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26 novembre 2011 6 26 /11 /novembre /2011 04:34

« L'échec c'est le fait de ne pas dépasser ses peurs. »
Cynthia Fleury.

   

 

« J’sais pas faire, j’suis nul. » se révolte Thomas.

Et quand je lui demande : « Pourquoi tu dis ça ? »

Thomas, du haut de ses neuf ans, explique, le plus naturellement du monde : « J’ai toujours été nul. »

 

Evidemment.

 

Thomas est la représentation de l’élève en difficulté par excellence. Huit élèves sur dix souffrant de troubles de l’apprentissage tiennent des propos semblables : se déprécient à outrance,  dépriment, se bloquent face au moindre obstacle, vivent l’échec dans leur chair - dans leur âme. Il est frappant de voir à quel point l’erreur de départ constitue un échec, lequel abat moralement,  bloque toute capacité de dépassement. L’impression de tout rater submerge, la force du vent contraire empêche l’élève en difficulté de respirer, lui interdit tout espoir d’avancer.

 

L’élève en difficulté (ou plutôt… en grosse difficulté) par excellence, c’est Souleymane, d’Entre les murs.

"C'est pas il veut pas, il sait pas écrire, oui !" Esméralda.

 

Daniel Pennac et Jean-François Dortier étaient – tout comme Thomas, eux aussi des « cancres ».

François Dortier, explicite dans un excellent article, ses difficultés scolaires et la manière dont il les a surmontées.    

 

La quatrième question.

 

"Comment je suis devenu un élève presque modèle ?" Interroge le chercheur.

"La motivation est une construction permanente."

 
L’écrivain - quant à lui -  développe longuement dans son livre – chagrin d’école - les tenants et aboutissants de l’élève en échec scolaire :

 

D’abord… LA HONTE… 

 
« la honte de l'élève qui ne comprend pas, perdu dans un monde où tous les autres comprennent. » (1), p 39.

 

L’élève en échec scolaire, éprouve des difficultés (scolaires ou mentales) à un moment donné qui provoquent désarroi, puis comportement opposant.

 

Le "cancre", de Jacques prévert.

De la difficulté scolaire découle le trouble comportemental, puis du trouble comportemental découle retard et difficulté scolaire.

La boucle est bouclée, on n’en sort pas.

 

« c'est le propre des cancres, ils se racontent en boucle l'histoire de leur cancrerie : je suis nul, je n'y arriverai jamais, même pas la peine d'essayer, c'est foutu d'avance, je vous l'avais bien dit, l'école n'est pas faite pour moi... L'école leur paraît un club très fermé dont ils s'interdisent l'entrée. Avec l'aide de quelques professeurs, parfois. » (1) P 22.

 

La spirale (2) du discours négatif tourbillonne comme un cyclone. 

 

« l’impuissance conditionnée » (learned helplessness)… nous dit Britt-Mari Barth, C’est l’état d’un enfant qui, petit à petit, par la force des choses, a acquis la conviction de son impuissance : c’est le destin… C’est en permettant à l’individu de réussir qu’on peut le convaincre que c’est possible. » (3) P 18.

 

Je suis nul, répète-t-il à l’envie. Puisque je le suis : à quoi bon essayer de comprendre ? Voyez, je vous l'avais bien dit que j'étais idiot : je ne comprends rien. La preuve : mes résultats sont désastreux. La démonstration – pour le coup – est magistrale, la logique imparable. La boucle est bouclée. La mauvaise image de soi s’alimente au sentiment d’échec (4), exacerbe la mauvaise estime de soi. Naturellement, le processus est une protection psychique inconsciente. Le sentiment de tout rater devient plus acceptable – moins lourd à supporter – quand il est inévitable. La fatalité devient un recours, invoquer le hasard constitue la condition de sa propre survie. Comment oser sinon - encore - se regarder en face ? Accepter de vivre ? 
Thomas n’est pas bien vieux, ni bien haut, pourtant déjà, il n’y croit plus. Il se met en marge, au banc de la classe. Et ce n’est pas un hasard s’il espère désespérément se faire oublier.

 

«  Quand le sentiment d’échec s’est installé dans les esprits, insiste Britt-Mari Barth,  il est difficile de modifier les attentes négatives que les élèves ont d’eux-mêmes tout comme l’enseignant (et peut-être les parents). Elles sont suffisantes pour bloquer l’apprentissage en bloquant la disponibilité intellectuelle. Nous savons le rôle important que joue notre affectivité dans l’acquisition des connaissances : l’intégration de nouvelles données est fonction d’associations émotionnelles. » (3) p 156.


Que cette difficulté scolaire soit la résultante d’un retard acquis ou « inné », c’est bien l’incapacité qu’éprouve l’élève à un moment donné à « suivre » comme les autres qui va générer « la crise ».

 

 

« puisque j'étais j'étais réputé incapable. Ce verdict m'offrait les compensations de la paresses : à quoi bon se tuer à la tâche si les plus hautes autorités considèrent que les carottes sont cuites ?
... puis vint mon premier sauveur. Un professeur de français." (1) P95.

