Le travail du plasticien - Eric Duyckaerts – est une pure merveille (On a les émerveillements que l’on peut...).
Je vous laisse découvrir :
L’artiste a travaillé sur
une forme originale de l’argumentaire lié à l’expertise - ce que l'on appelle plus communément "l'argument d'autorité ». C’est-à-dire qu’en « singeant » ou mimant le discours du
chercheur ou de « l’intellectuel », il développe une argumentation d’apparence très « sérieuse », puissante, presque incontestable – bref, hautement crédible.
En effet, comment contester des explications s’appuyant sur des hypothèses théoriques argumentées, des raisonnements
d’apparence logique, un discours s’appuyant sur l’étymologiques et la science ?
La main à deux pouces, nous interroge sur la « vérité » des discours d’experts. Et plus largement sur les vérités
scientifiques. Faut-il les prendre pour argent comptant ?
La main à deux pouces nous place dans une position d’éveil face aux faux-semblants. Pour autant, doit-on douter de tout ?
« Douter de tout ou tout croire, sont deux solutions également commodes qui l’une et l’autre nous dispensent de réfléchir. »
Poincaré.
(Citation de Jacques Treiner
in Quelle frontière entre sciences et recherche ?,
club de science publique.
Emission du 15.04 .2011 - 14:00)
Le physicien au CEA, professeur à
l’Ecole centrale à Paris Etienne
Klein, précise :
"Il faut bien distinguer science (en tant que faits établis, prouvés, vérifiés, etc.) et recherche (hypothèses en
cours, théories en instance de vérification, etc.) …
« La science est un corpus qui s’est constitué au cours du temps et qui a avancé en tranchant certaines questions.
»
La question de l’atome a été tranchée en 1907… Il y a des questions sur lesquelles on ne revient plus.
»
Pierre Henri Gouillon biologiste spécialisé en sciences de l'évolution, professeur au Muséum national d'histoire naturelle de Paris (MNHN) ajoute :
La science, « c’est tout un travail qui a été fait, c’est pas un truc qui a été décrété un jour.
»
Ce qu’il faudrait, c’est montrer le cheminement des scientifiques, ce qui leur a permis de parvenir à ce
résultat. "
Jacques
Treiner, physicien théoricien, professeur émérite à l'université Pierre et Marie Curie développe l’idée selon laquelle la science doit être accessible à tous (donc non cachée derrière des brevets). L’important étant d’être passée en « revue par les pairs », discutée, « c’est ça qui
constitue la conception moderne de la science et qui permet de la stabiliser. »
Comprendre : "C'est imaginer ce qu'on voit."
Etienne Klein souligne combien il semble important de s’interroger sur les :
« Lien(s) [qui unissent] la réalité et la théorie qui prétend la décrire.
Est-ce que la théorie dit la vérité ou divague ?
D’où les expérimentations.
« Il a fallu beaucoup de recherches pour faire de la science. »
La théorie, effectivement, en raison de son ambiguïté linguistique semble contestable, fragile.
Jacques Treiner nous met en garde :
« Attention à la confusion entre théorie et hypothèse.
« Il y a plus dans une théorie que ce qu’on sait sur la chose. »
1680, équations de Newton (ce qui règle les projectiles, le mouvement des planètes, le mouvement à grande échelle des
galaxies, etc.), il y a le chaos. Newton ne le savait pas il est dedans.
1860 : Si vous prenez le travail de Maxwell qui unifie tout ce qu’on sait sur les phénomènes électriques et magnétiques. Il met ça sous la forme de quatre équations. Il les triture un peu et il les met sous une forme qui est semblable à l’équation de propagation d’une onde. Donc il dit « il y a quelque chose d’ondulatoire là-dedans. »Il calcule la vitesse de l’onde (il peut le faire, il a les équations sous les yeux) et donc il trouve la vitesse de la lumière. Donc , jaillit – jaillit – de la feuille de papier une interprétation de la lumière comme étant une onde électromagnétique. Mais à l’époque, on n’a jamais vu la propagation d’une onde électromagnétique, c’est Hertz qui le fera vingt ans plus tard.
