un jour, ma mère me demanda de fixer un point – une clôture, un arbre ou une maison – au loin et de marcher sans le quitter des yeux. Cette astuce simple m’aida à garder la tête haute et dans les mois qui suivirent, ma coordination s’améliora beaucoup. Je cessai de tout heurter sans cesse et mon assurance devint plus grande. » P 117

 

Cette astuce trouvée par sa mère paraît « ordinaire » - toute bête – voire anodine. Il n’en est rien. Ce simple geste a certainement joué un grand rôle dans les progrès de Daniel Tammet. Il existe donc – des techniques – des recettes - des coups de pouces susceptibles de modifier la vie de celui qui les met en application.

 

Ainsi, ce sont ces mêmes parents qui lui ont permis d’entreposer des livres dans sa chambre. Des livres et des livres formant des piles qui – parfois – s’écroulaient.

 

C’est son père encore qui l’a conduit toutes les semaines dans un club de jeu d’échecs.

« J’étais paniqué par l’eau, paniqué à l’idée d’être enfoncé sous elle et de ne pas pouvoir remonter à la surface. »
p 117

 

Indénablement ses parents – comme ceux d’Alexandre Jollien – l’ont aidé à garder la tête haute (1) p 117. Avec patience, courage,abnégation, ils ont soutenu, porté leur enfant.

 

"Nous sommes fiers de toi." aimaient-ils à répéter.

 

« Les courageux ne sont pas […] « conformes ».
Ils ne se conforment pas à l’idée que l’on se fait d’eux. » (2) p 104.


Si Daniel Tammet a pu écrire « J’ai gagné ma liberté, j’ai gagné mon pouvoir d’être comme tout le monde… » au-delà de ses propres efforts (considérables et remarquables), c’est aussi grace à ses parents et à tous ceux qui l'ont soutenu.

 

Ils l’ont aidé à apprendre à «nager » à ne plus être – telle l’expression Deleuzienne - à « la merci de la vague ».

   

Aujourd'hui Daniel Tammet est écrivain et il développe différentes méthodes d'apprentissage des langues. 

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(1) Daniel Tammet – Je suis né un jour bleu – j’ai lu -2007 – paris – isbn : 9782290011430
 (2) Cynthia Fleury, La fin du Courage, Fayard, 2010, ISBN : 978-2-213-65162-0

 

 

 

 

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Sites

 

 

La Livrophile.net... Lire ne nuit pas à santé !

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14 janvier 2012 6 14 /01 /janvier /2012 07:59

« Regarder d’en haut, c’est regarder les choses avec détachement, distance, recul, objectivité, telles qu’elles sont en elles-mêmes, en les replaçant dans l’immensité de l’univers, dans la totalité de la nature, sans leur ajouter les faux prestiges que leur prêtent nos passions et les conventions humaines. »

 

Pierre Hadot.

Qu’est-ce que la philosophie antique ?

(1995)


Les sciences, Pourquoi ?

 

Lorsque j’ai passé l’épreuve mémoire du CAFIPEMF, l’un des arguments qui m’a été opposé était le suivant : « On a l’impression – avec vous – que les sciences sont le remède miracle, la réponse à tout. »
Naturellement, vous vous en doutez – ma réponse a été plus que maladroite, lamentable.
Incapable d’évoquer mon travail sur les albums, je me suis jetée tête haute dans les rets du filet. 

(Le stress peut provoquer chez l’individu humain (donc chez l’élève !) des réponses adaptatives assez variées. On peut citer le cas de la totale indifférence ou encore de l’exacerbation des capacités neuronales accompagnée d’un pouvoir de réflexion décuplé ; tel le zèbre qui jaillit des broussailles… Trêve de rêveries… Malheureusement, il existe également une autre réponse physiologique possible : celle de la sidération. La sidération – c’est celle de la girafe qui reste immobile face au prédateur – voire, encore, celle du blaireau qui tombe en catalepsie : un étatMedusa by Carvaggio qui s’apparente étrangement à celui de la mort – lequel s’accompagne généralement d’une odeur exécrable (supposément dissuasive dans le cas où le carnivore affamé tenterait néanmoins de dévorer tout cru la charogne). Pour ma part, vous vous en doutez, j’appartiens à cette dernière catégorie – décomposition totale – black-out de la pensée - effluves en moins. Du moins on l’espère pour le jury…)

 

Evidemment, les sciences ont besoin d’être défendues.

