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21 septembre 2011 3 21 /09 /septembre /2011 16:49

Lorsqu’on débute dans l’enseignement, la première affectation rime rarement avec calme, écoute, bref, la classe est peu souvent « modèle ». Confronté aux violences présentes dans la cour, aux bagarres qui se poursuivent parfois en classe, on pare au plus pressé. Le résultat s’apparente à une inflation de discussions. Usant de mots afin de contrer les maux.
On cherche alors des solutions – pour s’en sortir. Et asseoir son autorité.

 

 

On évoque alors le « conseil d’élèves ». Certes, cette solution n’est pas dénuée d’intérêt. Mais le souci du dispositif est son installation (Assez lourde, puisqu’elle nécessite de préciser le rôle de chacun, d’identifier sa nature, son objectif, d’instaurer un tour de parole réglé – pas toujours facile en classe difficile d’organiser le changement des rôles -  « tour de rôle », etc.) Bref, cette pratique appelle des règlements, une gestion de la classe assez lourde et dévoreuse de temps.
Une autre solution souvent évoquée est celle de :

 

La boîte à « bagarre »

 

La boîte à « bagarre » est une idée de Philippe Meirieu (En est-il l’inventeur ?), préconisée lors d’une émission radiophonique diffusée sur Europe 1 en 2000. Ce dernier lutte contre la violence par divers moyens.

 

 


De quoi s’agit-il ?

Il s’agit d’une boîte à chaussure, toute simple. L’élève y glissera un courrier au sein duquel il aura pris soin de noter ce qui s’est passé dans la cour, en classe. Le courrier sera, ensuite, lu et commenté par les élèves.

 

Quels sont les avantages de cette boîte (non pas - à mon sens - à bagarre) mais à réconciliation ?  

 

La boîte à réconciliation :

 

P1000528.jpg 

Premièrement, la mise en place est pratique, rapide et ultra simple.

Deuxièmement, ce dispositif engendre une mise à distance du conflit.

Une mise à distance de l’élève au regard de l’événement vécu :  puisque ce dernier se doit de le rapporter par écrit.

 

Or s’éloigner de l’événement, le superviser, l’étudier est primordial. En effet, aborder l’événement frontalement, c’est souvent tomber dans des discutions sans fin. Parler, répondre, encore parler… à brûle pourpoint, sans réflexion, et ceci - bien souvent – non seulement ne permet pas de désamorcer les conflits mais ajoute de l’énervement au stress.

Élisabeth Bautier et Patrick Rayou, dans un livre consacré aux inégalités d'apprentissage, explicitent fort bien ce mécanisme. Si, insistent-ils, « Le minimum de « surplomb » pour comprendre les enjeux d'apprentissage ne sont pas assurés. (Alors)  L'enjeu cognitif disparaît au profit d'une inscription dans le seul « ici et maintenant » de ce qu'ils sont en train de faire. » (1)  Or, nous, enseignants, savons combien il est difficile de lutter contre le « Tout, tout de suite. », le « je veux, maintenant », bref le sentiment de toute puissance régulièrement rencontré chez les élèves les plus difficiles.  Les chercheurs ajoutent, se plaçant toujours du côté des apprentissages : « Cette manière d'être au travail scolaire est au demeurant potentiellement efficace dans l'instant et cette efficacité relative maintient l'opacité pour l'élève comme pour l'enseignant observant l'élève, quant à la nature réflexive et cognitive du travail attendu. » (1 bis)  

 

En réalité, à agir ainsi, on tombe souvent dans des discussions sans fin. On en reste au domaine de l’émotion. On s’en tient à un dispositif de comportement reflex (parole – réponse), peu constructif. C’est le  « genre conversationnel »(2). C’est-à-dire un dialogue où « les énoncés s'enchaînent les uns aux autres sans maintien d'un objet stable »(3), un imbroglio.
 « Dans le discours oral, l’énonciateur, confirme Michel Brossard, est pris dans le flux de l’énonciation ; il n’existe qu’une distance minimale entre l’énonciateur et son énoncé. »(4) En outre, l’échange verbal a aussi pour fonction d’assurer l’appartenance à un groupe. Le langage (5) est vecteur de communication, de socialisation. Il peut donc être valorisant de participer, de dire quelque chose, de s’exprimer afin de renforcer les liens communautaires, de se rattacher au groupe classe, quand bien même la remarque se trouve en décalage avec la situation, ne correspondent en rien aux attentes du maître ou aux objectifs de la séance.

Le but est donc de favoriser la prise de conscience des relations qui lient les choses entres-elles, de générer une position de surplomb, facilitant la compréhension et le raisonnement. De favoriser l’instant de répit, - l’entre-deux – l’interstice – le décalage d’où va surgir la pensée.

Le but est de créer le recul nécessaire à l’émergence de la réflexion. Puisque « Les élèves qui réussissent à l'école savent mettre en œuvre cette capacité à construire des liens ». (6) martèlent  Elisabeth Bautier et Patrick Rayou non sans fermeté.

Le courrier n’étant pas lu le jour même, dans le « feu de l’action », mais sa lecture étant différée dans le temps, cette mise en retrait est imposée de fait. Cela suscite l’étude de l’événement de plus loin, de plus haut. La lettre saisie, transformée, interprétée va favoriser l’élaboration de processus intellectuels complexes.
On peut enfin « se saisir du monde ».