Une théorie a un rapport à la réalité absolument incroyable : c’est qu’il y a du vrai –réel – sonnant et trébuchant - qui jaillit d’une théorie quand elle est bonne. "
Pierre Henri Gouillon :
"La science est le produit de la recherche.
Les faits sont dépendants de la théorie. (c’est difficile à comprendre.)
En biologie (anatomie comparée)… Geoffroy
Saint-Hilaire, se pose la question de savoir si la baleine n’a pas de bassin (à l’époque, on croyait qu’elle n’en avait pas).
Il assiste au dépeçage d’une baleine, il remarque le bout d’os qui est perdu parmi les muscles et qui d’habitude était
jeté. C’était bel et bien le bassin de la baleine.
Conclusion, de la théorie a amené Geoffroy à comprendre qu’il devait y avoir un os à cet endroit là.
Il y a un problème de langage courant (théorie = une hypothèse parmi d’autres.)
Le fait qu’un avion vole, ce n’est que de la théorie.
«
La théorie est plus sérieuse que des faits. Car des faits peuvent être facilement mal
interprétés. C’est seulement dans le cadre d’une théorie qu’on peut accéder à une part de vérité par
rapport au monde qui nous entoure. »
Etienne Klein (24 min -
émission Science Publique)
:
"Les théories physiques ne sont pas arbitraires. (C’est ce qui fait la différence entre théorie et hypothèse,
rebondit Michel Alberganti)" Etienne Klein poursuit :
"Les théories physiques les plus spectaculaires prédisent l’existence de nouvelles sortes d’objets
physiques.
Dirac a prédit l’existence de l’anti-matière.
C’est cette efficacité-là qui est spectaculaire. Qui empêche de dire que ces gens dissertent dans le
vague."
"Les faits ne sont pas indépendants de la théorie - (pour reprendre les dires de
Pierre-Henri Gouillon) - moi je
dirai plutôt « L’interprétation des faits n’est pas indépendante de la théorie. »
Prenez l’exemple de la chute des corps, nous voyons bien que les corps lourds tombent plus vite que les corps légers … Lorsque nous les
faisons tomber du haut d’un immeuble. On peut en déduire une loi de la chute des corps, qui est celle d’Aristote, qui dit « plus un corps est lourd et plus il tombe vite ».
Puis il y a Galilée qui dit non, tous les corps tombent de la même façon à une vitesse qui est indépendante de leur
masse. Cette loi de Galilée est contradictoire de l’observation. Il a beaucoup de gens qui lui ont dit : « Galilée ta loi est fausse puisqu’elle est contredite par l’observation.
»
Et Galilée réinterprète les faits en partant de la nouvelle loi qu’il a énoncée. Et en disant quand on fait
tomber les corps, certes la gravité joue mais il y a une autre force qui est la résistance de l’air. Et c’est cette force et elle seule qui crée une différence de vitesse entre les corps lourds
et les corps légers. Donc il réinterprète les faits à partir d’une théorie.
On pourrait dire que la vraie loi de la chute des corps elle est cachée dans l’observation.
« Chute des corps = hors du spectacle. »
Michel Alberganti : "La théorie – en quelque sorte – précède la connaissance en l’induisant ou en la guidant. "
PH Gouillon nous
avertit. Attention ! : Naomie Oreskes a écrit un livre intitulé : « Marchands de doute ». Elle y explique combien, depuis les années 50, (Cf article la recherche .) des groupes de réflexions ont été payés pour dire « on n’est pas sûr, il y a du doute ... »
"Le but de la recherche est
d’éliminer les doutes de la science.
Claude Allègre… qui affirme qu’il n’y a pas de risque sur l’amiante à Jussieu, ou sur la culture des OGM, tout en émettant les plus grands doutes sur le travail de ses collègues climatologues."
Etienne Klein : La difficulté est de savoir doser le discours (pas trop modeste, ni l’inverse).
Conclusion /solution :
P H Gouillon : "Il devrait y avoir une meilleure connaissance de l’histoire des sciences de la part des scientifiques."