Elles détiennent une qualité, qui se retrouve bien évidemment dans d’autres matières (mais dans une moindre mesure) celle d’être une matière intru-disciplinaire.

        

Qu'es aquò ?

 

J’y viens… 

 

« Les concepts quotidiens se forment spontanément au cours de l’expérience, avec un faible concours du langage »(1) p 53. Reprend Yves Clot à propos des pensées de Vygotski. Pour dire simple : nous serions en quelque sorte « programmés » pour conceptualiser dès la naissance.

 

La chercheuse en sciences cognitives Britt-Mari Barth confirme cette thèse dans un livre consacré à l’apprentissage de l’abstraction : « Quand quelqu’un décide que tels éléments vont ensemble pour certaines raisons, il a formé un concept. » (2) Ce caractère de notre esprit - " naturel" - ou du moins spontané est très avantageux sur de nombreux plans.

Pensée arborescente

 

Ce procédé génère une économie de pensée, permet de gagner en mémorisation, donc de réfléchir plus efficacement.

 

Classer, diviser, trier, compartimenter, voilà des principes efficaces, des procédés commodes, sérieux, rassurants, conformes à la logique. 

  

A l'évidence, l’avantage non négligeable d’abstraire est de pouvoir trier les idées en différents champs, de les classer en différents ensembles susceptibles d'être eux-mêmes enchâssés, croisés, modifiés...

 

 Par exemple, si je dispose de la connaissance :

                                                                     

                                                                       Mammifère


                                                                         carnivore
                

                                                                    Félin -  canidés


                                                                     Chat  - chiens
 

Ces concepts me permettront d'accéder à la complexité du monde plus rapidement, de le rendre intelligible. Si le chat est un mammifère, je sais qu'il a le sang chaud, qu'il allaite ses petits, etc. sans même ne l'avoir jamais vu.

 

De fait... Faire des catégories est une aptitude intéressante.

Et c’est tout le travail de Stanislas Dehaene que de décrypter comment fonctionne ce système.  « Notre système visuel « catégorise » - dit-il -  c'est-à-dire qu’il décide de regrouper des images très différentes en un seul et même objet. » (3)

 

De fait, nous conceptualisons sans cesse, nous analysons de nombreux paramètres afin d’évaluer notre environnement, d’en déterminer les dangers potentiels. Nous émettons des hypothèses, nous jaugeons les risques.

Mais cet avantage adaptatif, cette qualité qui consiste à « intégrer à chaque objet perçu, l’ensemble de ses qualités sensibles »(4) n’est pas sans incidence… « Notre propension à imposer du sens et des concepts inhibe notre conscience des détails qui constituent ces concepts. »(5) p 104. Rappelle Nicholas Taleb. Les glissements sémantiques nous guettent à tous les coins de la pensée. De l’analogie à l’amalgame, il n’y a qu’un pas.  

Ainsi, si elle est inévitable, pour Nicholas Taleb « La catégorisation conduit toujours à minimiser la complexité réelle des choses. » (5) p 43.

 

Le problème n'est donc pas le concept en lui-même. Mais la limitation du monde à ces derniers. Lorsqu'on est contonné aux limites d'un petit univers, comment s'envoler vers d'autres mondes ? S'affranchir des frontières et développer de nouvelles représentations ? 

 

Nous y voilà… Enfin.


Le Français, les mathématiques sont des concepts - appelons-les étiquettes, pour quoi non ? - utiles à fin de se repérer, pas de doute.

 

Le souci est de les enfermer en disciplines hermétiquement closes.

 

«Il faut remarquer que l'hyper-spécialisation des sciences humaines détruit et disloque la notion d'homme… » Explique Édgar Morin, science avec conscience, p 118.