 

Enfin, la boîte instaure un cadre nécessaire (Je reviendrai sur cette nécessité de cadre.).
La lecture du courrier étant ajustée - par l’enseignant - en fonction du nombre de conflits et du nombre de pages. L’enseignant peut s’organiser et régler cette pratique en fonction des besoins et des disponibilités des élèves (en concertation avec eux ou non). Ce dispositif peut être une aide à la construction d’une relation de confiance réciproque entre l’enseignant et l’élève

 

 

____________________________________________________________________________________________

 

1 Élisabeth Bautier Patrick Rayou, les inégalités d'apprentissage, PUF, France, 2009, p 117.
1 bis Ibid , p 117.
2 Élisabeth Bautier Patrick Rayou, les inégalités d'apprentissage, P 113
3  Ibid.
4  Michel Brossard, Op. Cit. P 80.
5  Roman Jakobson a mis en lumière la fonction phatique du langage.
6 Élisabeth Bautier Patrick Rayou, les inégalités d'apprentissage, P 111.

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commentaires

L
Chère Christine,<br /> <br /> Plagié, donc, à l’insu de mon plein gré.<br /> <br /> Freinet m’interroge, j’ai eu l’occasion, il y une décennie de visiter une classe Freinet, j’y ai vu des élèves dotés d’un plan de travail en train de compléter exercice après exercice, saisir classeur après classeur - rien d’autre. <br /> <br /> Ce silence…<br /> <br /> A quoi servons-nous me suis-je alors interrogée, si ce n’est afin de relever l’implicite, verbaliser sur les procédures, erreurs, ou facilités ?<br /> Réduire l’enseignant à un plan de travail le différencie-t-il d’un non expert ? <br /> <br /> <br /> Excellente soirée à vous, sous le soleil du Nord.
Répondre
L
Chère Christine, <br /> <br /> Philippe Meirieu parle de boîte à bagarre.<br /> <br /> Quant à la pédagogie Freinet, celle-ci est basée sur l’écrit. Ce dernier, étant devenu malheureusement aphone en raison de gaz inspirés durant la guerre. <br /> <br /> Bien amicalement.
C
Chère Virginie,<br /> <br /> Je suis très étonnée. Je n'aurais imaginé une classe Freinet de la sorte... Par contre, par chez moi (plus au sud), j'ai eu l'occasion de visiter une classe Montessori, où le silence est vraiment d'or...<br /> <br /> Si mes souvenirs sont bons (car un de mes défauts est d'oublier très vite ce que je lis et apprends ;-)), la pédagogie Freinet a cœur de former de bons futurs citoyens, autonomes, responsables, en inscrivant les pratiques de classe dans le concret : ainsi l'apprentissage de la lecture/écriture se fait au moyen de la tenue d'un journal d'école, par exemple, ou de correspondances avec d'autres classes, etc.<br /> <br /> Pour en revenir à cette boite à disputatio, je crois bien que j'en ai entendu parler par Meirieu lui même, lors d'une conférence donnée par chez moi, au sujet de jeunes en errance, d'une nécessité de décélération, d'écologie, etc. (il faudrait que je relise mes notes !), et disait-il, ce que vous dites très exactement, à cette différence près : ce sont deux enfants délégués qui ouvrent le courrier en fin de semaine, lors d'une réunion collective, et qui se font donc médiateurs entre les protagonistes dans le but donc de trouver des solutions aux problèmes évoqués. C'est donc un encouragement et un exercice de dialogue constructif. Le maître ne serait plus qu'une sorte de guide/tuteur qui veille à la bonne marche de l'entreprise...<br /> <br /> à bientôt<br /> <br /> Christine<br /> <br /> Si je dis des bêtises, faites le moi savoir, car comme je vous l'ai déjà dit, ma mémoire est défaillante ;-) et je ne suis pas allée vérifier mes sources, planquées certainement quelque part dans mes étagères poussiéreuses...
C
La boite à réconciliation est une idée de Freinet, il me semble bien :-)<br /> Christine
Répondre

Présentation

  • : Le chêne parlant
  • : L'éclectisme au service de la pédagogie & L'art de suivre les chemins buissonniers. Blogue de Virginie Chrétien chrétien. Maître formatrice en lien avec l'ESPE de Lille. Rédactrice chez Slow Classes. Partenariat : philosophie Magazine. Écrivaine : La 6ème extinction - Virginie Oak.
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L’éducation, dans son étymologie même, c’est : «Educere, ex-ducere, c’est conduire « hors de » rappelle le philosophe Henri Pena-Ruiz dans Le Philosophoire. Charles Coutel parle quant à lui d'[Educarea] ēdŭcāre ‘prendre soin de l’ignorance de l’élève’. "Le rôle de l’éducation - dit-il - c’est de me disposer à mon humanité en moi grâce à mon instruction." Ecoutons George Sand… « Mes pensées avaient pris ce cours, et je ne m'apercevais pas que cette confiance dans l'éducabilité de l'homme était fortifiée en moi par des influences extérieures. » George Sand, La mare au diable, Folio Classique, 892, P 37. Ce blogue se propose de partager des outils pédagogiques, des moments d'expériences, des savoirs, des lectures, de transmettre des informations relatives à la pédagogie ordinaire et spécialisée, des idées d’activités dans les classes allant du CP au CM2 en passant par la CLIS. Enfin, on y trouvera aussi quelques pensées plus personnelles. « Notre savoir est toujours provisoire, il n'a pas de fin. Ce n'est pas l'âge qui est le facteur déterminant de nos conceptions ; le nombre de « rencontres » que nous avons eues avec tel ou tel savoir l'est davantage, ainsi que la qualité de l'aide que nous avons eues pour les interpréter... » Britt-Mari Barth, le savoir en construction. ________________________________________________________________________________________________ 1 Le Philosophoire, L’éducation, n° 33, P16 2 P 52, Britt-Mari Barth – Le savoir en construction – Retz – Paris – 2004 – Isbn : 978725622347

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