Etienne Klein, oui mais, "on ne peut pas devenir expert sur tous les sujets.
Il faut décider en méconnaissance de cause (laisser une part aux experts, une part aux débats, et une
part à la décision politique.)
Débats avec place importante à la connaissance.
Jacques Treiner : Il faut absolument savoir où trouver l’information.
Il faudrait introduire dans les cours une compréhension des mécanismes."
Pierre Henri Gouillon (54 min )
:
"Pour ce qui concerne les programmes de biologie… Personnellement ,
j’en supprimerai facilement la moitié… des connaissances… Parce que c’est ça qui est un peu pénible… «On inflige des connaissances aux élèves qui s’empressent d’oublier dès qu’ils ont
passé l’examen…. » Et on oublie l’idée de mécanisme de biologie, de découverte.
Il n’y a pas besoin de changer tant que cela les programmes.
Quand on présente un fait scientifique, on pourrait essayer de
montrer comment on en est arrivé là.
"Donner constamment l’idée de la façon dont s’est construit ce savoir, au lieu de le présenter comme un édifice statique. Là je pense que ce serait quand même un fait essentiel. "
Etienne Klein confirme :" Raconter, dans le cursus d’un lycéen, très précisément l’histoire d’une
découverte .
Pour voir comment ça s’est passé.
Une seule suffit."
Lionel Naccache : Perdons-nous cce ?
« La connaissance implique nécessairement la subjectivité.
La théorie de la cce implique le sujet.
Connaître ça ne se limite pas à acquérir des informations.
La relation à une information n’est jamais objective."
La connaissance est-elle un poison vital ?
Michel Alberganti
« Peut-on avoir raison contre les faits ? » A cette question, l’astrophysicien Pierre Léna, co-fondateur de La main à la
pâte qui a participé au Club Science Publique en mars dernier, a répondu dans Le Figaro : «Les faits seuls, en science, ne veulent rien dire, car c'est la raison qui leur donne du sens. Et à
l'inverse, la raison ne veut rien dire seule sans les faits» et de conclure : « on n'a pas raison contre les faits, mais contre l'interprétation qui en a été donnée…»
Claudine Tiercelin- enfin - apporte un nouvel éclairage...
Philosophie magazine n° 54, novembre 2011, pp 64
–65,
P 64 :
« Je pense que nos concepts nous apprennent quelque chose de la nature même du réel.
… les catégories logiques ne sont pas de simples catégories des jugements humains ; elles correspondent à des catégories de la réalité. La science ne décrit pas seulement des phénomènes, dans les limites de l’expérience possible et de nos facultés ; elle explique de quoi le réel est fait (les équations de physique fondamentale sont des découvertes du fonctionnement réel de la matière). Deuxièmement, un coup d’œil à l’histoire des sciences montre qu’on a progressé, résolu des problèmes qui paraissaient jadis obscurs, tel l’âge de l’univers. Il est donc aberrant de déclarer d’une chose qu’elle est à jamais inconnaissable. Troisièmement, la connaissance, pour Kant, était liée à la nécessité de l’universalité. Or le modèle a changé. On évoque plus les approximations, les rectifications, le probable, le progrès par essais et erreurs, l’enquête et le laboratoire.
P 65 : Pierce était d’abord un métaphysicien, un logicien doublé d’un savant, un évolutionniste qui se demandait comment peuvent émerger des normes et des valeurs dans un univers soumis au hasard. Pour lui, la vérité, ce n’est pas ce qui paie, c’est le but idéal de l’enquête ; la connaissance porte sur un monde réel fait de possibles et de propriétés stables. Etre pragmatiste pour lui n’empêche en rien, mais implique au contraire, d’être réaliste, métaphysicien et scientifique : c’est faire des hypothèses, recourir aux expériences, les tester pour les vérifier ou, plus encore, les infirmer. Toute connaissance est foncièrement conjecturale et provisoire.
Le ciment des choses. Petit traité de métaphysique scientifique réaliste (Ithaque,
2011)