« Parce que le cancre, lui, les limbes du zéro, ça lui va (croit-il). C'est une forteresse dont personne ne viendra le déloger. Il la renforce en accumulant les absurdités, il la décore d'explications variables selon son âge, son humeur, son milieu et son tempérament : « Je suis trop bête », « j'y arriverai jamais », « le prof ne peut pas me sentir », « j'ai la haine », « ils me prennent la tête », etc. il déplace la question de l'instruction sur le terrain vague de la relation personnelle où tout devient affaire de susceptibilité. » (1) P 178.


D’abord, brisons – là encore un cliché - lire, n’améliore pas l’orthographe  :

 «  Je n'étais pas un lecteur raffiné. N'en déplaise à Flaubert, je lisais comme Emma Bovary à quinze ans, pour la seule satisfaction de mes sensations, lesquelles, par bonheur, se révélèrent insatiables. Je ne tirais aucun bénéfice scolaire immédiat de ces lectures. Contre toutes les idées reçues, ces milliers de pages avalées – très vite oubliées – n'améliorèrent pas mon orthographe, toujours incertaine aujourd'hui, d'où l'omniprésence de mes dictionnaires. Non, ce qui eut provisoirement raison de mes fautes (mais ce provisoire rendait la chose définitivement possible), ce fut ce roman commandé par ce professeur qui refusait d'abaisser sa lecture à des considérations orthographiques. Je lui devais un manuscrit sans faute. Un génie de l'enseignement, en somme. » (1) P 99


Mais il existe des solutions :

 

1) Préalable indispensable : Penser – en tant qu’enseignant – qu’il existe une solution.

La rhétorique consistant à dire et répéter qu’il n’existe pas de « remèdes miracles » est trop commode. 

 

P 39, se rappelle Daniel Pennac : " Les professeurs qui m'ont sauvé – et qui ont fait de moi un professeur – n'étaient pas formés pour ça. Ils se sont préoccupés de l'origine de mon infirmité scolaire."
Il ajoute, p 40 : "Ils ont plongé. Ils m'ont raté. Ils ont plongé de nouveau, jour après jour, encore et encore... Ils ont fini par me sortir de là. Et beaucoup d'autres avec moi. Ils nous ont littéralement repêchés. Nous leurs devons la vie."

 

2) Rétablir l’estime de soi : 

 

"Quand le sentiment d’échec s’est installé dans les esprits, il est difficile de modifier les attentes négatives que les élèves ont d’eux-mêmes tout comme l’enseignant (et peut-être les parents). Elles sont suffisantes pour bloquer l’apprentissage en bloquant la disponibilité intellectuelle. Nous savons le rôle important que joue notre affectivité dans l’acquisition des connaissances : l’intégration de nouvelles données est fonction d’associations émotionnelles." P 156. 
Britt-Mari Barth, l’apprentissage de l’abstraction, méthodes pour une meilleure réussite de l’école ; RETZ, 1987.
 

Il s’agira donc de proposer des situations où l’élève sera en situation de « réussite ».

Paradoxalement, si la volonté d’apprendre, de connaître est propre à tous les enfants, cette dernière peut se perdre. Quelle sera alors, le moyen de la rétablir – mais attention - sans baisser les exigences ?
L’activité scientifique, peut y contribuer.
 

« Quelle est la clé de la réussite ? Interroge Britt-mari Barth.
Premièrement, le succès : la meilleure façon de convaincre quelqu’un qu’il peur réussir, c’est de le lui prouver ; il faut donc organiser l’enseignement pour que chaque élève puisse réussir quelque chose. Ce qu’il réussit est moins important que de réussir afin de vivre l’expérience de la satisfaction liée au résultat de l’activité ou à l’activité elle-même. C’est la motivation intrinsèque. » P 155.

 
Mais également, les activités théâtrales ou les ateliers d’écriture…

C’est ce qui a « sauvé » Daniel Pennac.
Le « cancre » s’est métamorphosé en écrivain dès lors que l’un des ses professeurs lui a « commandé » un roman.
 

Ecrire un roman dénué de « fautes d’orthographes » ça va sans dire.
« … C'est en ne corrigeant pas leurs fautes d'orthographe ou en acceptant leur manque d'exigence que l'école leur manque de « respect » qui leur est dû, de l'attention qui est due à leur attente et à leur besoin de recevoir une instruction. »
Danièle Sallenave, Nous on n'aime pas lire, Gallimard, 2009.

 

3) travailler par « imprégnations » successives :

 
  « Dès qu'ils avaient compris ce qu'ils lisaient ils découvraient leurs capacités mnémoniques, et souvent, avant la fin du cours, un bon nombre récitait le texte entier, s'offrait une longueur de bassin sans l'aide du maître nageur. Ils commençaient à jouir de leur mémoire. Ils ne s'y attendaient pas du tout. On eût dit la découverte d'une fonction nouvelle, comme s'il leur était poussé des nageoires. Tout surpris de si vite se souvenir, ils répétaient le texte une deuxième fois, une troisième sans accroc. C'est que l'inhibition levée, ils comprenaient ce dont ils se souvenaient. Il ne se contentaient pas de réciter une suite de mots, ce n'était plus seulement dans leur mémoire qu'ils s'ébrouaient, c'était dans l'intelligence de la langue, la langue d'un autre, la pensée d'un autre. Ils ne récitaient pas Émile,   ils restituaient le raisonnement de Rousseau. Fierté. Ce n'est pas qu'on se prenne pour Rousseau dans ces moments-là, mais tout de même, c'est la divination imprécatoire de Jean-Jacques qui s'exprime par votre bouche ! » (1) P 162 :

 

3) Dernière « solution ? » :

 

Tomber « amoureux » de son ou sa prof. C’est ce qu’il s’est produit pour Jean-François Dortier…

Beaucoup plus aléatoire… vous l’avouerez.