 

Pourquoi ?

 

Le fait que les matières soient cloisonnées, qu'une frontière imperméable bien souvent matérialisée par l’emploi du temps, les sépare y contribue.  Ce principe de dissociation ne se fait pas en un jour. Mais il finit par produire de puissantes structures dans l’esprit.  Chaque système étant clos sur lui-même telle une bulle, sclérose l’esprit d’analyse global – interdit les interactions complexes.

 

Il s'agit - non pas d'en revenir à une vision multidisciplinaire ou interdisciplinaire - mais de construire des pratiques "intru-disciplinaire". C'est-à-dire d’être attentif, de rendre lisible les intrusions effectuées par chacune d'entre elle en chacune.

Par exemple, comme nous le verrons dans un prochain article, faire des mathématiques en fabriquant un moulinet (moulin à vent).

 

Pour enfoncer le clou : Loin de complexifier l'apprentissage - rendre explicite l'usage du "français" en "math" (lorsqu'on lit un problème), c'est valoriser l'usage du français, certes. Mais c'est surtout pointer la faille qui - souvent - fait échouer les élèves en évaluation (Ce dont ils n'ont absolument pas conscience. Ces derniers attribuant leurs difficultés à des déficiences en terme de calcul et non de compréhension linguistique de l'énoncé.). Bref, c'est provoquer de nouvelles intelligibilités, c'est pousser encore plus loin la clarté des apprentissages - au sens de Britt-Mari Barth, Patrick Rayou et bien d'autres militants de la "pédagogie explicite" (Bien que cette dernière relève d'un concept différent : celui d'une programmation explicite.). Créer des passerelles, des liens, des ponts. Pour reprendre les propos de Roland Jouvent à propos des neurones  « … l'important c'est moins leur nombre que leur ramification. »

 

Bref, l’important est de non pas réduire un individu ou une discipline à des contenus isolés mais les replacer dans leur complexité, leurs influences, rendre transparente leurs interactions. Simplement, rétablir les relations qui composent le monde.
 Eratosthene - 276 av J.C. - 194 av. J.C.
Aussi en 198 av. J.-C. le Grec Eratosthène était-il à la fois poète, critique littéraire, géomètre, historien, astronome, mathématicien, directeur de la bibliothèque d’Alexandrie et bien sûr encyclopédiste…   A l’époque, jusqu’à une période assez récente (Voltaire…) ce qui était préconisé c’était la recherche d’un savoir universaliste.

  

 

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Roland Jouvent... Psychiatre à l'hôpital de La Salpêtrière, Directeur de l'unité CNRS consacrée aux émotions... France Culture, émission d'Olivier Lyon Caen avec ou sans rendez-vous (14h00-15h00) du mardi 1er septembre 2009 intitulée « mémoire et psychiatrie ».

 


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(1) Avec Vygotski, Sous la direction d’Yves clos, la dispute, 1999, P 53.
( 2) Britt-Mari Barth, L’apprentissage de l’abstraction, Retz, Paris , 1987,  P 29
(3)Les neurones de la lecture, opus cité, page 349-350.
(4) Les origines de la pensée chez l’enfant, Henri Wallon, PUF, 1945 PP 478-479.
(5) Nicholas Taleb, Le cygne noir.

 

 

 

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Sites

 

Revue Tréma.

 

Du graphisme à la verbalisation - Académie de Lille.

 

Skhole.fr. (Une mine su Vygotski - Annah Arendt, et;)

 

Hubert Reeves :

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9 novembre 2011 3 09 /11 /novembre /2011 12:00

perception« La perception est un processus cognitif fondamental, nécessaire à tout développement à venir. Un nouveau-né a besoin des stimuli sensoriels sans lesquels son développement cognitif ne se poursuivra pas normalement. Avec le temps et l’expérience, sa capacité d’organiser ces stimuli va se développer. Selon Bruner la nature de cette croissance intellectuelle va dépendre de facteurs extérieurs, autrement dit de la culture dans laquelle il baigne. La langue est peut-être l’élément essentiel, elle façonne la pensée. » L’apprentissage de l’abstraction ; RETZ, 1987. » P 89


Nous croyons tous percevoir les mêmes choses, au même moment.

