« Cela ressemble bien aux Américains d’imaginer un big bang à l’origine de nos univers. »
Julien Green (1) p 49.
« Au fond de la matière pousse une végétation obscure.
Dans la nuit de la matière fleurissent des fleurs noires.
Elles ont déjà leurs velours et la formule de leur parfum. »
Gaston Bachelard. p 111.
" Rentre dans ce néant dont je t’ai fait sortir."
Racine. p 90 .
L’ironie de l’histoire – écrit Etienne Klein dans le ‘Discours sur l’origine de l’univers’ - c’est que les modèles de big bang, que les spécialistes avaient d’abord appelés modèles « d’évolution dynamique », ont été les victimes épistémologiques de leurs premiers détracteurs. En effet, cette expression de « big bang » fut inventée en 1949, lors d ‘une émission de radio sur la BBC, par l’astrophysicien Fred Hoyle, promoteur d’un univers statique, qui voulait ainsi donner à ses auditeurs une image parlante de ce modèle concurrent du sien… ! Cette onomatopée tapageuse a fait mouche, de sorte que les scientifiques l’ont reprise à leur compte et sont ainsi tombés à pieds joints dans une sorte de piège sémantique.
Cette expression est en effet des plus trompeuses, puisqu’elle suggère, de façon quasi autoritaire, que l’univers aurait résulté d’une explosion cataclysmique qui se serait produite en un lieu précis et correspondrait à l’origine de tout ce qui est.
Le vocabulaire employé par certains astrophysiciens – lorsque ces derniers parlent par exemple de « fraction de seconde après le big bang » - laissent accroire que l’univers aurait une origine à un instant T, à un endroit précis de l’univers.
Ces images erronées sont très difficiles à corriger.
"Les physiciens ont fini par comprendre que le big bang ne correspond nullement à la création proprement dite de l’univers, mais simplement à un épisode particulier qu’il a traversé." (1) p 53.
A supposer que les chercheurs puissent "franchir " le « mur de Planck ».
["Le mur de Planck est ce qui nous barre l’accès à la connaissance de l’origine de l’univers, si origine il y a eu. Il incarne en effet la limite de validité ou d’opérativité des concepts de la physique que nous utilisons" ; p 54-55 ]
Si donc, il parvenaient à traverser ce mur et surtout à « élaborer ce qu’on appelle une « théorie quantique de la gravitation », c’est-à-dire des équations qui unifieraient en un seul et même cadre théorique la physique quantique et la gravitation ».
La question du comment s’est produite l’origine de l’origine resterait entière. « Lorsqu’il pose la question de l’origine de l’univers, de l’origine de toutes les origines, notre langage se réfracte lui-même, pour s’abîmer dans ce qui n’est que son ombre. Un ombre définitivement envoûtante. » p 161.
Si notre univers n’est qu’une singularité, une brane ou tout autre objet flottant – rebondissant – la question des causes premières - de son émergence - reste entière.
"On définit souvent le vide comme étant ce qui reste dans un volume après qu’on en a extrait tout ce qui est possible : le volume demeure, il n’y a plus rien à l’intérieur ; l’espace a en quelque sorte été lavé de toute matière, du moindre atome. Forts de cette définition, imaginons que nous puissions enlever de l’intérieur d’une enceinte toutes les particules de matière et de lumière qu’elle contient, sans la moindre exception, et atteindre ainsi le vide parfait. Se réduirait-elle à de l’espace pur ? A cette question, la physique quantique répond par la négative : le vide n’est pas vide. Il contient de l’énergie, il est même gorgé de ce qu’on pourrait appeler de la matière « en état de veilleuse ». Demeurerait en effet, au sein de cette enceinte où nous aurions fait le vide avec la meilleure des pompes à vide imaginable, des particules dites « virtuelles », c’est-à-dire des particules bel et bien présentes mais qui n’existent pas réellement : elles ne possèdent pas assez d’énergie pour pouvoir vraiment se matérialiser et, de ce fait, ne sont pas directement observables. Elles se trouvent, si l’on peut dire, en situation d’hibernation ontologique."
Pour exister, réellement exister, elles ne réclament qu’une chose : l’énergie qui manque à leur existence pleine et entière.
Note Bas de Page : Cette énergie du vide constitue elle aussi un hiatus important entre la physique quantique et la relativité générale." p 90-91.
Ainsi notre monde est-il "un océan rempli de particules virtuelles capables, dans certaines circonstances, d’accéder à l’existence." p 93.
La vie n’est-elle pas un infime élément d’énergie perdu
dans un magma bâti de milliards de milliards de vide ?
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Etienne Klein, Discours sur l’origine de l’univers, Flammarion – ISBN : 978-2-0812-2879-5
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