________________________________________

(1 ) Daniel Pennac Chagrin d'école 2007, Gallimard, Folio n° 4892, isbn : 978-2-07-039684-9.
(2) La boucle de rétroaction est habituellement utilisée pour des réactions naturelles par exemple celles liées au climat du type : sécheresse qui engendre des feux qui aggravent la sécheresse... 
(3) Britt-Mari Barth, l’apprentissage de l’abstraction, méthodes pour une meilleure réussite de l’école ; RETZ, 1987.
(4) Cela n’est pas sans rapport avec la théorie du don.

 

 

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16 novembre 2011 3 16 /11 /novembre /2011 09:55

Le travail du plasticien - Eric Duyckaerts – est une pure merveille (On a les émerveillements que l’on peut...).

 

Je vous laisse découvrir :

    

 
"12, voilà qui est beaucoup plus puissant pour le calcul."


L’artiste a travaillé sur une forme originale de l’argumentaire lié à l’expertise - ce que l'on appelle plus communément "l'argument d'autorité ». C’est-à-dire qu’en « singeant » ou mimant le discours du chercheur ou de « l’intellectuel », il développe une argumentation d’apparence très « sérieuse », puissante, presque incontestable – bref, hautement crédible.

 
En effet, comment contester des explications s’appuyant sur des hypothèses théoriques argumentées,  des raisonnements d’apparence logique, un discours s’appuyant sur l’étymologiques et la science ? 
La main à deux pouces, nous interroge sur la « vérité » des discours d’experts. Et plus largement sur les vérités scientifiques. Faut-il les prendre  pour argent comptant ? 

   

La main à deux pouces nous place dans une position d’éveil face aux faux-semblants. Pour autant, doit-on douter de tout ?

 

« Douter de tout ou tout croire, sont deux solutions également commodes qui l’une et l’autre nous dispensent de réfléchir. »

Poincaré.

(Citation de Jacques Treiner

in Quelle frontière entre sciences  et recherche ?,

club de science publique.

 Emission du 15.04 .2011 - 14:00)


  Le physicien au CEA, professeur à l’Ecole centrale à Paris justiceEtienne Klein, précise :

"Il faut bien distinguer science (en tant que faits établis, prouvés, vérifiés, etc.)  et recherche (hypothèses en cours, théories en instance de vérification, etc.) …
« La science est un corpus qui s’est constitué au cours du temps et qui a avancé en tranchant certaines questions. »
La question de l’atome a été tranchée en 1907…  Il y a des questions sur lesquelles on ne revient plus. »

 

Pierre Henri Gouillon biologiste spécialisé en sciences de l'évolution, professeur au Muséum national d'histoire naturelle de Paris (MNHN) ajoute :

La science, « c’est tout un travail qui a été fait, c’est pas un truc qui a été décrété un jour. »
Ce qu’il faudrait, c’est montrer le cheminement des scientifiques, ce qui leur a permis de parvenir à ce résultat. "

 

Jacques Treiner, physicien théoricien, professeur émérite à l'université Pierre et Marie Curie développe l’idée selon laquelle la science doit être accessible à tous (donc non cachée derrière des brevets). L’important étant d’être  passée en « revue par les pairs », discutée, « c’est ça qui constitue la conception moderne de la science et qui permet de la stabiliser. »
 

 

 

Comprendre : "C'est imaginer ce qu'on voit."


 

Etienne Klein souligne combien il semble important de s’interroger sur les :
« Lien(s) [qui unissent] la réalité et la théorie qui prétend la décrire.
Est-ce que la théorie dit la vérité ou divague ?
D’où les expérimentations.
« Il a fallu beaucoup de recherches pour faire de la science. »

 

La théorie, effectivement, en raison de son ambiguïté linguistique semble contestable, fragile.
 

Jacques Treiner nous met en garde :
« Attention à la confusion entre théorie et hypothèse.
« Il y a plus dans une théorie que ce qu’on sait sur la chose. »
1680, équations de Newton (ce qui règle les projectiles, le mouvement des planètes, le mouvement à grande échelle des galaxies, etc.), il y a le chaos. Newton ne le savait pas il est dedans.

1860 : Si vous prenez le travail de Maxwell qui unifie tout ce qu’on sait sur les phénomènes électriques et magnétiques. Il met ça sous la forme de quatre équations. Il les triture un peu et il les met sous une forme qui est semblable à l’équation de propagation d’une onde. Donc il dit « il y a quelque chose d’ondulatoire là-dedans. »Il calcule la vitesse de l’onde (il peut le faire, il a les équations sous les yeux) et donc il trouve la vitesse de la lumière. Donc , jaillit – jaillit – de la feuille de papier une interprétation de la lumière comme étant une onde  électromagnétique. Mais à l’époque, on n’a jamais vu la propagation d’une onde électromagnétique, c’est Hertz qui le fera vingt ans plus tard.