Voici un test qui risque de vous faire changer d’avis.

 

Dans cette vidéo... Il s’agit de compter exactement le nombre de passes des sportifs de l’équipe blanche (et seulement ceux-là).
Dès que vous vous sentez prêt et concentré, allez-y.

 

 
Il y a en a 13, bravo !

A présent, répondez à la question suivante : Avez-vous remarqué l’ours - qui passe et danse - entre les joueurs ?


Si vous avez été très concentré - vous ne devriez pas l’avoir vu.


« Le processus de la perception est le même pour tout individu, enfant ou adulte - nous explique Britt-Mari Barth-, mais l’individu ne perçoit pas nécessairement la même chose à partir de la même source. Notre perception est limitée par notre expérience individuelle [= Une des explications des inégalités d’apprentissage ?] Même si nos cinq sens sont actifs dans tout acte de perception, c’est notre cerveau qui décide de ce que nous pouvons percevoir à travers eux. Il est aujourd’hui établi que nos connaissances antérieures, nos valeurs, notre affectivité, nos styles cognitifs, notre âge et peut-être notre sexe jouent sur notre manière d’appréhender et d’interpréter notre environnement. » P 89

 

Dans cette vidéo, nous voyons que la perception n'est pas  innée mais fait partie d'un apprentissage.

 

 

 

 

"Nous construisons notre mémoire visuelle à travers nos expériences…

Le cerveau doit apprendre à voir, ceci se fait à travers l’expérience. "

 

 
La chercheuse ajoute, p 91 : "Les jeunes enfants ayant moins d’expérience et de connaissances vont tout naturellement percevoir moins de choses. Pourtant, dans cette optique, ce n’est pas l’âge en soi qui est déterminant, mais l’expérience déjà acquise par rapport à un contenu.
(Jeux d’échecs : experts sont ceux qui disposent du vue globale du jeu/ ont mémorisé les coups possibles, et leur « parade »/ importance de l’entraînement. ) Une expérience américaine (De Groot, « Perception and memory versus thought », in Kleinmuntz, Problem Solving, Research, Method, and Theory, New York, 1966, Wiley)  peut également illustrer ce point ; on a étudié la perception des champions aux échecs comparés à des joueurs d’échecs de force moyenne. Lors d’une expérience, il est demandé aux sujets de reconstituer la configuration d’un échiquier après qu’ils l’aient vu pendant 5 secondes. Quand la disposition des pièces était celle qui pouvait effectivement se produire au cours d’un jeu, les champions ont replacé correctement un nombre bien plus élevé de pièces que les joueurs plus faibles. Est-ce que les champions aux échecs ont une mémoire plus performante ? L’expérience a été répétée, cette fois-ci les pièces étaient arrangées au hasard de l’échiquier. Aucun champion n’a eu un résultat supérieur à celui des joueurs moyens. L’explication n’était donc pas à trouver dans une meilleure mémoire de la part des champions, mais dans le fait que ceux-ci avaient développé une capacité à percevoir les pièces quand celles-ci étaient disposées selon les règles du jeu d’échecs. C’est la connaissance des stratégies du jeu d’échecs qui détermine ce dont le joueur va se souvenir.

 

 

Elle poursuit :

 

Ce qu’on perçoit est un produit de l’expérience antérieure, quel que soit l’âge.
La perception commence donc par une discrimination et cette discrimination est sélective. C’est la perception qui nous amène ainsi à donner une signification aux sensations, à faire une discrimination entre les éléments appréhendés à travers les 3 modes de représentation. Cette discrimination étant sélective, on distingue certains éléments et pas d’autres. Plus on a acquis de connaissances, plus on va être attentif aux stimuli. Plus on est informé, plus on perçoit l’information. « Percevoir finit par n’être plus qu’une occasion de se souvenir. » (Bergson, 1897, Matière et mémoire, PUF, Paris.)  Si on n’a pas de souvenir, on ne voit rien. Parfois les souvenirs sont enfouis et il faut les faire remonter à la surface.

 

Naturellement, nous avons du mal - en tant qu'enseignant - à voir ce que l'élève ne perçoit pas. Ca nous semble tellement évident.

"L’enseignant n’est pas distrait par les caractéristiques non essentielles, il distingue sans effort le concept. L’élève de son côté interprète ses perceptions à travers ses propres sensations. Si l’enseignant n’est pas conscient de l’écart qu’il y a entre sa perception et celle des élèves, il ne peut les aider efficacement à diriger leur attention sur ce qu’ils doivent percevoir, ce qu’ils doivent apprendre. "P 92


Le but est donc d’amener les élèves à réfléchir sur ce qu’ils doivent percevoir et ceci passe - comme l'énonce Brunner - par le langage…"La langue est peut-être l’élément essentiel, elle façonne la pensée. » L’apprentissage de l’abstraction ; RETZ, 1987. » P 89

 

Britt-Mari Barth enfonce le clou :

 "L’apprenant est plus aidé si on lui procure une structure pour « voir » et organiser les éléments que si on surcharge sa mémoire avec des éléments non structurés qu’il est incapable de retenir !" P 119.

 

P 111 La métacognition : apprendre à conduire consciemment sa pensée, … p 112 : but : amener les élèves à réfléchir sur leur méthode de pensée p 113 : … quand on a compris qu’il faut chercher et valider les attributs essentiels d’un concept, la démarche pour y arriver se conçoit sans difficulté. La représentation qu’on se fait du « problème » facilite sa « résolution ».
P115 : cela suppose un : Entraînement à la perception.

 

dessin identiqueUn entraînement à la perception ne signifie pas : retrouver deux dessins identiques (ce qui est une discrimination visuelle non transposable). Mais à comprendre en quoi deux lettres, par exemple, ne sont pas identiques. En quoi deux concepts sont différents. Cela passe par la comparaison des attributs propres à chaque concept, comme nous l'avons déjà énoncé. 

 


P 121 : Entraînement à la comparaison (hiver/été… Mer /montagne)

P 128 : Entraînement à l’inférence et à sa vérification.

P 131 : L’entraînement à l’hypothèse et à sa vérification.
L’hypothèse… est tout simplement une extension de l’inférence.

P 143 : percevoir, comparer, faire des inférences, les vérifier, faire des hypothèses, généraliser…

P 150 : Qu’est-ce qui fait la bonne réponse ?

 

________________________________________________________________

 

Définition de la métacognition :


- revenir sur sa démarche mentale pour en prendre conscience,
- activité pédagogique qui consiste à aider l’élève à prendre conscience de sa pensée.

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15 octobre 2011 6 15 /10 /octobre /2011 05:03

 

Comme nous l’avons déjà évoqué, le langage (écrit et oral) est au cœur des apprentissages. Ceci se décline sous forme de consignes (à comprendre), de questionnements (à avoir), d’inférences (à opérer), de réponses à formuler, etc.
Mais il existe également nombre de pré-requis – et de savoirs implicites – indispensables afin de pouvoir réussir à l’école. Ces derniers sont primordiaux et pourtant, là encore, ils sont invisibles.

Élisabeth Bautier et Patrick Rayou, Les inégalités d'apprentissage, PUF, France, 2009.

Que sont ces pré-requis ?

 les-inegalites-d-apprentissage.jpg.

...ces pré-requis – explicitent Élisabeth Bautier et Patrick Rayou - sont évidemment des savoirs au sens classique, mais aussi des attitudes devant l'étude, des « postures » (sens de l'effort de longue durée, confiance dans la récompense par les bénéfices tardifs des efforts du moment, acceptation de détours réflexifs pour maîtriser le quotidien...) qui font difficilement l'objet d'une programmation et d'un découpage par séquences, mais aussi et surtout, d'une explication. » (1) P 13.  

 

 

 

Il s’agit également d’un langage spécifique (dialogue cognitif) qui favorise la construction du ou des savoirs.