Une théorie a un rapport à la réalité absolument incroyable : c’est qu’il y a du vrai –réel – sonnant et trébuchant -  qui jaillit d’une théorie quand elle est bonne. "

  

Pierre Henri Gouillon :
"La science est le produit de la recherche.
Les faits sont dépendants de la théorie. (c’est difficile à comprendre.)
Isidore Geoffroy Saint-HilaireEn biologie (anatomie comparée)… Geoffroy Saint-Hilaire, se pose la question de savoir si la baleine n’a pas de bassin (à l’époque, on croyait qu’elle n’en avait pas).
Il assiste au dépeçage d’une baleine, il remarque le bout d’os qui est perdu parmi les muscles et qui d’habitude était jeté. C’était bel et bien le bassin de la baleine.
Conclusion, de la théorie a amené Geoffroy à comprendre qu’il devait y avoir un os à cet endroit là.

Il y a un problème de langage courant (théorie = une hypothèse parmi d’autres.)

Le fait qu’un avion vole, ce n’est que de la théorie.
«  La théorie est plus sérieuse que des faits. Car des faits peuvent  être facilement mal interprétés.  C’est seulement dans le cadre d’une théorie qu’on peut accéder à une part de vérité par rapport au monde qui nous entoure. »


 Etienne Klein (24 min - émission Science Publique) :
"Les théories physiques ne sont pas arbitraires.  (C’est ce qui fait la différence entre théorie et hypothèse, rebondit Michel Alberganti)" Etienne Klein poursuit :
"Les théories physiques les plus spectaculaires prédisent l’existence de nouvelles sortes d’objets physiques.
Dirac a prédit l’existence de l’anti-matière.
C’est cette efficacité-là qui est spectaculaire.  Qui empêche de dire que ces gens dissertent dans le vague."


"Les faits ne sont pas indépendants de la théorie - (pour reprendre les dires de Pierre-Henri Gouillon) - moi je dirai plutôt « L’interprétation des faits n’est pas indépendante de la théorie. »
 

chute de corps Prenez l’exemple de la chute des corps, nous voyons bien que les corps lourds tombent plus vite que les corps légers … Lorsque nous les faisons tomber du haut d’un immeuble. On peut en déduire une loi de la chute des corps, qui est celle d’Aristote, qui dit « plus un corps est lourd et plus il tombe vite ».
Puis il y a Galilée qui dit non, tous les corps tombent de la même façon à une vitesse qui est indépendante de leur masse. Cette loi de Galilée est contradictoire de l’observation. Il a beaucoup de gens qui lui ont dit : « Galilée ta loi est fausse puisqu’elle est contredite par l’observation. »
Et Galilée réinterprète les faits en partant de la nouvelle loi qu’il a énoncée.  Et en disant quand on fait tomber les corps, certes la gravité joue mais il y a une autre force qui est la résistance de l’air. Et c’est cette force et elle seule qui crée une différence de vitesse entre les corps lourds et les corps légers. Donc il réinterprète les faits à partir d’une théorie.
 

On pourrait dire que la vraie loi de la chute des corps elle est cachée dans l’observation.

« Chute des corps = hors du spectacle. »

 

Michel Alberganti : "La théorie – en quelque sorte – précède la connaissance en l’induisant ou en la guidant. "

 

PH Gouillon nous avertit. Attention ! : Naomie Oreskes a écrit un livre intitulé : « Marchands de doute ». Elle y explique combien, depuis les années 50, (Cf article la recherche .) des groupes de réflexions ont été payés pour dire « on n’est pas sûr, il y a du doute ... »
 "Le but de la recherche est d’éliminer les doutes de la science.

Claude Allègre… qui affirme qu’il n’y a pas de risque sur l’amiante à Jussieu, ou sur la culture des OGM, tout en émettant les plus grands doutes sur le travail de ses collègues climatologues."

 

Etienne Klein : La difficulté est de savoir doser le discours (pas trop modeste, ni l’inverse).


Conclusion /solution :

 

P H Gouillon : "Il devrait y avoir une meilleure connaissance de l’histoire des sciences de la part des scientifiques."

 

Etienne Klein, oui mais, "on ne peut pas devenir expert sur tous les sujets.
Il faut décider en méconnaissance de cause (laisser une part aux experts, une part aux débats, et une part à la décision politique.)
Débats avec place importante à la connaissance.

 

Jacques Treiner : Il faut absolument savoir où trouver l’information.

Il faudrait introduire dans les cours une compréhension des mécanismes."

 

Pierre Henri Gouillon (54 min ) :
"Pour ce qui concerne les programmes de biologie… Personnellement , j’en supprimerai facilement la moitié… des connaissances… Parce que c’est ça qui est un peu pénible… «On inflige des connaissances aux élèves qui s’empressent d’oublier dès qu’ils ont passé l’examen…. » Et on oublie l’idée de mécanisme de biologie, de découverte.
Il n’y a pas besoin de changer tant que cela les programmes.
Quand on présente un fait scientifique, on pourrait essayer de montrer comment on en est arrivé là.

"Donner constamment l’idée de la façon dont s’est construit ce savoir, au lieu de le présenter comme un édifice statique. Là je pense que ce serait quand même un fait essentiel. "

 

Etienne Klein confirme :" Raconter, dans le cursus d’un lycéen, très précisément l’histoire d’une découverte .
Pour voir comment ça s’est passé.
Une seule suffit."


 

Lionel Naccache : Perdons-nous cce ?

 

 

« La connaissance implique nécessairement la subjectivité.
La théorie de la cce implique le sujet.
Connaître ça ne se limite pas à acquérir des informations.
La relation à une information n’est jamais objective."

 

La connaissance est-elle un poison vital ?


Michel Alberganti
« Peut-on avoir raison contre les faits ? » A cette question, l’astrophysicien Pierre Léna, co-fondateur de La main à la pâte qui a participé au Club Science Publique en mars dernier, a répondu dans Le Figaro : «Les faits seuls, en science, ne veulent rien dire, car c'est la raison qui leur donne du sens. Et à l'inverse, la raison ne veut rien dire seule sans les faits» et de conclure : « on n'a pas raison contre les faits, mais contre l'interprétation qui en a été donnée…»

 

claudine-tiercelinClaudine Tiercelin- enfin - apporte un nouvel éclairage...

 

Philosophie magazine n° 54, novembre 2011, pp 64 –65,

P 64 :
« Je pense que nos concepts nous apprennent quelque chose de la nature même du réel.

… les catégories logiques ne sont pas de simples catégories des jugements humains ; elles correspondent à des catégories de la réalité. La science ne décrit pas seulement des phénomènes, dans les limites de l’expérience possible et de nos facultés ; elle explique de quoi le réel est fait (les équations de physique fondamentale sont des découvertes du fonctionnement réel de la matière). Deuxièmement, un coup d’œil à l’histoire des sciences montre qu’on a progressé, résolu des problèmes qui paraissaient jadis obscurs, tel l’âge de l’univers. Il est donc aberrant de déclarer d’une chose qu’elle est à jamais inconnaissable. Troisièmement, la connaissance, pour Kant, était liée à la nécessité de l’universalité. Or le modèle a changé. On évoque plus les approximations, les rectifications, le probable, le progrès par essais et erreurs, l’enquête et le laboratoire.

 

P 65 : Pierce était d’abord un métaphysicien, un logicien doublé d’un savant, un évolutionniste qui se demandait comment peuvent émerger des normes et des valeurs dans un univers soumis au hasard. Pour lui, la vérité, ce n’est pas ce qui paie, c’est le but idéal de l’enquête ; la connaissance porte sur un monde réel fait de possibles et de propriétés stables. Etre pragmatiste pour lui n’empêche en rien, mais implique au contraire, d’être réaliste, métaphysicien et scientifique : c’est faire des hypothèses, recourir aux expériences, les tester pour les vérifier ou, plus encore, les infirmer. Toute connaissance est foncièrement conjecturale et provisoire.


le ciment des choses, Claudine TiercelinLe ciment des choses. Petit traité de métaphysique scientifique réaliste (Ithaque, 2011)

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19 octobre 2011 3 19 /10 /octobre /2011 08:57

 

Après Albert Jacquard, je ne pouvais pas ne pas parler d’Hubert Reeves. 

Hubert Reeves, astrophysicien, est fait de la même écorce : solide, active et humble. 

jenauraipas.jpg(Cet article a été rédigé à partir du livre intitulé : "Je n'aurai pas le temps", édité au Seuil, en 2008.)

 

Le discours du scientifique dépasse de loin le cadre de l’astrophysique. Son goût pour les « livres écornés, aux pages souvent décollées et parfois soulignées à grands traits de crayons gras. » p 29, son « goût de raconter des histoires sur l'univers, les étoiles, les atomes, et de poser des devinettes, c'est à ces instants magiques [passés à l’écoute de sa grand-mère auxquels] je pense. » P 37-38, ses regards sans conscession « Ce narcissisme enfantin fut pour moi un puissant moteur, mais aussi un poids parfois lourd à porter. Le jeune chercheur comprend rapidement qu'il n'est pas seul dans la course au savoir. Son ambition est partagée par bien d'autres, tous aussi décidés à rendre manifestes leur supériorité intellectuelle et leur aptitude à résoudre des énigmes. Le milieu scientifique est un monde de haute compétition, quelquefois accompagné de coups bas. » p 37, son rejet des croyances définitives, ses doutes, son attirance pour l’éclectisme, la culture, la curiosité, la créativité. « La créativité est à la source d'un des plus beaux fleurons de l'évolution de la vie sur la terre : l'art, dans toutes ses expressions. On lui doit Mozart, Van Gogh, Baudelaire et tous les artistes qui embellissent notre vie et enrichissent notre monde. » pp 286 – 287, tout cela fait d’Hubert Reeves ce qu’il est : un professeur lui aussi en humanistique (cf Albert Jacquard). 

 

 

Sur cette vidéo, nous voyons l’engagement en acte de trois chercheurs. Jean-Pierre Dupuy, philosophe, Etienne Klein, physicien et Hubert Reeves. Jean-Pierre Dupuy, milite  «Pour un catastrophisme éclairé ».

 

Son goût pour les sciences lui est donc venu :

D’une curiosité insatiable pour résoudre les énigmes de la nature : 

« Lors d'un cours de physique, une équation m'avait particulièrement frappé parce qu'on la retrouve dans des domaines très divers. Elle décrit en effet aussi bien les variations de température que la distance parcourue par une voiture, la diminution de la longueur d'une bougie allumée et beaucoup d'autres choses encore. J'avais cherché à comprendre comment la même formule pouvait s'appliquer à tous ces phénomènes. L'explication tient en ces quelques mots : les mathématiques permettent d'extraire la structure logique commune à de nombreux faits différents. Je retrouve effectivement ce que Galilée avait découvert quatre siècles auparavant et qui lui faisait dire que les mathématiques sont le langage de l'Univers. Ce fut au Xxème siècle le crédo d'Einstein. ». P 54.