 

 

Où et comment se construisent les pré-requis langagiers et de posture  ?

 

A l’école, bien sûr.

 

Mais également  - et préalablement - dans le milieu familial.

 

C’est ainsi que certains parents – en général des élèves en réussite scolaire – favorisent l’apprentissage à venir de leurs enfants par le biais de  dialogues cognitifs. L'observatoire des inégalités montre combien "La réussite scolaire est étroitement dépendante du niveau d’études des parents, celui des pères, mais aussi celui des mères, qui consacrent davantage de temps à suivre la scolarité de leurs enfants. Concrètement, il s’agit d’aide aux devoirs, d’achat de livres et plus généralement de conditions de vie favorables (disposer d’un espace à soi notamment), etc. Mais aussi d’un suivi plus large des études, d’une information sur l’orientation et d’une proximité au monde scolaire dans les activités extra-scolaires (lectures, visites de musées, pratiques d’un instrument, etc.)."

A ces aspects généraux d'aide aux devoirs, et de conditions de vie favorables, il faut ajouter d'autres facteurs tels qu'un discours et une posture positive vis-à-vis de l'école ou encore un mode de dialogue particulier, appelé   « .«dialogues cognitifs » [Ces derniers]… sont constitués par des échanges ayant clairement une visée d'élaboration d'une nouvelle connaissance par le langage...[Sont des échanges verbaux] où le thème est conservé du début à la fin […]. [A l’école] les régulations enseignantes y contribuant. » (2)  p 113.

 

Britt-Mari Barth ajoute :   « Imaginez le jeune enfant en promenade avec sa mère et qui, apercevant un chat,  le montre du doigt en disant « chien ». La mère suit son indication et répond « non, c'est un chat ». Elle va peut-être attirer son attention sur les différences physiques entre chats et chiens […] Elle va dialoguer avec lui, en interprétant ce qu'il essaie de communiquer, et se rendra peut-être compte plus précisément de ce qui attire son attention ; elle essaiera, dans une observation commune des chats et des chiens, de diriger son regard sur ce qui lui paraît important de savoir. Ils vont peut-être observer ensemble comment les chats se lèchent pour se nettoyer, comment ils savent sauter d'un endroit à un autre avec beaucoup de précision, comment ils sortent rapidement leurs griffes...  Pour finir, à partir de leur attention conjointe, ils vont aboutir à une entente sur ce que désignent les mots chat et chien, même si ces « définitions » n'ont rien de scientifique. C'est dans leur communauté linguistique que les mots vont prendre sens.
Comprendre à l'école veut également dire pouvoir accorder le même sens à une situation donnée. L'école est une autre communauté linguistique, plus ou moins distante de celle d'où vient l'enfant. Là aussi, le langage est un outil important pour communiquer le sens, mais il s'agit souvent du langage du professeur, ainsi que de son mode de pensée, et le contexte n'est plus là pour servir de support à l'interprétation. Le résultat est que l'enfant ne comprend pas. » Le savoir en construction, p 43.       

 

Dans cette vidéo, nous pouvons voir une maman, qui, par un jeu de loto, montre qu'un parapluie et un parachute, ce n'est pas pareil. On peut supposer que par la suite, la mère explicitera ce qu'est un parachute et ce qui le distingue d'un parapluie (donc en donnera les attributs précis) .

Ce type d'activité nécessite une attention conjointe, c'est à dire une écoute particulière.

 

 

 

Si des éclaircissements ne sont pas effectués, cela conduit l’enfant – donc l’élève – à interpréter les énoncés, à comprendre la nature du travail d’une manière inadéquate, voire contraire aux attendus de l’institution et de l’enseignant. Cela génère des malentendus (cf dossier du café pédagogique et l'article de Vincent Troget, revue Sciences Humaines) qui - au bout du compte – finissent par un brouillage du message généralisé, lequel conduit généralement à l’échec (de l’élève, bien sûr).