Mais également de ses différentes rencontres humaines

« Cette rencontre (Joseph-Henri Le Tourneaux) a été l'un des faits marquants de mon adolescence. Il m'est difficile de déterminer à quel point elle est arrivée au non moment pour semer dans un terreau propice les germes de ce qui susciterait mes joies les plus profondes. Je m'imbibais de son enthousiasme, de nos promenades sur le lac, j'appréciais tout cela jusqu'à la délectation. Son aura, la valeur qu'il donnait aux choses de l'esprit et de la culture, créaient une atmosphère exaltante. Il était, en quelque sorte, le grand prêtre qui donnait leur sens aux idées. Contrairement à nos professeurs qui, quelle que fût leur valeur, « étaient là pour ça » - ce qui ternissait en quelque sorte leur crédibilité -, la gratuité de son approche garantissait que tout, là, était digne et vénérable... bien au-delà du cadre et du temps de scolarité. Il faisait reculer toujours plus loin l'horizon des connaissances et donnait l'envie d'aller jusque-là, et même au-delà. » P 57.

 

Car, au départ, loin du cliché – déjà souligné – du « génie qui réussit tout tout de suite », l’échec ou la réussite dans un domaine ne dépend parfois que d’une rencontre ou d’un événement qui se produit ou pas…

« En 1950, mes premiers mois à l'université de Montréal furent pénibles. Les cours de mathématiques, que j'affectionnais tant au collège, m'étaient devenus d'insupportables corvées. Je n'y comprenais plus rien. Le langage m'échappait, les raisonnements ne faisaient plus sens. Je me sentais perdu, comme exclu du monde dont j'avais tant rêvé et dans lequel mes camarades de classe semblaient à l'aise. Selon toute vraisemblance, j'allais devoir en faire mon deuil. J'envisageais de renoncer, d'avouer que j'avais atteint mon « niveau d'incompétence ». 

     Mes notes étaient lamentables. Jamais, je le craignais, je n'accéderais à la carrière scientifique à laquelle j'avais aspiré. Les premières vacances de Noël, uniquement et vraisemblablement consacrées à tenter d'assimiler mes cours, m'avaient laissé épuisé, véritablement découragé, et soucieux... 

         Mais en janvier, à la reprise des classes, la situation changea du tout au tout. Je me souviens du moment précis où, se plaçant devant le tableau noir, un nouveau professeur dont je n'oublierai jamais le nom (Abel Gauthier) a commencé son cours sur un chapitre des mathématiques appelé « séries de Fourrier ». Tout me parut clair, lumineux. Les raisonnements, les équations s'alignaient dans un enchaînement d'une élégance rigoureuse et puissante, parfaitement compréhensible. 

            Quel soulagement de n'avoir plus à douter ni de mes capacités intellectuelles, ni de la poursuite de ma carrière que, quelques heures plus tôt, je croyais encore compromise ! »  P 70-71 

 

Cette expérience (d’abord douloureuse) éprouvée par Hubert Reeves nous incite - nous invite - à réfléchir.  

D’abord, nous observons combien la réussite et l’estime de soi sont intriquées, attachées l'une à l'autre. 

 

Raison pourquoi, nous explique Britt-Mari Barth dans « l’apprentissage de l’abstraction », la volonté d’apprendre, peut, elle aussi faire l’objet d’un changement d’attitude, de regard, de la part de l’enseignant. 

« Quelle est la clé de la réussite ? 

Premièrement, le succès : la meilleure façon de convaincre quelqu’un qu’il peur réussir, c’est de le lui prouver ; il faut donc organiser l’enseignement pour que chaque élève puisse réussir quelque chose. Ce qu’il réussit est moins important que de réussir afin de vivre l’expérience de la satisfaction liée au résultat de l’activité ou à l’activité elle-même. C’est la motivation intrinsèque. » p 155.

Les sciences sont l’un des moyens permettant à l’élève de réussir, puisqu’il s’agit d’émettre des hypothèses, de les vérifier, de réajuster sa réflexion, sans jugement d’aucune sorte (La validité ou non du raisonnement se situant dans le résultat de l’expérimentation même). En outre, chacun est à égalité.

Pour en revenir à Hubert Reeves… Autre leçon que l’on peut déduire de son expérience… Force est de constater combien l’enseignant – et son enseignement – ont une influence sur l’élève. 

"Que s'est-il passé ? Interroge-t-il lui-même. 

« Je me suis souvent posé la question. Chacun possède son mode de fonctionnement psychique et mental. Les scientifiques les plus brillants s'avèrent quelquefois incapables d'expliquer clairement ce qu'ils ont compris. Une sorte d'intuition leur permet de former et d'utiliser des raccourcis efficaces grâce auxquels ils appréhendent rapidement l'ensemble de la situation. Cela explique, je pense, pourquoi nombre de ces chercheurs géniaux sont de piètres pédagogues. » Pp: 71 – 72

 

Conclusion, pour réussir, il convient  de : 

« … s'habituer aux échecs, garder confiance et recommencer aussi souvent qu'il le faut pour réussir. 