 

L’un des brouillages les plus fréquents – explicitent Elisabeth Bautier et Patrick Rayou – se situe dans l’activisme des élèves. Ces derniers pensent que le plus important est de réaliser la tâche exigée, tandis que le but de cette dernière leur échappe complètement. Autrement dit les élèves sont dans une sorte d’activisme sans en réaliser les finalités (les objectifs d’enseignement) qui se situent derrière.

 

Les chercheurs enfoncent le clou. Il existe un : «malentendu quant à la « raison » du travail : les élèves « obéissent » à l'enseignant, répondent à la question posée, font ce que l'enseignant a indiqué pour réaliser une tâche, non pour apprendre. [Les élèves sont dans une sorte « d’exercisation » sans fin.] L'école se présente alors aux élèves comme une succession de choses à faire sans lien les unes avec les autres, apparence confortée par l'organisation même du temps scolaire [emploi du temps cloisonné].   … Dès lors, ce qui importe pour certains élèves, c'est moins d'apprendre en faisant que d'avoir fait. Cependant, quand certains élèves apprennent en faisant, d'autres pensent qu'il suffit de faire pour répondre aux attentes scolaires. » (3) P 113.
 
D’où la naissance d’un courant pédagogique appelé « Pédagogie explicite ». C’est une pédagogie qui présente des similitutes avec certains points développés par Britt-Mari Barth (mais attention, il existe également des différences importantes) où les attentes, les objectifs sont clairement indiqués ou découlent de la situation elle-même. « Dans cette optique, l'environnement doit fournir les supports nécessaires pour rendre possible cette création de signification. » Le savoir en construction P 41. 
 
Steve Bissonnette appartient à ce courant. Mais attention ! Le discours "efficace" et "volontariste" peut prêter à confusion. Il réclame en tout état de cause une analyse attentive, ceci notamment au regard de la récupération que certains en font.  Du reste, on peut trouver sur la toile des sites issus des mouvements de la "pédagogie explicite" envers lesquels il convient d'avoir certaines réserves. A prendre avec précaution, donc.   

 

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(1) - (2) - (3)  Élisabeth Bautier et Patrick Rayou, Les inégalités d'apprentissage, PUF, France, 2009,

 

 

 

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Présentation

  • : Le chêne parlant
  • : L'éclectisme au service de la pédagogie & L'art de suivre les chemins buissonniers. Blogue de Virginie Chrétien chrétien. Maître formatrice en lien avec l'ESPE de Lille. Rédactrice chez Slow Classes. Partenariat : philosophie Magazine. Écrivaine : La 6ème extinction - Virginie Oak.
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Introduction.

L’éducation, dans son étymologie même, c’est : «Educere, ex-ducere, c’est conduire « hors de » rappelle le philosophe Henri Pena-Ruiz dans Le Philosophoire. Charles Coutel parle quant à lui d'[Educarea] ēdŭcāre ‘prendre soin de l’ignorance de l’élève’. "Le rôle de l’éducation - dit-il - c’est de me disposer à mon humanité en moi grâce à mon instruction." Ecoutons George Sand… « Mes pensées avaient pris ce cours, et je ne m'apercevais pas que cette confiance dans l'éducabilité de l'homme était fortifiée en moi par des influences extérieures. » George Sand, La mare au diable, Folio Classique, 892, P 37. Ce blogue se propose de partager des outils pédagogiques, des moments d'expériences, des savoirs, des lectures, de transmettre des informations relatives à la pédagogie ordinaire et spécialisée, des idées d’activités dans les classes allant du CP au CM2 en passant par la CLIS. Enfin, on y trouvera aussi quelques pensées plus personnelles. « Notre savoir est toujours provisoire, il n'a pas de fin. Ce n'est pas l'âge qui est le facteur déterminant de nos conceptions ; le nombre de « rencontres » que nous avons eues avec tel ou tel savoir l'est davantage, ainsi que la qualité de l'aide que nous avons eues pour les interpréter... » Britt-Mari Barth, le savoir en construction. ________________________________________________________________________________________________ 1 Le Philosophoire, L’éducation, n° 33, P16 2 P 52, Britt-Mari Barth – Le savoir en construction – Retz – Paris – 2004 – Isbn : 978725622347

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