[Pas facile, je le sais bien de trouver la bonne information en se détachant des croyances communément  acceptées...   Cette posture mentale s’appelle la SERENDIPITE ».

   On raconte que vivaient en Perse trois frères, princes de Sérendip, dont on disait qu'ils avaient l'art de « tirer parti des circonstances adverses ». On appelle aujourd'hui « sérendipité » cette faculté de première importance pour les chercheurs. » P 75.

Exploiter l'imprévu de manière créative, rebondir.  

serenpiditecouverture.jpgIdentifier un "heureux hasard", c'est faire preuve d'esprit critique, agir, choisir parmi une constellation de possibles, faire preuve de jugement, bref, c'est tout sauf du hasard puisque cela met en oeuvre une interprétation intellectuelle du monde. Laquelle implique une bonne dose de sagacité.

Nous devons - en outre - modifier notre perception de l'erreur, lui attribuer une autre place. Considérer l'échec comme une (voire la) conséquence normale - ou devrais-je dire ordinaire - de la recherche... et donc... du travail scolaire. 

     « Quand quelques « grands professeurs » vous présentent les résultats mirobolants de leurs travaux géniaux, vous avez l'impression qu'ils réussissent facilement tout ce qu'ils entreprennent. Cela vous impressionne tout autant que cela vous déprime. Par cet exemple personnel, j'ai voulu vous montrer qu'eux aussi rencontrent souvent des échecs. Qu'ils peuvent rester longtemps dans le noir avant d'arriver à quelque chose. Dites-vous que le « grand professeur » a fait lui aussi beaucoup d'erreurs, peut-être les mêmes que vous, mais... avant vous ! Simplement, il a persisté. » Feynman. (Richard Feynman : un maître en pédagogie, écrit Hubert Reeves en sous-titre, p 121). p 123

 

Et c’est d’ailleurs, l’un des fondements de la recherche scientifique puisqu’ « Une théorie n'est jamais définitive : elle se rapporte à une situation et à un moment donnés. De nouveaux résultats peuvent la remettre en cause, et elle pourrait bien rétrograder sérieusement dans l'échelle des certitudes. 

     Cette situation de précarité interdit de parler de « vérités absolues ». En même temps, elle confère à la science la souplesse qui en fait sa force et sa fiabilité. Elle stimule sa puissance d'investigation du monde réel, aux antipodes des idéologies figées. » P 244. 

 

Hubert Reeves conclut :

« … je cherchais à me rassurer. La science me paraissait être d'un précieux secours contre l'angoisse et les menaces de l'existence. En fait, elle a joué ce rôle à maintes reprises. » P 298.

Puisse cette parole être largement diffusée et - surtout - entendue.

 

__________________________________________________________________________________________________________

 

Hubert Reeves, Je n'aurai pas le temps, Seuil, 2008, ISBN : 978-2-02-097494-3 

 

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12 octobre 2011 3 12 /10 /octobre /2011 07:37

Il serait logique d’attendre d’un généticien – surtout de la stature d’Albert Jacquard – des réponses scientifiques, rationnelles, déterminées… aux questions de la connaissance, de l’apprentissage, de l’intelligence. Il n’en est rien.
 

 

 

"C'est tellement désolant d'être un vainqueur."

 

 

Albert Jacquard tout au long de son oeuvre (cf Chantal Serrière) et de ses livres – très clairs et surtout très agréables à lire - dénonce les idées reçues, les clichés, les statistiques et calculs mathématiques erronés…

 

albert-jacquart-moi-et-les-autres.gif

 

Ainsi nous prévient-il des fausses évidences. L’une de celles souvent rencontrées - et  des plus sournoises – car elle a l’apparence de la vérité est la confusion entre corrélation et cause.

 
Moi et les autres, édité au Seuil.

   

Une corrélation est un fait souvent rencontré en regard d’un autre fait.
Une cause, au contraire, a un lien direct de cause à effet. Elle est la base d’un phénomène qui entraînera des conséquences.

 

Pour faire simple :
Vous observez tous les étés des feux de forêt.
Vous observez également des pompiers présents aux abords des forêts.
Pourtant, les pompiers ne sont pas la cause des feux.

 

Ca peut paraître idiot, et même stupide d’insister sur cette confusion. Et pourtant, elle est extrêmement fréquente. Parfois, ceux qui les emploient ne s’en rendent pas compte, on pourra donc sans doute leur trouver des circonstances atténuantes... Mais parfois – et c’est cela qui est le plus révoltant – certains chercheurs la font sciemment. Peut-on pardonner alors ce qu'il serait convenu d'appeler une malhonnêteté intellectuelle ?

 

Albert Jacquard développe  : « … nous constatons, bien sûr, que les habitants des quartiers chics paient cher de loyer et passent en moyenne deux semaines dans la neige ; les habitants de HLM de banlieue ont des loyers moins élevés et ne passent qu’un ou deux jours à la montagne : plus cher est le loyer, plus longue est en moyenne, la durée des vacances d’hiver ; il y a une très forte corrélation entre les deux nombres. Faut-il en conclure que le loyer est un « facteur » de la durée des vacances ? Cela amènerait à tripler les loyers de HLM pour permettre enfin aux ouvriers de faire de longs séjours à la montagne ! Il y a une erreur quelque part dans le raisonnement. Eh bien, c’est exactement la même erreur logique que commettent les quelques « psy » ou les quelques idéologues qui osent présenter le QI comme « facteur » de la réussite. Ils confondent innocemment, ou consciemment selon les cas, corrélation et cause.
Certes, un QI de 90 permet de prévoir un manque de réussite, si les conditions restent ce qu’elles sont. Mais pourquoi le resteraient-elles ? Il n’y a là aucune fatalité. Tout au contraire, l’objectif de la mesure du QI doit être non le plaisir de prévoir l’échec, mais la possibilité de prendre les mesures qui permettrons de l’éviter ».  P 106-107

 
Mais le généticien ne fait pas qu’éclairer les erreurs des autres, il n’hésite pas à dénoncer – et exposer – ouvertement les siennes. La chose est assez rare pour être soulignée.

 
Ainsi nous relate-t-il l’anecdote suivante :

« Une mésaventure personnelle m’a fait prendre conscience de l’importance de ce lent travail de maturation, de compréhension, de pénétration d’un problème : un certain matin, ayant, sans cause apparente, formulé intérieurement une idée, à vrai dire subtile et qui m’a semblé particulièrement originale, je me suis senti « très intelligent ». Dans l’après-midi je n’ai pas résisté au plaisir, à la fin d’une réunion de travail, d’énoncer cette nouvelle vérité première devant mes camarades ; au lieu de compliments attendus, l’un d’eux a répliqué par un sourire moqueur. « Tu ne trouves pas cette idée intéressante ? – Si, bien sûr, mais elle figure intégralement dans ma thèse. » J’avais, dix-huit mois plus tôt, fait partie de son jury ; je sors aussitôt de ma bibliothèque mon exemplaire de sa thèse : rapidement nous retrouvons le passage exprimant mot pour mot « mon » idée. Dans la marge, j’avais noté « non, faux ».
Peut-être suis-je particulièrement lent – dix-huit mois pour comprendre une phrase – mais j’avais, après ce long délai, vraiment compris le problème posé, au point d’en faire une idée personnelle. Aurai-je été moins intelligent, si en une semaine j’avais compris cette phrase, mais en la laissant extérieure à moi ? Comprendre, c’est aussi prendre, s’approprier ; qu’importe le processus de rapidité. » (1) 

 

Voilà qui nous invite à réfléchir :

 

 

 

Dans cette vidéo, Albert Jacquard, nous propose une autre vision de la science, où l'important est de bien poser le problème, où nous serions tous à égalité, où nous devrions essayer de raisonner ensemble. Il nous propose : La construction de l’humanité par elle-même.

 

Serions-nous des objets de savoirs ou des sujets ?

Pour lui, pas de doute : « Un être qui n’est que le résultat d’influences extérieures est nécessairement un objet fabriqué ; plus ou moins bien réussi selon la qualité des sources, il est l’aboutissement passif des chaînes causales sur lesquelles il n’a de prise. L’auto-organisation, si elle se développe suffisamment, lui permet de devenir un sujet, qui se détermine en partie lui-même. » P 138.

 


Voilà - peut-être - ce que nous sommes : une infime participation à la création de l’humanité. 

__________________________________________________________________________


1) « moi et les autres, initiation à la génétique, Point, Seuil, Pp 119-121.

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Présentation

  • : Le chêne parlant
  • : L'éclectisme au service de la pédagogie & L'art de suivre les chemins buissonniers. Blogue de Virginie Chrétien chrétien. Maître formatrice en lien avec l'ESPE de Lille. Rédactrice chez Slow Classes. Partenariat : philosophie Magazine. Écrivaine : La 6ème extinction - Virginie Oak.
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Introduction.

L’éducation, dans son étymologie même, c’est : «Educere, ex-ducere, c’est conduire « hors de » rappelle le philosophe Henri Pena-Ruiz dans Le Philosophoire. Charles Coutel parle quant à lui d'[Educarea] ēdŭcāre ‘prendre soin de l’ignorance de l’élève’. "Le rôle de l’éducation - dit-il - c’est de me disposer à mon humanité en moi grâce à mon instruction." Ecoutons George Sand… « Mes pensées avaient pris ce cours, et je ne m'apercevais pas que cette confiance dans l'éducabilité de l'homme était fortifiée en moi par des influences extérieures. » George Sand, La mare au diable, Folio Classique, 892, P 37. Ce blogue se propose de partager des outils pédagogiques, des moments d'expériences, des savoirs, des lectures, de transmettre des informations relatives à la pédagogie ordinaire et spécialisée, des idées d’activités dans les classes allant du CP au CM2 en passant par la CLIS. Enfin, on y trouvera aussi quelques pensées plus personnelles. « Notre savoir est toujours provisoire, il n'a pas de fin. Ce n'est pas l'âge qui est le facteur déterminant de nos conceptions ; le nombre de « rencontres » que nous avons eues avec tel ou tel savoir l'est davantage, ainsi que la qualité de l'aide que nous avons eues pour les interpréter... » Britt-Mari Barth, le savoir en construction. ________________________________________________________________________________________________ 1 Le Philosophoire, L’éducation, n° 33, P16 2 P 52, Britt-Mari Barth – Le savoir en construction – Retz – Paris – 2004 – Isbn : 978725622347

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